Le scénario en «V» de nombreux investisseurs – chute du PIB au T1 2020, puis rebond miroir au T2 2020 – reposait sur deux hypothèses qui se sont avérées erronées.

Par Marc-Antoine Collard, Chef économiste, Directeur de la recherche

 

Performances en devises locales

Si en début d’année l’activité économique continuait d’afficher une certaine faiblesse, quelques signes de stabilisation étaient néanmoins timidement apparus, ce qui avait grandement contribué à entretenir un sentiment d’euphorie au sein des marchés boursiers. En outre, lorsque les premiers cas de coronavirus ont été rapportés en Chine, les investisseurs ont initialement estimé qu’il s’agissait d’un choc temporaire et isolé, et que l’activité économique allait rebondir abruptement par la suite.

Or, il semble que ce scénario en «V» – chute du PIB au T1 2020, puis rebond miroir au T2 2020 – ait reposé sur deux hypothèses qui se sont avérées erronées.

Performances en devises locales

D’une part, les investisseurs ont semblé convaincu que l’économie mondiale était en mesure d’absorber assez facilement le coup. Pourtant, la croissance mondiale n’a atteint que 2,9% en 2019, soit le plus faible rythme depuis la récession mondiale de 2008 et surtout, loin des 4 % enregistrés lors de la crise du SRAS survenue en 2003. Historiquement, on observe qu’une croissance économique aux alentours de 2,5 % est susceptible d’augmenter la probabilité de retournement de cycle. En effet, lorsque la croissance est trop molle – ce qu’on appelle la vitesse de calage – il devient difficile d’absorber les nouveaux entrants sur le marché du travail et par conséquent, le taux de chômage se met à grimper et l’activité économique tend alors à décrocher.

D’autre part, les investisseurs ont vraisemblablement minimisé l’importance du choc sur la Chine elle-même, mais également ses effets induits sur les autres pays. Ainsi, les indicateurs tels que la consommation de charbon et d’électricité, ou encore le fret aérien et ferroviaire, signalent depuis plusieurs semaines un fort ralentissement en Chine et peu de signes pointent vers un retour imminent à la normale. L’indice de confiance des entreprises publié par l’agence statistique chinoise montre d’ailleurs une très forte contraction de l’activité en février, tant dans le secteur manufacturier que celui des services, atteignant un plus bas depuis la publication de cette statistique (2005). En fait, l’ampleur de la chute est telle qu’il ne fait aucun doute du caractère significatif des effets négatifs de l’épidémie.

Chine – Confiance des entreprises

Par ailleurs, la Chine étant devenu marché d’exportations, mais également élément – souvent central – des chaînes de valeur, le coronavirus agit conjointement comme un choc de demande et d’offre, perturbant l’approvisionnement et la fabrication de produits dans le reste du monde. En outre, le tourisme représente plus de 7% des exportations mondiales et la situation actuelle plombe les acteurs de ce marché. Contrairement à ce qui était anticipé par plusieurs, la prolifération de la contagion hors Chine s’est accélérée, incitant de nombreuses entreprises et gouvernements à imposer des restrictions sur les voyages, visites et manifestations, ce qui a de lourdes répercussions sur le secteur des services.

Monde – COVID-19 nombre de cas

L’Italie est devenu le plus important foyer du plus grand nombre de de taux souverains cas de coronavirus recensés hors Chine. Le gouvernement a détaillé un durcissement des mesures de quarantaine dans l’espoir d’endiguer la propagation de l’épidémie alors que le système de santé peine à faire face à l’afflux de malades. L’ensemble des Italiens sont désormais confinés chez eux, ne pouvant se déplacer que pour des raisons liées au travail ou de santé. Le coût économique de ces mesures sera vraisemblablement très élevé et une récession technique – deux trimestres consécutifs de recul du PIB – paraît maintenant quasi certaine.

Italie – Écart de taux souverains

Les banques centrales ont ainsi décidé de jouer un rôle de premier plan. La Fed a annoncé une réduction de son taux directeur de -50 pdb le 3 mars dernier lors d’une réunion exceptionnelle, la première depuis 2008 lors de la faillite de Lehman Brothers. Si les fondamentaux de l’économie américaine restent somme toute bien orientés, Jerome Powell, le Président de la Fed, a néanmoins insisté sur l’aspect préventif de cette décision alors que le coronavirus fait peser des risques évolutifs sur l’activité économique, rappelant toutefois que la politique monétaire n’est pas forcément très efficace face à un choc d’offre.

Dans le sillage de l’action de la Fed, les autres banquiers centraux ont évoqué les outils à leur disposition afin d’éviter que la crise actuelle ne dégénère. En Australie et au Canada, les banques centrales ont réduit leur taux directeur de -25 et -50 pdb respectivement. En zone euro, compte tenu des faibles marges de manoeuvre conventionnelles – taux de dépôt actuellement -0,5 % – l’attention semble se porter sur des facilités de financement ciblées dans l’optique de s’assurer qu’il n’y ait pas de faillites en cascade.

États-Unis – Taux directeur

La Banque d’Angleterre devrait elle aussi annoncer une politique monétaire davantage accommodante lors de sa réunion du 26 mars, d’autant plus que les négociations entourant la relation future entre le R-U et l’UE ont débuté le 2 mars et déjà, un dialogue de sourd semble s’être installé de part et d’autre. En somme, les marchés obligataires ont, depuis longtemps, envoyé des signes de prudence que les investisseurs des marchés boursiers avaient décidé d’ignorer.

Le COVID-19 aura sensiblement affaibli les perspectives économiques et, contrairement à ce qui était anticipé il y a quelques semaines à peine par les marchés actions, la croissance mondiale devrait non pas se raffermir, mais s’affaiblir en 2020 par rapport à 2019. À présent, la volatilité des marchés financiers constitue un facteur supplémentaire pouvant renforcer le risque de décrochage de l’activité économique.

Par conséquent, l’économie mondiale entre dans une zone de fortes turbulences. Le FMI et la Banque mondiale se sont dit prêts à aider les pays les plus touchés, s’engageant à utiliser les instruments disponibles tels que les financements d’urgence, les conseils politiques et l’assistance technique. Plus globalement, il faut espérer qu’une relance macroéconomique, concertée et proportionnelle au défi actuel, sera mise en place rapidement.

 

Source: Bloomberg, Johns Hopkins, Macrobond, Rothschild & Co Asset Management Europe


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