2017 est une année électorale en Europe et les partis populistes font parler d’eux. Aux États-Unis en revanche, une fois la rhétorique électorale passée, il s’agit de voir ce qui va suivre. Ce n’est peut-être qu’une question de temps avant qu’une baisse de pression se manifeste sur les marchés et que les investisseurs s’attachent de nouveau aux faits …

Yves Longchamp, Head of Research, ETHENEA Independent Investors (Schweiz) AG

Ce mois-ci encore, nous commençons un Commentaire de Marché en parlant de Donald Trump – et ce ne sera sûrement pas la dernière fois, car le potentiel de divertissement du nouveau président américain dépasse de loin la valeur des informations qu’il prodigue. Jusqu’à présent, nous avons uniquement entendu beaucoup de bruit pour rien ou, comme l’a si justement formulé mon collègue Simon Oeser à l’issue du discours de Trump devant le Congrès : « make America wait again ». Les déclarations tonitruantes de l’administration américaine ne sont à ce jour guère suivies de mesures concrètes.

Au moment où nous écrivons ces lignes, ni la réforme fiscale historique1 ni la refonte de la réforme de la santé initiée par Obama n’ont fait l’objet ne serait-ce que d’ébauches. L’engouement autour de la Trumpflation semble pour l’heure n’être que ça : un engouement. En tant qu’Européens, tout cela ne devrait à vrai dire pas nous concerner outre mesure. Ce sont davantage les électeurs américains, bernés par Donald Trump, qui devraient en pâtir. Il est certain en revanche que cela deviendra très important pour nous de ce côté de l’Atlantique dès lors que les marchés s’intéresseront de nouveau aux faits, au lieu de courir après une chimère.

Rappelons-nous comment, avant l’élection, les marchés réagissaient chaque fois que Donald Trump devançait Hillary Clinton dans les sondages : les marchés d’actions se repliaient et les rendements obligataires chutaient. Au matin du 9 novembre 2016, à l’annonce de l’élection de Donald Trump en tant que 45e président des États-Unis, les réactions des marchés ont été dans la même veine : les actions américaines ont atteint des points bas et les rendements des bons du Trésor US à 10 ans sont tombés de 1,85 % à 1,72 %. Mais ce mouvement n’a duré que quatre heures. Après le discours d’investiture prononcé par Donald Trump à 8h00 HEC, le marché a commencé à se concentrer sur les aspects positifs de sa présidence. Comme si, peu à peu, un nombre croissant d’investisseurs prenaient le train en marche, inversant ainsi la tendance sur les marchés d’actions et d’obligations. Soudain, les mesures d’infrastructures annoncées et la déréglementation bancaire envisagée étaient au centre de toutes les attentions. L’on parlait alors d’un esprit animal2, qui se serait réveillé. La dépression profonde avait cédé la place à une euphorie extrême. De tels changements d’humeur s’observent généralement chez les personnes atteintes de graves troubles psychiques. S’agissant des marchés, nous avons l’habitude de comportements de ce genre.

 

Guido Barthels, Portfolio Manager, ETHENEA Independent Investors SA

Ce constat est édifiant dans la mesure où le marché pourrait dans un avenir proche perdre ses illusions quant à la mise en oeuvre des réformes promises par Donald Trump. Nous ne prêtons certes pas de mauvaises intentions au nouveau président américain, mais la realpolitik est de toute évidence un peu plus complexe que la rhétorique de campagne électorale. Une grande partie des récentes fluctuations des marchés, tant sur le front des actions que des obligations, peut être considérée comme une distribution prématurée de lauriers. Et si nous assistions ici à une réévaluation du marché, les choses seraient amenées encore une fois à aller extrêmement vite. La pression haussière sur les actions et les rendements pourrait à nouveau très rapidement s’essouffler. Pour nous, cela signifie : un doigt sur le bouton de vente pour les actions américaines et un autre sur le bouton d’achat pour les obligations en USD.

En Europe, le nombre de risques politiques est également important : des élections seront organisées non seulement aux Pays-Bas, en France et en Allemagne, mais vraisemblablement aussi en Italie. En outre, les incertitudes persistent quant à la mise en oeuvre du Brexit par le gouvernement de Theresa May, la tenue possible d’un nouveau référendum sur l’indépendance de l’Écosse, etc. Yves Longchamp fera toute la lumière sur le système électoral des différents pays dans la partie macroéconomique du présent Commentaire de Marché. La conclusion qui s’impose rapidement est que l’alarmisme régnant sur les marchés concernant une éventuelle victoire de Marine Le Pen à la présidentielle est en grande partie exagéré et repose selon toute vraisemblance sur une méconnaissance du système électoral français. Nous espérons que notre article contribuera à objectiver quelque peu le débat sur les risques.

S’agissant des élections imminentes, nous n’attendons pas de surprises de taille. Ni les Pays-Bas, ni l’Italie ou encore la France ne vont quitter la zone euro et aucun gouvernement populiste ne sera à la tête de ces trois pays en fin d’année. Le climat d’incertitude fait toutefois en sorte que les investisseurs internationaux se tiennent à l’écart de l’Europe. Les cours actuels des actifs risqués européens, et notamment des actions, nous paraissent attrayants. C’est pourquoi nous leur avons attribué une pondération significative. Concernant les marchés obligataires, nous restons relativement prudents. En effet, malgré l’élargissement des écarts de rendement de la France et de l’Italie par rapport aux emprunts d’État allemands, qui devraient retrouver leurs anciens niveaux après les élections, nous pensons globalement que les rendements vont plûtot repartir à la hausse dans la zone euro.

 

Télécharger le Commentaire de Marché de mars 2017 (pdf, 12 pages, en français)

 


1. Source : http://www.cnbc.com/2017/03/01/trumps-ambitious-tax-reforms-are-unlikely-to-be-implemented-by-september-pwc-chairman.html
2. Esprit animal fait référence aux « éléments irrationnels dans l’économie, comme des instincts irréflechis, des émotions, des comportements grégaires, ce qui peut conduire, d’après les keynésiens, à des fluctuations conjoncturelles et au chômage involontaire. Ce terme a été employé par John Maynard Keynes dans Théorie générale de l‘emploi, de l‘intérêt et de la monnaie. Source : https://de.wikipedia.org/wiki/Animal_Spirits