Perspectives semestrielles.

David F. Lafferty, CFA
SVP – Chief Market Strategist

À l’aube du second semestre 2017, les investisseurs ont l’étrange sentiment que quelque chose ne tourne pas rond. Alors que le flot de nouvelles du marché est important, les marchés eux-mêmes sont d’un calme inquiétant. Les volatilités réalisées et implicites des actions, des obligations et des devises mondiales sont proches de niveaux historiquement bas.

Les actions internationales continuent de s’apprécier, mais peu d’investisseurs croient sincèrement dans cette hausse. Et, histoire de brouiller encore plus les cartes, on a également observé une modeste progression des obligations internationales dans le sillage de la baisse des rendements par rapport à leurs pics du mois de mars. Les actions (les actifs risqués) et les obligations de grande qualité (les actifs relativement plus sûrs) devraient-elles s’orientées à la hausse en même temps ? Et, quel marché laisse prévoir les véritables perspectives de l’économie mondiale ? Les deux peut-être. Selon nous, l’environnement boursier d’aujourd’hui est caractérisé par deux forces contradictoires qui se neutralisent l’une l’autre : d’un côté, l’amélioration des fondamentaux et, de l’autre, le niveau relativement élevé des valorisations. Ces doubles forces se traduisent par une apathie des investisseurs et une faible volatilité des marchés.

De manière générale, la santé de l’économie mondiale semble se renforcer. Les statistiques d’activité telles que les indices des directeurs d’achat (PMI) s’améliorent désormais tous simultanément aux États-Unis, en Europe et dans les pays émergents pour la première fois depuis des années.

Source : Bloomberg, Natixis Investment Strategies Group (juillet 2014 – juin 2017)

Après un 1er trimestre médiocre, la croissance du PIB devrait s’accélérer à près de 3,0 % au 2ème trimestre et se révéler tout juste supérieure à 2 % en 2017 et 2018. (Aucune de ces prévisions ne sont fondées sur les politiques favorables à la croissance de Donald Trump qui, selon nous, sont pour l’essentiel au point mort pour le moment.) De même, l’Europe s’extirpe de sa torpeur. La croissance du PIB réel avoisine les 2 %, le taux de chômage recule, la demande de crédit augmente et les craintes déflationnistes s’atténuent. Les pays émergents montent en puissance sous l’impulsion de la Chine, où le taux de croissance s’est stabilisé l’an dernier, et de l’Inde, qui se remet fort bien du chaos qui avait fait suite à la démonétisation.

Dans ce contexte de regain de vigueur de la croissance mondiale, les estimations de bénéfices sont revues à la hausse et confèrent ainsi un soutien fondamental aux actifs risqués tels que les actions et les obligations d’entreprises. Ce n’est a priori vraiment pas là un environnement susceptible d’inciter les investisseurs au pessimisme en ce début de second semestre 2017.

 

Des signaux contrastés ?

Pour autant, certaines données de marché plus récentes témoignent d’un plus grand scepticisme. Les actions internationales demeurent bien orientées et les spreads de crédit restent stables, mais les obligations progressent elles aussi et les courbes des taux s’aplatissent. De plus, les prix des matières premières, un baromètre de la demande économique, continuent d’être à la peine. Ces signaux pourraient présager un ralentissement de la croissance et de l’inflation.

Source : Bloomberg, Natixis Investment Strategies Group (1.01.16 – 27.06.17) ;
les performances passées ne préjugent pas des performances futures.

Ce faisant, il est bien difficile pour les investisseurs de se faire une idée précise de la situation avec, d’un côté, les signaux macroéconomiques positifs envoyés par les actions et les obligations d’entreprises et, de l’autre, les signaux d’avertissement en provenance des marchés des taux d’intérêt et des matières premières. Pour le moment, nous pensons que l’amélioration des fondamentaux économiques l’emportera. Toutefois, nous demeurons vigilants afin de déterminer si les récents signaux de marché ne sont que des signaux trompeurs temporaires ou, au contraire, s’ils sont véritablement annonciateurs d’un ralentissement.

