Après trois ans de croissance, l’industrie américaine traverse de nouveau une mauvaise passe. A l’incertitude touchant les échanges mondiaux s’ajoutent trois facteurs négatifs : l’appréciation du dollar qui pèse sur les exportations, la baisse des investissements du secteur pétrolier, et le choc touchant Boeing par suite des problèmes de sécurité du 737 MAX. Du fait de leur impact sur la production industrielle, ces différents chocs pourraient amputer de 0.5pts la croissance du PIB réel en 2019, contre -0.2 pts en 2018. Le poids de l’industrie est assez faible heureusement pour qu’il n’y ait pas trop de contagion.

Par Bruno Cavalier, Chef Economiste et Fabien Bossy, Economiste

Le focus de la semaine

Pour la première fois depuis plus de trois ans, l’indice ISM du secteur manufacturier vient de tomber sous le seuil des 50 pts. C’est symbolique des difficultés de l’industrie US, qui n’est pas à l’abri, quoi qu’en dise Donald Trump, des turbulences causées par la guerre commerciale. Cela pèse sur le sentiment mais la faiblesse de l’activité ces derniers temps s’explique par une série de chocs bien spécifiques:

La hausse du dollar – Depuis son récent point bas de début 2018, le dollar s’est apprécié de près de 9%. Si on lisse la tendance, on peut considérer que la hausse s’établit à +5% environ sur 2019. Sur la base de certains modèles utilisés par la Fed, une telle variation aboutit au bout de 3 ans à réduire de 3.5% les exportations et de 0.7 pt la croissance du PIB, soit -0.2 pt par an(1). Pour partie, la hausse du dollar est le résultat de la hausse des tarifs. C’est une peine auto-infligée.

La baisse des prix du pétrole – Ce qui est une bonne nouvelle pour les ménages ne l’est pas pour le producteur. Le secteur du shale oil avait traversé en 2014-2016 une très grave crise, avant de rebondir en 2017-2018. La stabilisation des prix du pétrole à un niveau assez bas a enrayé cette reprise. Les investissements du secteur s’effritent depuis le début de l’année. Cela représente un différentiel de croissance de -0.2 pt de PIB par rapport à 2018.

Le choc Boeing – L’interdiction de vol du 737 MAX dure depuis mars dernier et aucune reprise n’est envisagée à ce stade. Il est hasardeux de chiffrer l’impact macro final mais on peut observer que les exportations d’avions américains ont chuté brutalement au T2, pour l’équivalent de 0.1 pt de PIB (graphe de gauche). Il faut s’attendre à un coût plus élevé dans les prochains trimestres. Si on cumule les chocs touchant les exportations (via le dollar), le secteur pétrolier et le l’aéronautique, la ponction sur le PIB est d’environ 0.5 pt en 2019 en extrapolant les données déjà connues (graphe de droite). L’activité industrielle a passé un pic cyclique en décembre 2018, et s’affiche en repli de 1.2% depuis. Ce n’est pas une correction d’une ampleur suffisante à causer une récession mais c’est un handicap notable.

 

Exportations d’avions civils (à gauche) et impact sur le PIB des chocs industriels (à droite)

A suivre cette semaine

Les statistiques de prix d’août paraîtront le 11 pour le PPI et le 12 pour le CPI. Les droits de douane sur les produits chinois avaient été relevés en mai. Selon les calculs du Peterson Institue, le taux moyen était alors passé de 12.3% à 18.3% (il est maintenant à 21.2% et devrait atteindre 24.3% à la fin de l’année). C’est une hausse assez nette mais il paraît un peu prématuré d’espérer y voir un impact sur les prix. La répercussion de la guerre tarifaire sur l’inflation est lente et atténuée par des ajustements de taux de change ou de marges. L’inflation CPI est attendue à 1.7% pour l’indice total (-0.1pt) et 2.3% pour l’indice sous-jacent (+0.1pt).

Les ventes au détail d’août publiées le 13 permettront de bien affiner la prévision de croissance au T3. Après l’envolée de juillet (+0.7% m/m), une modération est probable (+0.2% attendu). A court-terme, la bonne tenue de la consommation dépend de celle du marché du travail.

1 Voir Fischer (2015) The Transmission of Exchange Rate Changes to Output and Inflation

 

Sources : Thomson Reuters, Oddo BHF Securities