L'économie mondiale est tombée dans une récession synchronisée historique au T2 2020. Cependant, l’angoisse des investisseurs n’aura été que bien éphémère.

Par Marc-Antoine Collard, Chef économiste et Directeur de la recherche

 

En effet, les politiques monétaire et budgétaire ont été déployées d’une manière concertée sans précédent et la réponse a été d’une plus grande ampleur par rapport à la Grande Crise Financière (GFC). En outre, après avoir mis en place des mesures de confinement en mars et avril, la plupart des pays les ont progressivement assouplies, permettant à l’économie de renaître. Selon la dernière enquête Markit, la confiance des entreprises en Zone euro et au R.-U. a d’ailleurs atteint son plus haut niveau en, respectivement, plus de deux et cinq ans.

Or, si ces données laissent présager un puissant rebond en Europe – et ailleurs – au début du T3 2020, d’importants effets de base temporaires sont à l’oeuvre et surtout, la faiblesse des souscomposantes tels que les carnets de commandes et l’emploi ne sont pas compatibles avec le scénario de retour à la normal rapide et total anticipé par certains investisseurs.

Performances exprimées en devises locales

En effet, le rebond récent de l’activité s’explique en partie par la satisfaction d’une demande latente accumulée pendant le confinement. De plus, les interactions entre la pandémie, les mesures de restrictions et l’économie invitent à la prudence. Si les décisions d’assouplir les règles de distanciations sociales, à partir du mois de mai, ont permis d’enclencher le processus de normalisation de l’économie, elles sont arrivées trop tôt dans plusieurs pays, notamment aux É.-U.. Depuis, plusieurs pays ont été contraints de faire marche arrière, ce qui bridera de nouveau l’économie, en particulier dans le secteur des services.

Zone euro – Confiance des entreprises

Les limites des soutiens politiques d’urgence mis en place depuis le début de l’année représentent également un obstacle à une normalisation rapide et complète. Dans la Zone euro, le taux de chômage n’a augmenté que marginalement, atteignant les 7,8% contre 7,4% plus tôt cette année, et est même resté stable à 3,9% au R.-U.. Pour autant, ces données fournissent probablement une fausse lecture de l’état de santé du marché du travail. En effet, les programmes de chômage partiel des gouvernements ont été largement utilisés, les données montrant que des millions de travailleurs ont bénéficié de ces programmes.

De plus, face à un environnement difficile, la plupart des personnes qui ont perdu leur emploi ont cessé de chercher du travail. Par conséquent, elles ne sont pas comptabilisées comme étant au chômage puisqu’il faut être en recherche active pour apparaître dans les statistiques. Ainsi, il est attendu que le taux de chômage augmente dans les mois à venir suite à la fin de certains programmes de subventions à l’emploi, la montée de faillites d’entreprises et le retour de certains inactifs sur le marché du travail.

Monde – Indice de mobilité

Aux É.-U., la hausse du taux de chômage a été bien plus importante qu’en Europe. Certes, le taux de chômage a baissé en mai et juin, mais, à 11,1%, il reste bien au-dessus de son niveau d’avant l’épidémie et supérieur au pic de la GFC. En effet, les entreprises américaines ont réagi à la crise en ayant recours beaucoup plus fréquemment aux mises à pieds, reflétant en partie la structure traditionnelle des flux élevés de recrutements et de licenciements du marché du travail américain.

En outre, une part importante des dépenses fiscales dans le cadre de la loi CARES a été axée sur le soutien du revenu des chômeurs en leur octroyant une bonification généreuse des prestations versées, à tel point que certains d’entre eux se sont paradoxalement retrouvés dans une situation financièrement plus avantageuse en quittant le marché du travail.

É.-U. – Demandes initiales d’assurance-chômage

Or, ce programme spécial de soutien du revenu a pris fin le 31 juillet et les négociations au Congrès en vue de son renouvellement se trouvent enlisées dans des querelles partisanes. Selon toutes vraisemblances, le marché du travail s’essouffle, comme en témoigne la hausse des demandes initiales d’assurance chômage, alors que les suivis des dépenses des ménages montrent une dégradation de la dynamique des dépenses de consommation depuis la fin juin.

Ainsi, bien que les indices de confiance des entreprises se soient généralement améliorés, la confiance des consommateurs est restée déprimée, aux É.U. comme ailleurs.

Après tout, l’OMS a averti que la pandémie continue de s’accélérer, le nombre de cas dans le monde ayant doublé depuis la mi-juin. Une partie de l’augmentation est due à l’amélioration de la capacité de test, mais l’essentiel résulte d’une mauvaise gestion de la pandémie dans certains pays.

Monde – Obligations à rendement négatif

En somme, plusieurs gouvernements ont dû réintroduire des restrictions et renforcer les mesures de distanciation sociale et de quarantaine. Certes, le pic de l’effondrement économique a été dépassé, mais la partie aisée du rebond a vraisemblablement déjà été franchie et une forte incertitude entoure les projections de croissance économique, en raison notamment de l’évolution de la pandémie et de la persistance du choc. En outre, la politique budgétaire pourrait être forcée de changer de cap afin d’éviter que les positions budgétaires ne deviennent intenables.

Du côté des banques, si la qualité du crédit continue de se détériorer, ces dernières devront reconstituer leurs coussins, resserrant ainsi l’accessibilité au crédit. Les politiques monétaires pourraient quant à elles être confrontées au choix complexe, et non sans risque, d’accroître leur détention déjà démesurée d’actifs financiers dans l’économie. Alors que les rendements des obligations d’État ont encore baissé, les montants de dette à taux négatifs ont de nouveau grimpé. Cela renforce l’argument There Is No Alternative (TINA), poussant les investisseurs vers des actifs risqués et faisant émerger des interrogations – et des risques – concernant l’intégrité des marchés financiers. D’ailleurs, comme le FMI l’a récemment souligné, l’ampleur du récent regain d’optimisme sur les marchés financiers semble déconnecté de l’évolution des perspectives économiques sous-jacentes.


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