Un élément est également à prendre en compte dans cet environnement : les valorisations sont loin d’être attractives. Aucune des grandes classes d’actifs que nous pouvons identifier n’est «indiscutablement» bon marché. En fonction des banques centrales que l’on inclut, les différents programmes d’assouplissement quantitatif à l’échelle mondiale ont eu pour effet d’ajouter de 14 000 à 18 0000 milliards de dollars d’actifs au système bancaire et financier. En conséquence de quoi, les valorisations des actions sont élevées (mais pas exorbitantes) dans le monde entier, tandis que les taux d’intérêt et les spreads de crédit demeurent faibles sur tous les marchés obligataires. Dans ce contexte, les prix des actifs sont pris en tenailles et évoluent donc peu : ils sont, d’un côté, soutenus par l’amélioration des fondamentaux, mais sont, de l’autre, freinés dans leur hausse par le niveau déjà élevé des valorisations. Cette situation a conduit à une baisse généralement de la volatilité au sein de l’ensemble des classes d’actifs depuis la mi-2016.

 

La question des banques centrales

Quels sont les autres risques dans cet environnement ? Certains investisseurs s’inquiètent d’une possible erreur de politique par la Fed américaine ou la Banque centrale européenne (BCE). Mais, nous la considérons peu probable. La Fed continue de prévoir un autre relèvement de ses taux cette année et trois de plus en 2018, ce qui est probablement quelque peu optimiste (en particulier compte tenu de la stabilisation de l’inflation). Tant que l’économie américaine continue d’enregistrer une croissance modérée, ce rythme n’est vraiment pas restrictif. Il pourrait certes y avoir un certain risque événementiel à court terme lorsque la Fed commencera à réduire la taille de son bilan, mais nous ne pensons pas que l’une ou l’autre de ces mesures soit propre à mettre à mal l’économie américaine.

En dépit des récents propos plus offensifs de la BCE, nous pensons que la politique monétaire dans la zone euro va continuer d’être favorable aux actifs risqués. Compte tenu du peu d’empressement à resserrer sa politique, le bilan de la Banque centrale pourrait ainsi continuer de grossir, la seule limite étant la capacité d’achat des obligations. Une ou plusieurs banques centrales vont-elles finir par précipiter une correction ou une récession ? Peut-être, mais pas dans un avenir proche.

 

Une participation prudente

Pris en étau entre l’amélioration des fondamentaux et le niveau élevé des valorisations, les marchés actions internationaux devraient toutefois offrir des performances positives au second semestre 2017 et en 2018. Toutefois, nous pensons que ces performances reposeront sur la croissance des bénéfices et non sur une augmentation généralisée des ratios cours/bénéfice. Compte tenu de valorisations relatives légèrement plus intéressantes et d’un moindre «risque Trump», nous continuons de marquer une préférence pour les marchés européens et émergents.

Au sein des obligations, la dislocation majeure entre des taux d’intérêt négatifs (les obligations chères de grande qualité) et des spreads de crédit élevés (les obligations d’entreprises bon marché) du début/milieu de l’année 2016 a en grande partie disparu. Compte tenu de rendements toujours plutôt bas, le portage supplémentaire offert par les obligations d’entreprises demeure relativement attractif. Cependant, la prudence reste de mise à mesure que nous approchons de la fin du cycle de crédit. Si la croissance mondiale se révèle conforme à nos prévisions, certaines modestes pressions haussières s’exerceront alors sur les rendements réels et nominaux. Sauf récession, les performances des obligations de grande qualité devraient au mieux être identiques à leurs rendements.

Les périodes de volatilité anormalement faible ne peuvent durer indéfiniment. Tout en entrevoyant que peu de risques systémiques au sein de l’économie mondiale, nous nous attendons toutefois à ce que le reste de l’année 2017 réserve certaines surprises négatives et des épisodes de regain de volatilité. Au nombre de celles-ci pourraient notamment figurer une déception de la part de Donald Trump sur le front de la fiscalité, un débat sur le plafond de la dette des États-Unis, de nouveaux signes de ralentissement de la croissance en Chine ou des faux pas géopolitiques au Moyen-Orient ou en Corée du Nord. Toutefois, pour autant que ces replis ne fragilisent pas la tendance haussière de l’activité économique, ils pourraient offrir une occasion de rééquilibrage permettant de retrouver des valorisations plus attractives. Dans l’intervalle, il est important de prendre part à une économie qui s’améliore progressivement, sans toutefois se montrer trop agressif dans la mesure où les valorisations actuelles ne le justifient pas.

 

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