Alors que la Réserve fédérale américaine se prépare à diminuer son support monétaire par le biais de rachat d’actifs (QE), les bellicistes de la Banque Centrale Européenne (BCE) commencent également à élever leur voix.

Par l’équipe éditoriale de FlowBank

La Banque Central Européenne se réunit cette semaine, et un nombre croissant de membres bellicistes – qui ont pour la plupart reculé devant les dégâts économiques pendant les mois de pandémie, se préparent désormais à revenir aux commandes grâce à une forte croissance économique et surtout à une inflation à la hausse.

Les derniers chiffres ont montré que l’inflation en Europe a atteint le seuil des 3% en août, le plus haut depuis près de dix ans, en réaction aux politiques ultra-laxistes des banques centrales à travers le monde, à la hausse des coûts énergétiques et aux pénuries d’approvisionnement provoquées par la pandémie qui ont entraîné une hausse des prix dans le monde entier. L’Europe n’a pas été épargnée.

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Figure 1 : CPI américain (source : investing.com)

Si les politiques monétaires ultra-soutenues étaient un passage obligatoire pour aider les marchés financiers et les économies à traverser une période de dépression économique peu habituelle, les conséquences dramatiques en termes d’inflation étaient prévisibles. Ainsi, certaines nations européennes, dont l’Allemagne et l’Autriche connues pour fuir l’inflation comme la peste, n’ont pas tardé à réagir rapidement.

Parmi ces membres bellicistes, le gouverneur de la banque centrale autrichienne Robert Holzmann a suggéré que « nous sommes dans une situation où nous pouvons réfléchir à la manière de réduire les programmes de soutien monétaire introduits pour lutter contre la pandémie ». Le gouverneur néerlandais Klaas Knot a déclaré que « les étoiles sont bien alignées pour un retour de l’inflation à 2% » à moyen terme. Et le président de la Bundesbank Jens Weidmann a prévenu que « nous ne devons pas négliger le risque d’une inflation trop rapide ».

Il est dont inutile de dire que le tapering sera au menu de la réunion de politique monétaire de la BCE cette semaine!

Un avant-goût de tapering au menu de la semaine

La BCE ne devrait donc pas tarder à décider de ce qu’il faut faire avec son programme de rachat d’obligations dans les prochains mois, mais les avis divergent sensiblement au sein de la BCE.

Malgré le retour des faucons sur le champ de bataille, les colombes de la BCE ne sont pas encore prêtes à sortir le drapeau blanc. Au contraire, la Banque Centrale Européenne a récemment modifié son langage pour poursuivre sa politique monétaire ultra-soutenue malgré la hausse de l’inflation.

Ainsi, le compte rendu de la dernière réunion de la BCE a montré que les banquiers européens se sont mis d’accord pour maintenir les taux d’intérêt européens aux niveaux actuels pendant une plus longue période et qu’il faudra une accélération plus prononcée de l’inflation pour déclencher la première hausse des taux. Par conséquent, même en cas de réduction de la politique de rachat d’actifs, la BCE restera suffisamment accommodante pour les années à venir.

Politique de rachat de la BCE pour les nuls

La Banque Centrale Européenne a actuellement deux programmes de rachats d’actifs qui courent en parallèle. L’un est intitulé APP, le programme de rachats d’actifs qui existait bien avant la pandémie de Covid et créait déjà des controverses parmi les différents dirigeants des banques centrales européennes. L’autre est le PEPP, le programme de rachat d’urgence en cas de pandémie. Pour ce dernier, il s’agit d’un montant fixe de 1,85 milliards d’euros qui pourrait être dépensé plus ou moins rapidement selon les besoins de l’économie.

En théorie, la BCE pourrait augmenter ou diminuer le montant total du PEPP, mais en pratique, il est plus probable que la BCE procède d’abord à un changement dans le rythme de rachat d’actifs plutôt que sur la taille du programme.

La BCE a donc une bonne marge de manouvre pour procéder à un tapering ‘doux’.

La réunion de cette semaine pourrait clarifier quelques points quant aux plans de la BCE pour les prochains mois, cependant les investisseurs devront probablement attendre la fin de l’année pour un plan d’action concret de la part de la BCE.

