La note macro de Nicolas Blanc, Responsable de l’Allocation chez Ellipsis AM.

Selon un scénario inexorable et bien connu, la crise politique italienne s’est propagée sur les marchés, entrainant à la baisse la dette publique du pays et la plupart des actifs risqués mondiaux, au profit des valeurs refuge que sont les obligations souveraines américaines et allemandes. L’intégrité de l’euro a été à nouveau implicitement menacée, cette fois, à la différence de la Grèce, par un acteur d’une dimension systémique.

Indépendamment de la tournure récente des événements, qui a permis de mesurer que l’Italie disposait bien de garde-fous institutionnels, il faut s’interroger sur le risque qui pourrait demeurer d’une sortie de l’Italie hors de l’euro. Il nous semble que la probabilité de cet événement est négligeable.

1. Il s’agit d’abord d’une opération présentant d’immenses difficultés techniques. A titre de comparaison, le Brexit, qui ne représente qu’une fraction de la complexité d’une sortie de l’euro, mobilise largement une administration britannique, dont la technicité est pourtant reconnue. Les chefs des partis populistes, qui ne manient la menace qu’à des fins électorales, devraient être très réticents en pratique à s’y engager.

2. A moyen terme, il n’y a aucun bénéfice économique à la dévaluation. L’Italie, déjà exportatrice de produits haut de gamme, ne gagnerait pas de parts de marché mais perdrait dans les termes de l’échange avec l’extérieur. La valeur de sa dette, déjà très importante, serait gonflée par la dévaluation de sa nouvelle monnaie, de sorte que sa politique fiscale ne pourrait être plus généreuse qu’elle ne l’est aujourd’hui. Une redénomination ou une restructuration de sa dette conduirait le pays dans une situation à l’argentine.

3. L’effet immédiat sur les marchés d’une annonce d’un projet de sortie de l’euro serait dévastateur pour l’économie, avec un arrêt complet des financements externes, un effondrement du prix de la dette, entraînant une faillite potentielle des secteurs bancaire et de l’assurance. Les épargnants domestiques, portant pour beaucoup de la dette d’Etat, seraient potentiellement ruinés et la BCE imposerait un contrôle des changes et des retraits. Cette violence dans la réaction de marché induite imposerait de faire machine arrière, voire de demander le soutien à l’ESM. Le paradoxe de la situation serait alors que, voulant s’affranchir des règles européennes, l’Italie perde sa souveraineté budgétaire.

La sortie de l’euro ne peut donc pas être aujourd’hui un but politique réaliste. L’insistance initiale du leader de la Liga à faire nommer aux finances un idéologue de la sortie de l’euro correspond donc à un calcul purement politique, visant à capitaliser sur sa popularité ascendante et sur une présentation tendancieuse du refus du président. Ce faisant, il a durablement accru la prime de risque de la dette publique, effaçant en partie le bénéfice des réformes domestiques et européennes récentes et du soutien de la BCE. L’annonce du nouveau gouvernement, avec aux finances un candidat plus orthodoxe, ne suffira probablement pas pour regagner tout le terrain perdu, d’autant plus que le programme de la coalition populiste devrait aggraver les difficultés structurelles de l’économie.

La coïncidence temporelle entre les crises italienne et espagnole est frappante mais leur ressemblance s’arrête là. Le remaniement concerne plus les politiciens que leur politique, le leader socialiste s’étant engagé à poursuivre la même politique budgétaire. Le dossier catalan, qui constitue pour l’Espagne le risque politique principal, pourrait d’ailleurs être mieux géré par Pedro Sanchez, qui a bénéficié du soutien d’une partie des séparatistes.