La note macro de Nicolas Blanc, Responsable de l’Allocation chez Ellipsis AM.

Le coup d’envoi de la confrontation entre les autorités européennes et le gouvernement italien a été donné cette semaine avec l’annonce par les deux partis populistes de leur intention de porter le déficit public à 2,4% du PIB pour les budgets 2019 à 2021, causant une réaction brutale des marchés (+35 bps sur le 10 ans). A ce stade, il s’agit moins d’une panique que d’un réajustement des anticipations, après des propos trop rassurants du ministre des finances cet été. Il n’y avait pourtant, selon nous, aucune chance que l’exercice budgétaire se déroule sans une montée des tensions, en raison d’une conjonction de facteurs:

• La coalition au pouvoir a été élue sur des projets – immigration mis à part – qui impliquaient des largesses de l’Etat et sur une défiance affirmée vis-à-vis de l’UE. On ne peut pas imaginer que ces partis puissent tout simplement oublier l’intégralité de leur programme électoral et risquer de ruiner leur popularité en se reniant totalement.

• Les marchés ont déjà manifesté au printemps, lors de la formation du gouvernement, leur refus de financer les dérives budgétaires italiennes. Seul le crédit de M. Tria avait permis de les calmer.

• Le taux d’endettement de l’Italie est très élevé et donc très sensible à la hausse des taux, tandis que les agences de rating sont en embuscade pour sanctionner toute dégradation de sa solvabilité.

• L’UE n’aura aucune complaisance pour les projets italiens, particulièrement alors que ceux-ci prévoient un recul sur les réformes structurelles.

• La fin programmée du QE cette année élimine un des éléments amortissant les réactions de marché.

Heureusement, l’intérêt des différents acteurs reste de trouver un terrain d’entente. La coalition populiste ne souhaite évidemment pas précipiter l’Italie dans une crise financière dévastatrice et garde un certain respect pour la discipline européenne. Le choix du niveau du déficit – qui s’écarte nettement de son programme de stabilisation mais reste tout de même dans la limite des 3% – en est un signe. L’UE, de son coté, ne peut pas se permettre de dégrader encore sa popularité dans un pays aussi important que l’Italie, particulièrement avant les élections européennes de l’année prochaine. Elle devrait donc se contenter de placer l’Italie en procédure de déficit excessif, sans imposer de sanctions financières.

Les marchés devront reconnaitre, eux, que les risques de défaut ou de redénomination implicites aux taux italiens sont très confortables au niveau actuel. La phase de forte volatilité devrait, selon nous, s’estomper après l’approbation du budget mais le taux d’équilibre reflètera bien sûr les perspectives préoccupantes à long-terme de l’économie italienne et y contribuera d’ailleurs, en réduisant les marges de manoeuvre budgétaires futures, en pesant sur les banques – déjà bien occupées à assainir leurs bilans – et en dégradant les conditions de financement des acteurs économiques.

La Fed droite dans ses bottes

Comme attendu, la Fed a remonté ses taux objectif de 25bp, tandis que les «dots» prévoient toujours une quatrième hausse en décembre, 3 en 2019 et une en 2020. Elle ne modifie donc rien à sa course, prend acte de l’accélération de la conjoncture en cours, avec des prévisions de croissance de 3,1% cette année et 2,5% en 2019 et n’intègre pas d’effet lié aux tensions commerciales dans son scénario. Même s’il en a minimisé la portée dans sa conférence de presse, le retrait du qualificatif d’accommodant pour décrire la position monétaire américaine correspond au fait que les taux se rapprochent de la neutralité (le r*, lequel a été d’ailleurs marginalement porté à 3%). L’économie américaine bénéficie toujours d’un contexte «à la Goldilocks», avec une forte croissance n’entrainant pas de pressions inflationnistes.