Au T1, la croissance du PIB réel avait surpris à la hausse mais c’était dû aux inventaires et au commerce extérieur (+1.5 points). Ces deux catégories risquent de peser dans l’autre sens au T2. L’essentiel n’est pas là. Côté négatif, les entreprises ont peu investi, réaction normale, mais préoccupante, à la montée de l’incertitude commerciale. Côté positif, les dépenses de consommation ont fortement rebondi, réaction là aussi normale à la vigueur du marché du travail. Au total, la croissance économique devrait ressortir à un peu moins de 2% l’an, autrement dit le potentiel. Il n’y a là rien qui évoque une récession imminente.

Par Bruno Cavalier, Chef Economiste et Fabien Bossy, Economiste

 

Le focus de la semaine

US: ventes au détail core

La première estimation de la croissance du PIB au T2, publiée le 26 juillet, devrait être mitigée. La bonne nouvelle sera le fort rebond des dépenses des ménages. Les ventes au détail avaient fléchi au tournant de l’année, elles ont progressé comme jamais en quinze ans (graphe de droite). Cela devrait permettre à la consommation de croître à un rythme proche de 4% t/t en rythme annualisé au T2. Cette vigueur compensera le ralentissement qui avait précédé. En tendance, la consommation réelle progresse au même rythme depuis 2015 entre 2.5% et 3% l’an, sans freinage net. La deuxième composante des dépenses des ménages, l’investissement résidentiel, pourrait être stable pour la première fois depuis 2017 grâce à la baisse des taux longs.

US: indice agrégé du climat des affaires

A l’opposé, les dépenses des entreprises ont été faibles, un fait qui a été longuement discuté lors de la dernière réunion du FOMC. L’an dernier, une thèse souvent avancée par la Maison Blanche était que l’investissement productif serait stimulé par les baisses d’impôt. On n’a rien vu de tel. A la place, l’incertitude commerciale s’est intensifiée. Le climat des affaires s’est dégradé et la production industrielle a reculé pour le deuxième trimestre de suite. Les livraisons de biens durables et les exportations ont stagné, l’accumulation d’inventaires a freiné et les dépenses de construction ont reculé. Hors exportations et inventaires, la contribution des dépenses des entreprises devrait être proche de zéro au T2. Les composantes volatiles ont de bonnes chances d’apporter une nette contribution négative, jusqu’à -1.5 pts d’après le GDPnow de la Fed d’Atlanta. Grâce à une légère hausse des dépenses publiques, la croissance devrait ressortir un peu sous 2% l’an. Le potentiel estimé par la Fed se situe dans cette zone. Sur le premier semestre 2019, alors qu’il a tant été question de récession, le PIB aurait ainsi progressé de 2.5% l’an, en ligne avec les indices de confiance (graphe de droite). Les rares indices disponibles pour juillet pointent vers une situation stable.

Economie

En juin, les ventes au détail ont progressé de +0.4% sur le mois. Les ventes “core” (hors auto, essence, matériaux de construction et restaurants) progressent de +0.7%. Les révisions sur les mois précédents sont légèrement positives. Les ventes “core” enregistrent leur meilleur trimestre depuis 2005 avec un gain de +7.5% t/t annualisé au T2, mais en bonne partie, c’est un rattrapage après un début d’année très faible. La tendance annuelle est une hausse de +4.6% en juin, juste au-dessous de la moyenne 2018 (+4.7%).

La situation de la construction résidentielle était encore mitigée en juin. Les permis de construire et les mises en chantier ont reculé (-6.1% et -0.9% sur le mois respectivement). Mais le secteur des maisons individuelles était mieux orienté avec des hausses de +0.4% des permis et de +3.5% des mises en chantier. Au total sur le S1, les mises en chantier de maisons étaient stables par rapport au S2 2018. La confiance des promoteurs était en légère hausse en juillet à 65 pts (+1) d’après l’indice NAHB, qui avait touché un point bas à 56 en décembre.

En juin, la production industrielle était inchangée de sorte qu’elle affiche un recul sur le T2 (-1.2% en rythme annualisé). La production manufacturière était mieux orientée en hausse de +0.4% sur le mois mais sa baisse sur le trimestre est un peu plus ample à -2.2%. Parmi les principaux facteurs négatifs ce trimestre, on note la chute de la production d’avions à un rythme annualisé de -9.1% soit le recul le plus fort depuis début 2016. Les premiers indices de confiance dans le manufacturier en juillet montrent un léger mieux sachant que les enquêtes de juin avaient été menées au pic de l’incertitude commerciale. L’indice de la Fed de New York remonte de -8.6 pts à +4.3 (mais de seulement 48.4 à 49.0 en équivalent- ISM) et l’indice de la Fed de Philadelphie passe de +0.3 à +21.8 (de 53.3 à 58.2 en équivalent-ISM).

Politique monétaire et budgétaire

Le Livre Beige de juillet dépeint une situation globalement stable par rapport au précédent rapport de juin. L’économie est décrite en expansion «modeste». L’activité dans les services continue de progresser mais le secteur manufacturier est stagnant. La météo défavorable (fortes pluies dans le midwest) a pesé sur l’activité dans l’agriculture et la construction ces derniers mois et le secteur pétrolier est en léger repli. Les entreprises restent généralement optimistes sur les perspectives mais beaucoup suivent les tensions commerciales avec inquiétude. Le marché du travail est décrit en progression même si les créations d’emplois ont légèrement ralenti. Les tensions salariales sont encore modérées mais ne faiblissent pas. Au total, notre indicateur quantitatif recule un peu à 54.4 mais il est parfaitement en ligne avec la moyenne du premier semestre.

Lors de son dernier discours (le 16), Jerome Powell s’est contenté de rappeler le jugement du FOMC lors de la réunion de juin, à savoir que les arguments en faveur d’une politique monétaire plus accommodante étaient en train de se renforcer. Pendant ce temps, même Robert Kaplan (Fed de Dallas) qui semblait l’un des membres du FOMC les plus sceptiques quant à l’opportunité d’une baisse des taux s’est rallié à un « ajustement tactique ». Richard Clarida (vice-président de la Fed) et John Williams (Fed de New York) ont fait monté les attentes d’une baisse allant jusqu’à 50 pdb en soulignant l’importance d’agir rapidement lorsque le plancher du taux zéro est proche. Cependant, un porte-parole de la Fed de New York a ensuite précisé que le discours de Williams ne portait pas sur la réunion de juillet. Un tel démenti est exceptionnel.

A suivre cette semaine

La première estimation du PIB réel au T2 2019, le 26 juillet, devrait montrer une modération de la croissance par rapport au T1 (+3.1% t/t en rythme annualisé) mais un fort rebond des dépenses de consommation des ménages. A la même occasion, les données des comptes nationaux des cinq dernières années seront revues. D’ordinaire, ces révisions sont minimes. Après New York et Philadelphie, les enquêtes manufacturières de la Fed dans les districts de Richmond (le 23) et de Kansas City (le 25) sont à suivre, de même que l’estimation flash des enquêtes PMI (le 24). Il y a là matière à voir si l’apaisement commercial post-G20 est jugé crédible par le secteur industriel.

 

Sources : Thomson Reuters, Oddo BHF Securities