Nowcasters et vues macro de l’équipe en charge de l'allocation dynamique des stratégies multi-assets d'Unigestion.

Guilhem Savry, Jérôme Teiletche, Jeremy Gatto, Florian Ielpo, Olivier Marciot

La saison des annonces de résultats aura soufflé un léger vent d’optimisme sur les marchés au cours de ces dernières semaines, redonnant quelques couleurs aux indices actions. Est-ce pour autant suffisant pour que les «bulls» reprennent la main sur les marchés? Probablement pas.

De ce climat d’incertitude montante de ces dernières semaines se dessine peu à peu deux risques potentiels pour les marchés : d’un côté, les indicateurs avancés de différents pays semblent pointer vers un ralentissement peu compatible avec les attentes de résultats qui restent encore élevées à ce stade; d’une autre côté, l’inflation refait peu à peu surface mettant à risque à la fois les marchés actions et obligataires. Entre Charybde et Scylla, les perspectives des marchés actions semblent bien moins positives qu’attendues en début d’année. Nous pensons qu’une gestion des risques dynamique reste essentielle dans ce type d’environnement.

Graphique 1: Nowcasters d’inflation monde. Source: Bloomberg, Unigestion.

Tout d’abord, l’inflation. Nos indicateurs «nowcasters» d’inflation (graphique 1) mesurant les différentes pressions susceptibles de créer les surprises d’inflation n’ont pas cessé de délivrer le même message depuis l’été 2016: la déflation des années 2014-2015 est bel-et-bien derrière nous et l’inflation devrait continuer de surprendre à la hausse. L’excellente tenue de la croissance mondiale au cours de ces derniers trimestres est l’un des facteurs de ce phénomène mais pas seulement: la plupart des marchés de l’emploi tournent à plein régime; la politique fiscale américaine devrait également apporter sa pierre à l’édifice; enfin, les marchés des matières premières ont clairement repris du poil de la bête ajoutant à ces phénomènes structurels une couche d’inflation plus cyclique.

L’inflation n’est pas à prendre à la légère: elle est sans aucun doute l’un des déclencheurs de la correction de février, et constitue pour la plupart des portefeuilles un risque significatif dans la mesure où elle est capable de propager des chocs de corrélation dans les marchés, annulant les effets diversifiant des obligations en cas de secousse. Côté actions, une remontée de l’inflation par les salaires pourrait jouer négativement de deux façons: d’un côté en rognant les marges (très élevées à ce jour) des entreprises et d’un autre en réduisant la valeur présente des dividendes futurs à mesure que les taux montent. En un mot comme en cent, les surprises d’inflation font peser un risque important sur un nombre important de marchés. La récente baisse de la volatilité ouvre la porte à une source de couverture contre ce risque, à l’image de certains marchés des changes. Ce risque reste cependant significatif.

Graphique 2: Taux de croissance des résultats implicites dans le prix des indices actions. Source: Bloomberg, Unigestion.

Ensuite, dans le cas où le ralentissement actuel des différents indicateurs avancés de l’économie se poursuit, les perspectives de croissance des résultats pourraient connaitre un recul. Comme illustré sur le graphique 2, ces taux de croissance sont aujourd’hui bien supérieurs à leur moyenne historique: en dépit des hauts et des bas des indices actions depuis le début d’année, les marchés continuent d’anticiper un taux de croissance des résultats de 17% pour l’indice MSCI développé en 2018, pour une moyenne historique de 4% (2006-2017). La dispersion des rendements entre secteurs traduit également un certain essoufflement de cette dynamique de croissance à laquelle les marchés se sont habitués au cours de ces dernières semaines: la croissance mondiale a perdu en synchronicité et les performances des marchés actions ne font que valider cet aspect.

Ces deux risques ne sont pas pour autant incompatibles, bien au contraire. On a déjà connu par le passé des périodes de «stagflation» et elles se sont avérées être particulièrement difficiles à naviguer pour les marchés. A ce stade du cycle, ce ne sont que des risques: la croissance mondiale continue d’être soutenue et l’inflation en ligne ou en deçà des cibles des banques centrales. Le mois de février nous aura cependant enseigné sa leçon: les marchés n’aiment pas les surprises et nous pensons que le futur immédiat pourrait bien en receler quelques-unes. En terme de positionnement, nous restons donc à ce stade extrêmement prudent, préférant les actifs «réels» tels que les obligations indexées à l’inflation et réduisant notre exposition globale aux marchés.