les gérants de portefeuille de crédit Tom Ross, Thomas Hanson et Seth Meyer mettent en lumière l'environnement actuel du Haut Rendement par rapport aux cycles de resserrement passés et pointent la dispersion comme un allié possible de l'investisseur actif.

Thomas Hanson

Pourquoi la Réserve fédérale américaine (Fed) a-t-elle relevé ses taux ? La question peut sembler singulière à l’heure où chacun s’interroge plutôt sur l’évolution à venir des taux d’intérêt. C’est pourtant une question valable, parce que c’est dans sa réponse que tient l’essentiel de l’attrait des obligations à haut rendement.

Du point de vue du crédit, nous devrions nous réjouir du fait que la Fed augmente les taux au vu de la vigueur des statistiques économiques américaines : la croissance des salaires s’établit à 3,2 % en glissement annuel (déc. 2018), le chômage est au plus bas et l’indice des directeurs d’achat dans l’industrie manufacturière est à 54,1 (déc. 2018), soit largement au-dessus de la barre des 50 qui marque son niveau d’expansion. Le ralentissement mondial vient assombrir le tableau et la réaction de la Fed à cette évolution sera d’une importance cruciale pour les marchés.

Seth Meyer

Si la Fed a atténué la trajectoire du mouvement de hausse des taux, ce qui est ressorti clairement de sa réunion de décembre 2018 est qu’elle ne laissera pas les cours des marchés d’actions lui dicter sa conduite et que de nouveaux relèvements restent annoncés pour 2019 malgré le ton plus conciliant adopté par son président Jerome Powell à l’aube de la nouvelle année. Tous ces éléments à l’esprit, les investisseurs dans le haut rendement doivent-ils s’inquiéter de la dégringolade des marchés d’actions en fin d’année dernière ? D’un côté, les marchés étaient dans un état d’effervescence qui a justifié la correction. De l’autre, le haut rendement et les fonds propres tendent à avoir une corrélation plus marquée que d’autres segments obligataires et sont donc sensibles aux conditions que connaissent les entreprises. Il est difficile d’envisager un rally du haut rendement alors que les marchés d’actions reculent même si son repli est souvent largement moindre que celui des actions. En 2008 par exemple, le haut rendement américain a cédé 26 % pour une chute de 37 % pour le S&P500 et il a également enregistré une remontée plus forte l’année suivante. En remontant à la période de l’explosion de la bulle des dot-com, le déclin du S&P500 a duré trois années consécutives, de 2000 à 2002, avec respectivement -9 %, -12 % et -22 %, tandis que le haut rendement a cédé 5 %, repris autant, puis reperdu 2 % sur la même période.

Le danger qui perturbe les investisseurs est que la Fed ne vise trop haut et provoque une récession. Comme le graphique 2 le montre, de précédents cycles de resserrement ont annoncé une crise économique même si 1994/95 a fait exception à la règle, et le temps écoulé entre le début du resserrement et la récession peut s’étendre sur plusieurs années.

Pour le moment, les résultats et la croissance économique restent soutenus mais nous savons bien qu’il peut souvent en être ainsi un an ou deux avant une crise. Lors du dernier cycle économique, les consommateurs et les banques étaient surendettés. Cette fois, ils sont dans une meilleure situation. Le ratio d’endettement des ménages américain par rapport à leurs revenus est sensiblement inférieur à son niveau de 2007 et est revenu à ce qu’il était en 2001. La capitalisation des banques est également largement plus solide qu’avant la crise financière.

Cependant, l’endettement des entreprises et des États a augmenté. Celui des entreprises est plus particulièrement préoccupant. La dette non financière touche un pic même si elle est principalement le fait d’emprunteurs investment grade. Il est intéressant de souligner qu’au total les entreprises à haut rendement américaines se sont désendettées ces deux dernières années et que l’offre nette d’obligations à haut rendement a chuté pour la troisième année consécutive. On retrouve le même contexte positif au plan fondamental et technique de l’autre côté de l’Atlantique où le marché du haut rendement européen a connu une baisse des ratios d’endettement depuis 2013 et où le marché du haut rendement ne s’est pas développé en volume ces dernières années, les entreprises privilégiant les prêts levier et les emprunts directs tout comme leurs homologues américaines. En réalité, la détermination de la Fed à relever les taux d’intérêt et réduire son bilan pourrait être le signe qu’elle se préoccupe davantage d’une détérioration des conditions de souscription dans ces formules d’emprunt hors obligataire que sa politique d’assouplissement a contribué à mettre en place.

Le ré-endettement des entreprises peut toutefois prendre deux formes : active pour la première lorsque l’emprunt supplémentaire sert à des activités qui ne servent pas les intérêts des porteurs d’obligations comme des fusions-acquisitions ou des rachats d’actions ; passive pour la seconde lorsqu’une baisse des résultats érode le dénominateur du ratio endettement net /EBITDA1.

Compte tenu du gonflement du marché BBB aux États-Unis et en Europe, la crainte est que l’endettement supérieur des émetteurs investment grade puisse conduire à leur déclassement en haut rendement si les bénéfices et les flux de trésorerie sont mis à mal. Il pourrait en découler une hausse des rendements face à la tentative d’absorption de la vague de nouveaux entrants par un marché du haut rendement relativement plus restreint. Nous sommes conscients de cette menace même si elle n’est pas perçue de façon si négative car un déclassement introduit souvent un type d’émetteur différent.

Face à la hausse des fonds passifs dans l’univers obligataire, tout mouvement de débâcle tournerait sûrement à l’avantage des gérants actifs qui seront les mieux placés pour faire des choix parmi les positions. Lorsqu’une obligation est déclassée d’investment grade à haut rendement, il est typique de voir s’ouvrir une fenêtre d’opportunité d’achat à un prix techniquement compressé par les ventes forcées et qui remonte souvent par la suite (cf Graphique 3).

Nous pouvons aussi prévoir, et nous voyons déjà, une dispersion accrue au niveau des émetteurs et des secteurs, tout particulièrement sur le haut rendement européen où les marchés reflètent l’environnement de fin de cycle et où les fondamentaux commencent à avoir plus d’importance. Là encore, c’est un environnement qui peut être source d’opportunités pour les investisseurs actifs.

2019 semble donc annoncer un marché difficile mais le haut rendement anticipe déjà cette phase dans ses prix au vu de l’élargissement considérable des spreads au second semestre 2018. Dans le haut rendement européen par exemple, le spread moyen des émissions notées B était de 724 points de base au 31 décembre 2018, soit respectivement plus de 200 et 70 points de base au-dessus de leurs niveaux de décembre 2007 et de leur moyenne à 20 ans2. Sur le plan de la valeur, nous considérons que le haut rendement européen présente plus d’attrait que son homologue américain et que l’Europe est plus en amont du cycle que les États-Unis. Le reste du monde a du mal à se dissocier des États-Unis et ce qui se passe dans la première économie mondiale risque fort d’avoir des échos bien plus larges. C’est pour cette raison que nous resterons attentifs à l’attitude de la Fed.

1 EBITDA= excédent d’exploitation avant intérêts, impôts et amortissements.

2 Source : ICE BofAML Bloomberg European Currency High Yield B Index (HP20), OAS.

 


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