La note macro de Nicolas Blanc, Responsable de l’Allocation chez Ellipsis AM.

Dans le contexte de la crise italienne en cours, les propos que Peter Praet a tenus lors d’un congrès cette semaine ne sont pas passés inaperçus. La BCE, a-t’il précisé, évalue le contexte monétaire selon trois critères. La convergence attendue de l’inflation vers l’objectif, le degré de confiance dans cette estimation et l’impact qu’aurait un arrêt du QE sur cette convergence.

Sur les deux premiers critères, le redressement de l’inflation réalisée, celui des swaps d’inflation, la reprise de la conjoncture et l’apparition d’une réaction positive des salaires à cette reprise semblent apporter suffisamment de confort à la BCE. Sur le dernier, Peter Praet considère que la normalisation des anticipations d’inflation s’est déroulée alors que le marché n’anticipait déjà plus d’expansion importante du bilan de la BCE, d’où il infère que la reprise de l’inflation n’est plus intrinsèquement liée au QE.

Un tel message, une semaine avant la réunion du conseil, ne peut être fortuit. Il s’agit, selon nous, de préparer le marché à l’annonce de la fin du QE, qui sera probablement mise en oeuvre par la diminution des rachats sur le quatrième trimestre. S’il s’agit bien de la décision que prendra le conseil, il faut s’attendre à une pression haussière sur les taux souverains core, qui, outre l’effet du QE, ont été fortement comprimés par les arbitrages suscités par la crise italienne. Il faudra également s’attendre à une diminution de la pression baissière sur l’euro/dollar, en raison de la convergence des politiques monétaires. La pression sur la dette périphérique devrait également s’accroitre.

Pour autant, il faut mesurer qu’une part importante de la diminution des spreads depuis la crise provient de la forte consolidation budgétaire et du redressement de la balance courante de ces pays. Le cas de l’Italie est évidemment à part. La BCE ne pourrait être perçue comme facilitant les entorses aux règles communautaires implicites dans le programme du nouveau gouvernement (on parle de 100Mds de déficit supplémentaire entre les nouvelles prestations et les baisses d’impôts).

Le timing d’annonce du tapering – une accélération par rapport à ce qu’anticipait le marché – va mettre rapidement la pression sur le gouvernement, qui définit encore les grands axes de son action. Il permettra aussi à la BCE d’écarter toute idée avancée par la coalition de monétisation définitive d’une partie de la dette publique (à la manière des Japonais). Il faut s’attendre également, du côté italien, à une résistance tonitruante, qui visera à soigner les bases électorales de la Liga et du M5S. Au regard des divergences des positions initiales, il n’est pas exclu que la dégradation de la situation (écartement des spreads, voire dégradation du rating vers spéculatif) doive aller jusqu’à des niveaux insupportables (tant pour l’Italie, avec le blocage de son refinancement que pour la BCE, avec une question existentielle pour l’euro) pour que la position des deux protagonistes s’assouplisse et permette une résolution.

Cette confrontation devrait être rythmée par des moments clé, qui seront, selon nous, les réunions de la BCE (à commencer par jeudi prochain), les échéances de refinancement de la dette (il y en a une importante début août), et, surtout, la présentation du budget au parlement et à l’UE mi-octobre, qui doit donner son verdict fin novembre. Entre-temps, bien sûr, les agences de rating peuvent entreprendre une réévaluation de la note italienne.

On voit qu’il faut s’attendre à des remous importants d’ici là sur les spreads périphériques.La réaction des actions sera la résultante de différentes forces: d’une part, le tapering interviendrait alors que la demande est solide et que la dynamique des résultats se redresse mais il y aurait également les effets négatifs entrainés par la hausse des salaires, la hausse des taux, la baisse du dollar et la contagion de la crise italienne sur la confiance.