La note macro de Nicolas Blanc, Responsable de l’Allocation chez Ellipsis AM.

Si elle a pris le marché par surprise, la décision américaine de durcir le conflit commercial avec la Chine répond pourtant à une logique claire, celle de l’amélioration de sa position de négociation:
• La conjoncture et les marchés sont nettement plus solides aujourd’hui qu’en 2018, ce qui rend l’économie plus résistante au choc de demande créé par la hausse des droits de douane;
• L’inflation est basse, ce qui permet: -de limiter l’impact de la hausse des prix engendrée par les droits, -de soutenir la confiance, par l’inflexion dovish de la Fed, -de limiter la hausse du dollar;
• Il y a un consensus populaire et un avantage politique clair pour M Trump à apparaitre le plus intransigeant possible. De plus, les élections sont encore assez éloignées;
• Avec un déficit budgétaire gonflé par une série de cadeaux fiscaux aux entreprises et aux ménages, les droits de douane n’ont pas d’effet restrictif trop pénalisant pour l’économie;
• La décision de ne pas imposer de droits sur les automobiles européennes – un net soulagement pour les marchés – préserve la capacité de résistance des US et donc leur crédibilité.

Il faut noter que le contexte, dans une moindre mesure, permet aussi à la Chine de supporter un durcissement des positions. On peut donc craindre que le conflit ne dure. Après la réplique chinoise, de faible ampleur car elle importe beaucoup moins, les US pourraient considérer de taxer les 300Mds restants d’importations, qui concernent surtout des biens de consommation. Si l’on exclut les effets confiance, l’impact économique de ces mesures est de l’ordre de 0,25% de PIB pour les US.

Brexit: le dissolvant du parti conservateur

Le Brexit n’en finit pas de bousculer le système politique britannique. Les récents sondages pour les élections européennes montrent un effondrement des conservateurs, au profit du nouveau parti de M. Farage. La pression pour le règlement du dossier est au plus haut mais elle ne suffira pas nécessairement à débloquer les Communes. La tentative d’un accord Tory/Labour est moribonde, M Corbyn, bien placé pour devenir premier ministre en cas d’élections, n’ayant aucune réelle intention d’aider Mme May. La suite des événements sera une série de votes indicatifs au Parlement (qui n’avait rien donné le mois dernier) et probablement un dernier essai pour l’accord de divorce de Mme May, après lequel son départ sera inévitable. Le blocage devrait se prolonger jusqu’à l’échéance d’octobre, voire après, si la solution d’un nouveau référendum émerge.

Les spreads italiens en hausse

L’approche des élections européennes crée des remous dans la politique italienne, qui ont des effets directs sur les marchés. Le scrutin de la semaine prochaine devrait entériner l’avance considérable prise par la Lega sur son partenaire M5S, et remettre en cause l’équilibre de la coalition. Chaque parti tente de rallier sa base en revenant à ses fondamentaux. La Lega joue ainsi la carte antieuropéenne, en affirmant à nouveau qu’il ne respectera pas la limite de 3% de déficit et le spread de taux avec l’Allemagne s’est écarté de près de 50bps. On peut espérer qu’il ne s’agit là que d’un mouvement tactique temporaire, et que l’expérience de 2018 a découragé la Lega d’engager une vraie confrontation avec l’UE. Mais elle est aujourd’hui l’acteur politique central du pays, qui devrait rester au pouvoir dans toutes les reconfigurations possibles, ce qui pèsera certainement durablement sur le marché de la dette souveraine. L’aversion au risque pourrait ressurgir en cas d’élections anticipées ou lors des préparations budgétaires de la rentrée prochaine.