Le choc du coronavirus connaît des mutations inquiétantes. Au départ, l’impact était sur l’offre avec l’arrêt de la global factory chinoise. Puis il s’est étendu à la demande avec les limitations de déplacement. Depuis dix jours, c’est devenu un choc financier majeur. La chute des cours boursiers, l’écartement des spreads de crédit, la hausse de la volatilité, tout cela resserre les conditions financières dans des proportions inégalées depuis 2008, et peut causer une récession. La prompte réaction de la Fed est bienvenue (baisse des taux intermeeting). Tout ce qui peut contribuer à court-circuiter la panique et abaisser le prix de la liquidité est bon à prendre, même si on n’en voit pas tous les effets instantanément.

Focus US par Bruno Cavalier, Chef Economiste et Fabien Bossy, Economiste

 

US : taux des fonds fédéraux

La baisse des taux intermeeting de la Fed signale, s’il en était besoin, combien la situation présente est grave. Ce type d’action correspond toujours à des épisodes de stress (LTCM 1998, bulle TMT 2000, 9/11 2001, crise financière 2007-08), beaucoup dérapant vers une récession (graphe). La controverse sur le point de savoir si la Fed aurait dû patienter jusqu’à sa réunion régulière, le 18 mars, est assez minuscule si l’on considère à quelle vitesse se modifie les perspectives économiques et avec quelle ampleur les conditions financières se resserrent.

Abaissement des perspectives économiques

L’impact du choc coronavirus sur l’activité économique est difficile à chiffrer mais on ne trouve aucune raison pour penser qu’il sera bénin. La seule question est de déterminer si le choc sera vite surmonté ou pas. Ces dernières années, le marché s’est parfois inquiété des perspectives de croissance, par exemple après la dévaluation chinoise de l’été 2015 ou au pire moment de la guerre tarifaire cet été. L’épisode actuel est incomparablement plus sérieux, tant il perturbe le fonctionnement même de l’économie globalisée et du fait des incertitudes multiples qu’il génère.

Resserrement des conditions financières

US : épisodes de resserrement des conditions financières

Il faut remonter aux pires moments de la dernière crise financière pour observer un mouvement plus violent (graphe). La raison d’être de la Fed, une chose si évidente qu’elle ne figure même pas explicitement dans son mandat, est de contribuer à la stabilité financière, notamment en fournissant au meilleur prix la liquidité nécessaire. Larry Summers, ancien secrétaire au Trésor US, a finement noté qu’une baisse des taux ne guérissait pas du Covid-19, ni ne réparait les chaînes de production. Merci du renseignement! Il a ajouté que la Fed aurait dû garder sa « poudre au sec », un argument qu’on entend répéter un peu partout. On se demande bien sur quoi repose cette recommandation, en tout cas pas sur l’expérience historique. La surréaction d’une banque centrale ne garantit pas le retour au calme immédiat, mais la passivité, elle, est le plus sûr moyen de laisser la panique à elle-même.

Choc d’offre

En février, la confiance des directeurs d’achat a reculé d’une ampleur modeste dans le secteur manufacturier. Pour partie, ces résultats tendent à atténuer l’effetcoronavirus, car les perturbations de production modifient les délais de livraison. Si l’on ne connaissait pas le contexte, on pourrait croire que les entreprises font face à un choc de demande positif, alors qu’en réalité il s’agit d’un choc d’offre négatif. En excluant la composante des délais de livraisons, nous estimons que l’ISM aurait baissé de 2.1pts à 48.4. Sur les dix commentaires cités dans le communiqué de l’ISM, six mentionnent négativement le virus ou la Chine. Dans le secteur non-manufacturier, le signal est fort différent selon l’enquête qu’on regarde, PMI ou ISM (tableau). Le point étonnant est le bond de l’indice ISM, qui reflète en bonne part une envolée des nouvelles commandes (+6.9pts à 63.1). De toute évidence, ce signal n’est plus en phase avec la réalité.

A suivre cette semaine

Après une nette victoire en Caroline du Sud le 29 février (39 délégués remportés sur 54) et le ralliement de Pete Buttigieg et Amy Klobuchar, Joe Biden a réalisé une performance exceptionnelle lors du Super Tuesday. Il est arrivé en tête dans 9 états (dont le Texas), contre 4 états pour Bernie Sanders (dont la Californie). À ce jour, 38% des délégués ont été alloués. Sur ce total, Biden en a acquis 43% contre 39% pour Sanders (tableau). Cet écart est encore trop faible pour décider de l’issue finale. Le grand perdant du Super Tuesday est Michael Bloomberg (5%) qui s’est retiré de la course pour se ranger derrière Biden. Elizabeth Warren (5%) a aussi arrêté sa campagne mais sans rallier quiconque. La compétition se trouve réduite à un duel Biden-Sanders et par suite, cela modifie aussi le match pour l’élection présidentielle de 3 novembre. Le 10 mars, les primaires se poursuivront dans 6 états allouant 352 délégués, environ 9% du total.

Les principales données à paraître concernent les prix (CPI, le 11 et PPI, le 12). L’inflation totale est attendue en recul à 2.2% sur un an (-0.3 pts), un mouvement qui devrait s’amplifier en mars avec la chute des prix de l’énergie, mais l’inflation sous-jacente serait stable à 2.3%. L’université du Michigan donnera la première estimation de son enquête de confiance des ménages (le 13). Cet indice réagit en général de près aux variations du marché boursier. Une baisse est à craindre.

 

Sources : Fed, Bloomberg, ODDO BHF Securities