La note macro de Nicolas Blanc, Responsable de l’Allocation chez Ellipsis AM.

Les marchés obligataires souverains mondiaux ont entamé la nouvelle année par de fortes turbulences. Au plus haut depuis mars dernier, le 10 ans américain a franchi la barre symbolique des 2,5%, le bund dépassant lui 0,5% (avec, il est vrai, un changement de titre de référence). Plusieurs commentaires relayés par la presse ont contribué au sentiment négatif, comme ceux de Bill Gross, qui a prédit le début du bear market obligataire, ou des autorités chinoises, qui auraient exprimé (puis démenti) une défiance vis-à-vis des titres US.

Si l’on s’en tient aux fondamentaux, on peut avancer les éléments d’explication suivants:

  • Le très faible niveau des taux réels dans le monde, eu égard à la situation conjoncturelle, caractérisée par une croissance forte et synchronisée et le quasi plein emploi aux US. Cette configuration, déjà ancienne, reflète un excès d’épargne global, une rupture dans la relation inflation/chômage et des politiques monétaires très accommodantes.
  • L’annonce de la réforme fiscale aux US indique que l’offre d’obligations devrait croître à l’avenir, sauf à imaginer un phénomène, peu probable, d’éviction des emprunteurs privés.
  • Les spéculations sur une baisse des achats de la BoJ s’ajoutent à la réduction du bilan de la Fed et à celle des achats de la BCE, pour former l’image d’un contexte monétaire moins favorable. Les minutes de la BCE qui qualifient la conjoncture de «robuste et auto-entretenue» et affirment que les contraintes de capacité devraient rapidement se traduire dans les prix, y contribuent également.
  • La hausse du pétrole, même si elle repose encore beaucoup sur la baisse du dollar, peut être perçue comme un signe avant coureur de l’inflation.

Bien qu’encore limitées dans leur ampleur, ces fluctuations montrent bien la fragilité des marchés obligataires souverains. Le coup de grâce serait, selon nous, une hausse non-anticipée de l’inflation, dont les publications devront donc être suivies de très près en 2018.

Si l’on évoque souvent les effets déstabilisants d’une hausse rapide des taux, il faut également mentionner certains de ses aspects positifs. Elle pourrait favoriser la baisse du taux d’épargne (les agents ne compensant plus la baisse de la rémunération par une épargne supplémentaire), et donc soutenir la demande, et pourrait avoir un rôle incitatif pour la remontée de la productivité des entreprises. En zone euro, toutefois, le spectre des défauts périphériques l’emporterait sur ces éléments positifs.

Le NAFTA dans l’incertitude

La signature par Donald Trump d’une lettre de retrait des US du NAFTA a été évoquée par la presse. Si la nouvelle a fortement pesé sur les devises mexicaine et canadienne, il faut garder à l’esprit qu’il pourrait ne s’agir que d’une tactique de négociation, un tel document ouvrant une période de 6 mois, pendant laquelle la décision peut être annulée (cette possibilité avait déjà été évoquée en avril dernier).

En outre, les milieux d’affaires américains, plutôt opposés à cette mesure protectionniste, pourraient contester au président le droit d’agir sans l’accord du Congrès, lequel serait certainement sensible aux avis des exportateurs américains (à titre d’exemple, le Mexique est le premier importateur de céréales américaines). Enfin, le retour aux règles de l’OMC serait plus couteux pour les US que pour le Mexique, ce dernier bénéficiant du statut d’économie en développement. Mais il faut également compter avec l’impulsivité du président américain.