Nowcasters et vues macro de l’équipe en charge de l'allocation dynamique des stratégies multi-assets d'Unigestion.

Guilhem Savry, Jérôme Teiletche, Jeremy Gatto, Florian Ielpo, Olivier Marciot

Il est difficile de se forger des convictions en 2019. Peut-être que nos craintes liées à la croissance sont déraisonnables et que le risque de récession aux États-Unis reste limité. La croissance des salaires reculera peut-être en raison du ralentissement de l’activité économique dans les économies développées, aidant ainsi les entreprises à maintenir leurs marges à des niveaux exceptionnels. Peut-être que les entreprises américaines parviendront à générer une croissance de leurs bénéfices à deux chiffres. Mais peut-être que nos inquiétudes quant à la situation économique dans la zone euro sont justifiées, la Banque Centrale Européenne n’ayant que peu de munitions pour faire face à une telle situation.

Et peut-être que le rebond actuel du marché ne durera pas, le profil rendement /risque des actions mondiales se détériorant du fait du ralentissement actuel. Peut-être, peut-être, peut-être… «Definitely maybe». Mais il y a trois choses qui nous semblent plus certaines: (1) le monde développé a ralenti en 2018 et ce ralentissement devrait se poursuivre, (2) la croissance reste suffisamment bonne pour que les banques centrales conservent une direction restrictive, pouvant conduire à une erreur de politique monétaire et (3) le dollar américain est cher et aura du mal à poursuivre sa tendance positive actuelle.

En 2018, la différence entre la plus haute performance et la plus basse est de -18%. C’est plus que suffisante pour effrayer les actionnaires, spécialement au moment des fêtes de fin d’année. Alors que les marchés traversaient à la baisse de nombreux paliers de soutien du marché, la stabilisation de l’indice MSCI autour de 1800 points a maintenant de quoi surprendre. Sa performance depuis le début de l’année est de 10%: est-ce vraiment une surprise? En partie oui, mais pas complètement. La situation est la suivante: le risque de surprises inflationnistes à la hausse semble exclu pour le moment, il est trop tôt pour commencer à voir une récession – en particulier aux États-Unis – dans les prochains mois alors que la valorisation des marchés actions semble basse. Cependant, nous restons prudents en raison des «peut-être» qui, selon nous, caractériseront 2019.

De ralentissement à la récession, une prévision délicate

Nowcaster de croissance mondiale
Sources: Unigestion, Bloomberg au 21.01.2019.

Comme souligné dans notre précédente note, le risque de récession a augmenté au cours du dernier trimestre et de manière inégale, le Canada, l’Afrique du Sud et la zone euro étant en tête. Les données macroéconomiques actuelles indiquent clairement un ralentissement du monde développé. La zone euro a été l’épicentre de ce ralentissement au début de 2018 et, à la fin de l’année, ce fut au tour des États-Unis. Que dit ce ralentissement des perspectives d’avenir de l’économie mondiale ? Historiquement, entre 1985 et 2011, lorsqu’un pays comme les États-Unis est entré dans une période de ralentissement marquée, soit il est resté dans ce type d’environnement (95% du temps) soit il est entré en récession (5% du temps). Mais la probabilité de ré-accélération a toujours été de 0%. L’année 2016 constitue un contre-exemple intéressant: le ralentissement a été contré par une politique budgétaire de la part de l’administration Trump. Avec les démocrates contrôlant le budget à présent, la maison blanche dispose d’une moindre marge de manœuvre pour stimuler l’activité économique: le cycle économique américain devrait par conséquent se normaliser et la décélération actuelle se poursuivre. Cela signifie qu’en terme de récession la question du «si» est devenue celle du «quand». Cela devrait, selon nous, rendre les investisseurs prudents quant à leurs investissements en actions et en crédits.

Mais le marché reste survendu pour le moment

Nowcaster d’inflation mondiale
Sources: Unigestion, Bloomberg au 21.01.2019.

Cela dit, nous ne pensons pas que les États-Unis sont sur le point d’entrer en récession: la consommation de biens durables et le marché immobilier sont les seuls secteurs affichant des signes de faiblesse pour le moment. Ces faiblesses étant pour l’instant localisées dans ces parties de l’économie américaine, nous ne sommes pas inquiets outre mesure. Parmi nos indicateurs de croissance, les États-Unis restent bien placés pour générer une croissance annualisée de plus de 2% pour le quatrième trimestre de l’année dernière et le premier trimestre de cette année. Les indicateurs d’utilisation des capacités de production publiés vendredi dernier concordent parfaitement avec cette vision des choses: après 2016, les taux d’utilisation des capacités sont passés d’un taux anormal de 75% à 79%, niveau similaire à celui de 2014, signe de bonne santé de l’économie américaine. Si la baisse de cet indicateur en 2015 a effrayé la Fed, la conduisant à reporter son agenda de normalisation monétaire, la situation est maintenant bien différente. Les marchés se redressent en effet aujourd’hui et la situation macroéconomique – qui évolue très lentement – reste globalement positive: la Fed devrait continuer à communiquer dans cette direction et à normaliser son bilan. De cette analyse, nous tirons deux conclusions: premièrement, la politique de la Fed sera probablement une source de volatilité durable pour les actions et les obligations. Deuxièmement, le ralentissement du rythme de resserrement de la Fed – compte tenu des faiblesses économiques récentes – ouvre la porte à une période baissière du dollar américain.

Des valorisations attrayantes?

Nowcaster de tensions sur le marché
Sources: Unigestion, Bloomberg au 21.01.2019.

Nous pensons que les valorisations doivent être considérées aujourd’hui avec prudence. Oui, certains actifs ont l’air bon marché et le marché européen en fait partie. Avec un ratio cours/bénéfices (P/E) de 12, ses actions semblent attrayantes. Ces ratios sont en réalité en ligne avec leurs niveaux de 2006, lorsque la zone euro était dans une bien meilleure condition économique. Dans le cas américain, ces ratios sont proches de leur moyenne historique, tablant sur une croissance des bénéfices d’environ 10% cette année. Partout où notre regard se porte, il nous semble que beaucoup des certitudes des marchés se basent sur des «peut-être», ce qui nous pousse à rester prudents.