L’année dernière, des nutritionnistes du Brésil et du Canada ont publié un rapport alertant l’opinion publique sur la crise sanitaire mondiale imminente qu’ils prévoient du fait de l’abus d’aliments ultra-transformés. Ces aliments représentent actuellement plus de la moitié de l’ensemble des achats alimentaires dans les pays développés, y compris au Royaume-Uni et aux États-Unis.

Publié par BNP Paribas Asset Management

 

Alexandre Jeanblanc, Investment specialist, SRI

Le rapport se concentre sur la qualité des régimes alimentaires et le caractère durable des systèmes alimentaires, en distinguant quatre groupes par valeur nutritionnelle décroissante :
• les aliments non transformés (naturels), comme les graines, les fruits, la viande et les œufs
• les ingrédients peu transformés, comme les huiles et le beurre
• les aliments transformés, comme les bocaux de légumes et les conserves de poisson
• les aliments ultra-transformés, comme les snacks salés ou sucrés, les produits de viande reconstituée et les sodas.

Pire que du mauvais goût. . .

C’est cette dernière catégorie qui préoccupe le plus les chercheurs. Pour l’équipe de recherche, menée par le professeur Carlos Monteiro de l’université de Sao Paulo au Brésil, « il ne s’agit pas de simples aliments modifiés, mais d’un assemblage de produits déjà transformés, généralement bon marché, riches en graisses, protéines et fibres de mauvaise qualité ».

Ils sont une des causes majeures de l’augmentation dramatique de cas d’obésité dans le monde ; les auteurs du rapport révèlent ainsi que les aliments ultra-transformés « sont conçus pour être ultra-appétissants et font l’objet d’un marketing agressif qui pousse à la surconsommation » ; ils contiennent « peu, voire pas du tout, d’aliments d’origine non transformés ».

Ils sont très riches en graisses « trans » et pauvres en fibres diététiques ; ils augmentent le taux de glucose dans le sang, perturbent ainsi le processus de contrôle de l’appétit par le système nerveux et accentuent donc le risque d’obésité et de diabète. Pire encore, selon les chercheurs, ils sont souvent élaborés pour générer une accoutumance, voire une quasi-dépendance.

Les enjeux pour la santé humaine sont énormes. Le directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a écrit dans un rapport Foresight de 2016 sur les systèmes et régimes alimentaires que, à moins que les politiques des gouvernements changent, le nombre de personnes en surpoids et obèses grimpera jusqu’à plus de trois milliards – soit un tiers de la population mondiale – d’ici à 2030. La pression sur les systèmes de soins de santé, déjà confrontés au vieillissement de la population, et par extension les finances publiques, sera considérable.

La faute aux géants de l’agroalimentaire ?

Les chercheurs indiquent que les « Big Food », c’est-à-dire les plus grandes compagnies agro-alimentaires, ont transformé, depuis des décennies, les modèles de production, d’achat et de consommation alimentaires, et ont, de la sorte, contribué à l’engouement croissant pour ces aliments ultra-transformés dans le monde entier.

Selon les statistiques de l’OCDE, les investissements directs étrangers de ces « Big Food » sont passés de 61 millions d’USD en 1985 à plus de 1 700 milliards d’USD en 2015, ce qui « a dramatiquement changé le type de produits alimentaires proposés dans les pays à moyens et faibles revenus » soulignent les nutritionnistes. Deux des plus grandes entreprises « Big Food » ont à elles seules dépensé plus de 6 milliards d’USD en publicité. En outre, le marketing alimentaire dans les pays à revenus élevés, cible les « aliments riches en calories, meilleurs marché, plus savoureux et vendus en plus grande quantité. »

En outre, la production de ces aliments ultra-transformés nuit à l’environnement. Par exemple, aux États-Unis, elle représente, en volume, près des deux tiers des emballages jetés. Le rapport préconise que la production et la consommation d’aliments et de boissons ultra-transformés soient considérées comme une des causes majeures des problèmes environnementaux tels que la dégradation des sols, la mauvaise qualité des ressources en eau, l’accumulation des déchets provoqués par l’élevage intensif, ou encore de l’insécurité nutritionnelle et alimentaire. Par conséquent, les auteurs affirment que l’impact de l’alimentation ultra-transformée sur la santé humaine est, en soi, une crise mondiale à résoudre.

