La note macro de Nicolas Blanc, Responsable de l’Allocation chez Ellipsis AM.

Le pessimisme des commentaires que suscite l’agressivité commerciale américaine ne contamine pas, pour le moment, les indicateurs économiques. Il semble bien d’ailleurs que les protagonistes principaux de la «guerre commerciale», les US et la Chine, connaissent des taux de croissance robustes, toujours sensiblement au-dessus du potentiel. A 60,2 en juin, l’ISM manufacturing se positionne toujours sur des niveaux historiquement très élevés, alors que l’activité chinoise est proche, selon les indicateurs instantanés, de 7%. L’Europe a bien ralenti depuis l’euphorie de la fin 2017 mais les PMI ont rebondi en juin et la demande mondiale devrait constituer un soutien dans les prochains trimestres.

Bien sûr, les risques qui ne se sont pas matérialisés jusqu’ici n’ont pas pour autant disparu.

• Bien que d’une ampleur encore limitée, la confrontation commerciale pourrait faire perdre leurs nerfs aux marchés mondiaux, affectant l’économie bien plus via la confiance que par les droits de douane. