Nowcasters et vues macro de l’équipe en charge de l'allocation dynamique des stratégies multi-assets d'Unigestion.

Guilhem Savry, Jérôme Teiletche, Jeremy Gatto, Florian Ielpo, Olivier Marciot

Notre scénario pour 2018 était simple. Si 2017 avait été une année «boucle d’or», au cours de laquelle la croissance était forte et bien partagée sans pour autant qu’elle soit accompagnée d’une inflation élevée, 2018 se devait d’être une année «transition».

Cette phase de transition devait s’articuler autour de deux éléments clés: d’un côté un risque d’inflation accru, nécessitant des banques centrales un ton marginalement plus musclé. D’un autre – comme pour toute phase d’adaptation – des secousses récurrentes dans les marchés liquides, signe d’un retour d’un niveau accru de «stress de marché».

Force est de constater que ce scénario s’est bel-et-bien réalisé: la performance des actions globales (MSCI AC) a à peine retrouvé son niveau à fin décembre, le tout avec une disparité évidente. Si le S&P500 enregistre une progression de 3% depuis le début de l’année, les actions émergentes et suisses restent dans le rouge, alors que les actions européennes ne progressent que de 1%.

Graphique : Nowcaster de croissance (gauche) et d’inflation (droite)
Source: Bloomberg, Unigestion

La faute bien évidemment aux allocations sectorielles de ces indices, aux mouvements de change… et à la désynchronisation de la croissance économique, telle que présentée et mesurée par nos indicateurs de risque macro-économiques, nos «Nowcasters». L’inflation elle-même a clairement fait son grand retour, soutenue par un prix des matières premières en nette hausse depuis le début de l’année, mais pas seulement. L’inflation «cœur» a elle tenu ses promesses et le taux d’utilisation des capacités productives au niveau mondial a nettement cru, ouvrant la porte à une remontée significative du niveau des prix.

Graphique: dispersion entre nos nowcasters de croissance
Note de lecture : ce graphique présente un indice de dispersion entre nos nowcasters par pays. Plus l’indice est élevé plus cette dispersion est importante.
Source : Bloomberg, Unigestion.

Et maintenant? Si la démarche qui était la nôtre depuis le début de cette année – une focalisation accrue sur les risques plus que sur la chasse de tendances que nous pensions évasives – a été récompensée au cours du premier trimestre, le deuxième trimestre se sera révélé couteux pour ce type de stratégie. Notre positionnement à fin mars que l’on peut qualifier de prudent s’articulait autour de trois éléments. Tout d’abord, un positionnement de marché qui nous semblait à risque: en dépit de la baisse de février/mars, le marché restait globalement long des actifs de croissance (actions principalement). Ensuite, avec le retour de l’inflation sur l’échiquier financier, une normalisation accrue des banques centrales nous semblait également plus que vraisemblable. Enfin, le retour du risque politique se faisait jour ici et là, et ce risque, sur fonds de croissance désynchronisée, nous semblait voir gagner en importance. Pourtant depuis mars, les marchés actions sont montés de 5% et la volatilité s’est à nouveau écrasée, pesant significativement sur la performance des investisseurs qui, comme nous, ont préféré la prudence.

La question du «timing» en investissement est primordiale. Au cours de ces derniers mois, le sentiment de marché a joué un rôle essentiel dans la performance des marchés rendant ce timing plus important encore. C’est un facteur difficile à maitriser mais qui laisse généralement la place aux fondamentaux tôt ou tard. Quels sont ces fondamentaux? Une croissance mondiale qui demeure au-dessus du potentiel – mais qui ralentit – et des pressions inflationnistes qui continuent de faire leur chemin, mettant le monde obligataire à risque.

A ce stade du cycle, nous continuons à voir de la valeur dans les marchés actions, d’autant plus qu’avec la baisse de la volatilité, les stratégies de couverture coutent aujourd’hui moins cher. Nous restons par contre frileux vis-à-vis des obligations gouvernementales. Pour autant, avec la remontée des taux, ce type de positionnement commence à devenir sérieusement couteux: là encore, la question est celle du timing de la couverture. Nous pensons pour le moment qu’une exposition actions et une moindre duration ont encore du sens: les grands meetings des banques centrales arrivent, et vont se révéler clé pour valider ou non ce scénario qui est le nôtre.