Identification des acteurs intégrant le développement durable dans leurs activités commerciales

Dans notre stratégie dite « alimentation socialement responsable », l’objectif est d’identifier les entreprises engagées dans la lutte pour une alimentation plus saine et intégrant le développement durable dans leurs opérations. Voici trois exemples de ces entreprises :
Sprouts Farmers Markets a dans ses objectifs la promotion auprès des consommateurs d’un mode de vie plus sain. Son approche est basée sur l’idée qu’à chaque repas, l’on peut faire le choix de de ce que l’on met dans son corps. Ses magasins sont remplis de produits frais ; 90% des 19 000 produits vendus sont naturels ou biologiques, et elle a une offre substantielle d’articles « crus non transformés », « sans gluten », « à base de plantes », « nourris à l’herbe », ou encore « sans OGM ». Sprouts Farmers ne produit aucun déchet ; les aliments qui ne sont plus en vente sont donnés aux organismes locaux de lutte contre la faim ; si les aliments sont périmés, ils sont donnés en tant qu’aliments pour bétail aux fermes laitières et ranchs locaux, ou encore donnés en tant que compost (pour éviter d’encombrer les décharges).

Campbell Soup Company s’efforce d’être transparents dans l’étiquetage des ingrédients. Campbell Soup a supprimé les ingrédients et colorants artificiels de l’élaboration de ses produits ; en 2016, elle a été la première grande entreprise alimentaire à annoncer qu’elle mentionnerait la présence d’OGM. En outre, elle a été parmi les premières conserveries à éliminer le BPA (bisphénol A) et à utiliser ‘What’s In My Food ?’, un site Web consacré à l’éducation des consommateurs.

M&S se concentre plus sur l’application du développement durable dans ses opérations de fabrication que sur le contenu de ses produits. M & S pense qu’aujourd’hui, pour être une entreprise prospère, il faut être un acteur écologiquement et socialement responsable. En 2007, elle a lancé «Plan A», une initiative visant à transformer son modèle économique, ses chaînes d’approvisionnement et ses activités quotidiennes, et à dépasser ainsi la simple démarche RSE pour une approche plus globale de la durabilité touchant tous les aspects de son fonctionnement. Par exemple, dans le cadre de la mise à jour du « plan A » en 2025, M & S s’assurera que ses produits, quels qu’ils soient, (€3 milliards par an), couvrent, pratiquement, l’intégralité de leurs impacts sociaux et environnementaux, pour ce qui concerne aussi bien l’utilisation de leurs ingrédients de base, leur fabrication que leur usage et leur distribution. L’idée générale est, pour M&S, de devenir, dans tout ce qu’elle fait, une entreprise véritablement responsable, à faible empreinte carbone, circulaire, réparatrice, et engagée pour le bien-être, l’égalité et l’équité.

La prise de conscience du consommateur

Il n’est pas trop tard ! Les statistiques britanniques utilisées dans le rapport proviennent d’une enquête de 2008 sur l’alimentation et le coût de la vie et datent donc d’il y a 10 ans. Elles reflètent, en fait, les habitudes de consommation en plein milieu de la crise financière. Par ailleurs, la tendance n’est pas uniforme. L’Europe de l’Est y échappe: la Slovaquie, la Hongrie et la Croatie enregistrent des taux de consommation d’aliments ultra-transformés nettement inférieurs, de l’ordre de 20 % selon le rapport. Même en Allemagne et au Royaume-Uni, qui sont les moutons noirs de l’Europe, de nombreux consommateurs insistent maintenant pour bénéficier d’une meilleure assurance de qualité dans leurs achats alimentaires. Tôt ou tard, les personnes ayant consommé des aliments ultra-transformés exigeront une meilleure qualité et seront en mesure de payer pour.

Selon le bureau d’étude Innova Market Insights, une nouvelle catégorie de consommateurs avertis continuera de pousser pour un changement des modes de production, d’emballage et d’étiquetage. Innova montre qu’entre 2010 et 2016, les plaintes d’ordre éthique de la part des producteurs de nourriture entre 2010 et 2016 ont augmenté de 44% par an. Que ces plaintes soient ou non justifiées, le changement est néanmoins probant. Cette tendance à contre-courant en faveur d’une alimentation de meilleure qualité a créé de nouveaux marchés que de nombreuses entreprises innovantes ont eu la bonne idée d’exploiter. S’efforcer de s’y exposer davantage n’est pas uniquement une stratégie d’investissement saine à long terme, c’est aussi une façon de contribuer à l’amélioration de la santé publique et à l’avènement d’un monde plus durable.

 


Veuillez noter que les entreprises mentionnées ci-dessus sont à titre illustratif seulement. Leur mention ne constitue en aucun cas une forme de sollicitation à l’achat de leurs titres, et ne constitue en aucune manière ni une recommandation ni un conseil d’investissement.