Les perspectives économiques sont affaiblies à court terme (effet pandémie) mais rehaussées à moyen terme (effet vaccin). Que doit faire la Fed? Il n’est pas dans ses capacités de soutenir l’économie dans l’immédiat. Les conditions financières étant apaisées, aucune intervention d’urgence ne s’impose. La réunion du FOMC vise surtout à clarifier ses intentions pour 2021. Les propos récents des officiels ne signalent pas une hausse imminente du programme de QE. Si la Fed craint une remontée des taux longs en 2021, le mieux est de renforcer sa guidance monétaire. Taux zéro + QE devraient suffire à freiner, le cas échéant, les tensions.

Focus US par Bruno Cavalier, Chef Economiste et Fabien Bossy, Economiste

 

Pour sa dernière réunion de l’année, le FOMC doit faire la part entre deux nouvelles bien différentes. Côté positif, les avancées dans la distribution d’un vaccin anti-COVID améliorent les perspectives à moyen terme. Côté négatif, la reprise de l’épidémie et les restrictions l’accompagnant pèsent directement sur l’activité à court terme1. Il est admis que la politique monétaire influence l’économie réelle avec de longs délais. Il n’y a rien que la Fed puisse faire pour apporter un soutien immédiat. C’est là le rôle de la politique budgétaire. Par ailleurs, la politique monétaire peut agir vite sur les conditions financières mais ce n’est pas nécessaire actuellement puisque tout semble au beau fixe. En d’autres circonstances, on aurait sans doute entendu certains officiels s’inquiéter de l’exubérance des marchés mais personne n’a envie pour l’instant de gâcher la fête.

US : achats de titres publics (par maturité)

Les Fed watchers ont l’oeil sur la politique d’achat d’actifs. Dans les dernières minutes publiées, la Fed a indiqué qu’elle envisageait à brève échéance de revoir la guidance concernant ces achats, autrement dit, de dire comment cette politique serait poursuivie s’il y avait une tension trop vive des taux longs. Il est souvent évoqué un ajustement des achats au profit de maturités longues sans modifier le montant total (une opération twist). Durant le stress financier du printemps, la Fed a surtout concentré ses interventions sur la partie courte de la courbe des taux (graphe). Un rééquilibrage a débuté mais il pourrait être poussé plus avant.

US : pente de la courbe des taux et taux à 10 ans

A ce jour, la remontée des taux longs – et la pentification qui en résulte (puisque la Fed mène une politique de taux zéro) – est modeste (graphe). Il n’y a pas de quoi s’en inquiéter tant que cela traduit de meilleures perspectives économiques. Il en irait autrement si la hausse des taux reflétait des craintes sérieuses pour le financement du déficit budgétaire. On n’en est pas là. Si la crise sanitaire se résout, les secteurs touchés pourront rouvrir et l’inflation, qui s’est trouvée ponctuellement déprimée, va rebondir.

L’inflation dépassera la cible de la Fed l’an prochain, ne serait-ce que grâce aux effets de base2. La Fed ne devra pas réagir, et encore moins surréagir, même si de beaux esprits jugent qu’elle est tombée « derrière la courbe ». Tel est le message à faire passer.

Economie

US : taux de chômage

En novembre, l’économie US a enregistré un gain de 245k emplois selon l’enquête-entreprises ou un recul de 75k selon l’enquête-ménages. Quelle que soit l’enquête du BLS qu’on préfère, il y a un net ralentissement de la croissance de l’emploi depuis la fin de l’été. Au total, l’emploi se situe 6 à 7% au-dessous du niveau de février, dernier point avant le choc de la pandémie. C’est l’équivalent de plus de 9 millions de personnes. Le taux de chômage (tiré de l’enquête-ménages) s’établit à 6.7%, et même un peu plus haut si l’on tient compte des problèmes de classification.

Pour rappel, le taux de chômage n’était que de 3.5% à la fin 2019. Depuis cette date, le taux de participation de la population active a baissé de 1.8 points. A taux de participation identique, le taux de chômage serait en fait environ 3 points plus haut, au voisinage de 10%, c’est-à-dire un niveau peu éloigné du pic atteint lors de la Grande Récession de 2009.

Le rapport complémentaire JOLTS pour octobre ne montre pas de fléchissement récent dans le nombre d’ouvertures de postes qui est stable à 6.5M environ depuis quatre mois (vs un creux à 5.4M en mai). Avant la pandémie le niveau était de 7M, mais il y avait alors environ 5.2M de chômeurs de moins. Le taux de démissions (2.2%) est revenu sur son niveau pré-pandémie. Sur la semaine du 5 décembre, les nouvelles inscriptions au chômage ont fortement rebondi au-dessus de 850K, ce qui n’était pas arrivé depuis la fin de l’été. La période sous revue était la semaine suivant Thanksgiving, un événement qu’il est toujours malaisé de corriger, sans doute encore plus cette année du fait de la pandémie. La mise en place de nouvelles restrictions dans plusieurs villes et états est aussi sans doute en cause. On a déjà dit ici que la statistique des claims devait être analysée avec prudence mais c’est au moins un indice de plus que le marché du travail tend à s’affaiblir en cette fin d’année.

Politique monétaire et budgétaire

Les discussions budgétaires ont été relancées la semaine dernière, semble-t-il cette fois avec la volonté d’aboutir vraiment à un accord. Les discussions se poursuivent donc. Le Secrétaire au Trésor Steven Mnuchin a publié sa proposition d’un plan de soutien de 916 Md$. Ce plan n’incluant que des aides limitées pour les chômeurs, il a été rejeté par le camp démocrate. Le plan bipartisan de 908Md$ reste la base la plus sérieuse à ce jour. Pour éviter un government shutdown, la Chambre a voté l’extension d’une semaine des autorisations de dépenses jusqu’au 18 décembre. A 24h de la date-limite, le Sénat n’avait pas encore approuvé cette extension.

Les élections sénatoriales en Géorgie vont décider du contrôle du Sénat. Chaque parti tente de mobiliser ses électeurs. Les Démocrates craignent que la participation de leur camp baisse maintenant que la défaite de Donald Trump est acquise. Les Républicains craignent la même chose tant ils ont répété à leurs électeurs que le système de vote était truqué ou frauduleux. Les récents sondages donnent une avance minime aux deux candidats démocrates, mais cette avance reste dans la marge d’erreur usuelle. Verdict le 5 janvier.

A suivre cette semaine

Outre la réunion du FOMC et la conférence de presse de Jerome Powell (le 16), la semaine est chargée en publications d’importance: pour novembre, la production industrielle (le 15), les ventes au détail (le 16) et les données de construction résidentielle (le 17) ; pour décembre, les indices PMI de confiance des directeurs d’achat, l’indice NAHB de confiance des constructeurs de maisons et les enquêtes manufacturières des Fed régionales (NY, Philadelphie, Kansas City).

La Food and Drug Administration est sur le point d’approuver l’utilisation du vaccin Pfizer. Un peu plus de 6 millions de doses seront disponibles la première semaine. Le verdict concernant le Moderna sera rendu la semaine prochaine, avec l’objectif d’avoir 12 millions de doses disponibles. Pour les deux vaccins, la livraison de 40 millions de doses est attendue d’ici la fin de l’année (deux doses par personne sont nécessaires). La vaccination de masse ne se fera qu’au printemps prochain.

 

Sources : Fed, Thomson Reuters, ODDO BHF Securities


1. Focus-US du 7 déc. : « Un risque de trou d’air en fin d’année »
2. Focus US du 16 nov. : « Le trilemme de la Fed »