Il faudra d’abord que les banquiers européens puissent se mettre d’accord sur ce qu’il faut faire, puis sur la façon de communiquer une éventuelle diminution du support financier, et tout ça, sans créer un choque sur les marchés boursiers.

Double tapering

Un double tapering de la Fed et de la BCE ne présente pas une plus grande menace pour les marchés financiers qu’un tapering simple de la part de la Fed ou de la BCE, car les décisions monétaires sont prises en considérant le sentiment du marché, surtout quand il s’agit d’une décision qui pourrait faire des dégâts à travers plusieurs classes d’actifs.

Les banques centrales ont donc besoin du soutien des investisseurs pour mener leur politique à bien; le but n’est pas de prendre une action qui choquerait le marché et déclencherait une nouvelle crise économique, qui en retour, empêcherait les banques centrales de normaliser leur politique monétaire comme souhaité. Il s’agit donc d’un bon jeu d’équipe.

D’ailleurs, nous observons la Fed tâter méticuleusement le terrain avant d’annoncer une action concrète sur sa politique monétaire et savons que la BCE n’agira sûrement pas avant d’être sûre que le tapering de la Fed se fasse sans peine et aura la possibilité de dérouler son programme de réduction de rachats si et seulement si le tapering de la Fed se passe bien.

La question n’est donc pas de savoir comment les marchés boursiers réagiraient à un double tapering de la Fed et de la BCE, mais plutôt de savoir comment le marché devrait réagir pour que la Fed et la BCE commencent à réduire leurs rachats d’actifs simultanément.

Impact sur les marchés boursiers et l’euro

Ainsi, la sortie prévue de la Fed et de la BCE des marchés obligataires se fera sans doute assez délicatement pour éviter de déclencher des ventes rapides à travers les indices boursiers.

Par contre, si l’idée d’un double tapering ne devrait pas faire plus de ravages sur les actions européennes que le tapering seul de la Fed, l’évolution belliciste des attentes de la BCE pourrait ralentir le rallye des indices boursiers européens et déclencher des prises de bénéfices dans le court à moyen terme.

Bien sûr, la gravité d’une vente éventuelle dépendra de la rapidité avec laquelle la BCE voudra retirer son support monétaire, si elle le retire bien sûr!

Et même en cas d’une politique monétaire plus restrictive, la politique de la BCE restera suffisamment accommodante pour les années à venir. Les taux d’intérêts resteront proche ou en-dessous de zéro et les rachats d’obligations continueront, bien qu’à une vitesse moins soutenue.

Ainsi, nous ne parlons pas encore d’une politique monétaire restrictive pour la BCE, mais d’une politique monétaire moins expansionniste. Par conséquent, cette évolution belliciste ne devra pas avoir un impact dramatique sur les indices boursiers européens à long terme, qui pourront continuer à s’aventurer vers des territoires qui leur sont encore inconnus. En revanche, la vitesse à laquelle ils avanceront devra ralentir, ce qui ne serait pas une mauvaise chose en soi.

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Figure 2 : DAX index (source : Bloomberg)

Sur le plan FX, l’euro devrait continuer à bénéficier de l’évolution belliciste sur les attentes de la BCE, de sorte à encourager un rebond accéléré et soutenu de la monnaie unique sur le seuil des 1,20 contre le dollar américain.

Même si la réunion de cette semaine n’aboutit pas à une annonce concrète sur l’avenir de la politique de rachats d’obligations de la BCE, la menace inflationniste va sûrement s’intensifier dans les prochains mois et guider la BCE vers la sortie d’une ère monétaire ultra-laxiste tôt ou tard. Ainsi, l’euro a certainement épuisé la plupart de son potentiel à la baisse contre le dollar américain, et les ventes à court terme pourront ouvrir des fenêtres d’opportunité intéressantes pour celles et ceux qui souhaitent solidifier leurs positions longues sur la monnaie unique pour les trimestres à venir.

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Figure 3 : EURUSD (source : Bloomberg)

 

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