La bataille autour du financement du "mur" est réglée, provisoirement du moins.

Par Bruno Cavalier, Chef Economiste et Fabien Bossy, Economiste

Il n’y a plus de risque de shutdown à l’horizon. Mais les motifs ne manquent pas pour que Républicains et Démocrates continuent de s’affronter au sujet du budget fédéral. Début mars sera réinstitué le plafond de dette, ce qui implique qu’une autre suspension devra être négociée d’ici la fin de l’été. Puis, en octobre, avec la nouvelle année fiscale, des coupes de dépense sont censées être activées de manière automatique. Là encore, il faudra trouver un compromis pour éviter un resserrement budgétaire bien inopportun à ce stade du cycle.

Le 15 février, Donald Trump a entériné l’accord de financement de l’administration fédérale jusqu’à la fin de l’année fiscale, le 30 septembre. C’est une bonne nouvelle mais d’autres problèmes vont suivre. Le président a en effet déclaré un état d’urgence à la frontière mexicaine afin de pouvoir de détourner de leur usage initial 6.7Md$ et les assigner à la construction du « mur » (en plus de 1.4Md$ déjà votés). Cette décision est attaquée en justice par les Démocrates et critiquée par de nombreux Républicains.

US : dépenses sociales du gouvernement fédéral
Sources : Thomson Reuters, CBO, Oddo BHF Securities

Donald Trump a dit s’attendre à plusieurs défaites légales avant d’obtenir l’approbation ultime par la Cour Suprême (ce qui n’est pas garanti). En tout état de cause, cela ne va pas créer un climat d’entente alors que se profilent deux dossiers épineux pour le Congrès, d’abord le plafond de la dette, puis des coupes automatiques de dépenses.

Le 2 mars, le plafond sur la dette fédérale sera rétabli. Selon le Bipartisan Policy Center, le Trésor aura les moyens de couvrir toutes ses dépenses jusqu’au milieu de l’été 2019. Après quoi, il faudrait soit suspendre/relever le plafond, soit faire défaut. La seconde option est exclue, il va sans dire, mais la première réclame un accord politique. Les Républicains poussent pour réduire des programmes sociaux de plus en plus coûteux (graphe), les Démocrates s‘y opposent.

US : contributions à la croissance du PIB
Sources : Thomson Reuters, CBO, Oddo BHF Securities

L’autre sujet, plus inquiétant à vrai dire, est la réintroduction de plafonds sur les dépenses. Le Bipartisan Budget Act de 2018 avait suspendu ces plafonds mais, au 1er octobre, ils seront rétablis avec la nouvelle année fiscale. Selon le CBO1, cela impliquerait de réduire les dépenses de 71Md$ sur la défense et de 55Md$ sur les postes discrétionnaires hors défense. Si rien n’est fait pour éviter cela, cela rendra restrictive la politique budgétaire. Or rappelons que l’accélération de la croissance du PIB US depuis l’entrée en fonction du président Trump vient en partie des dépenses gouvernementales (graphe). Un choc d’austérité budgétaire pèserait sans doute sur la croissance. A un stade si avancé du cycle, c’est le genre de mesures qu’il est préférable d’éviter.

A suivre cette semaine

A défaut d’un accord US-Chine d’ici le 1er mars, les droits de douane sur 200Md$ d’importations de produits chinois sont censés passer de 10% à 25%. Plusieurs déclarations récentes du président US indiquent toutefois que cette date-limite sera sans doute repoussée. Les réunions de travail entre négociateurs des deux pays se sont intensifiées pour préparer les « memorandum of understanding » qui doivent constituer le « deal » tant souhaité par Donald Trump, expert en la matière.

L’estimation des comptes nationaux du T4 2018 sera publiée le 28 février, avec un mois de retard sur le calendrier initial. Les ventes au détail et la confiance industrielle ont fléchi en décembre. Même si ce repli a sans doute été amplifié par le contexte (débâcle boursière, shutdown), cela constitue un risque baissier sur la croissance du T4 et donne un mauvais acquis au T1. Les dernières estimations de la croissance du PIB réel étaient de 2.2% pour la Fed de New York et de 1.4% pour la Fed d’Atlanta. L’ISM-manufacturier (1er mars) et l’indice de confiance du Conference Board (26 février) donneront un éclairage supplémentaire sur le sentiment des industriels et des ménages après la fin du shutdown.

Le président de la Fed, Jerome Powell, présentera le rapport semestriel sur la politique monétaire devant les comités idoines du Sénat (le 25) et de la Chambre (le 26). Aucune révélation n’est attendue par rapport aux discours récents. La Fed est dans une position de wait-and-see prolongée.

 


1. Congressional Budget Office, « Sequestration update report », août 2018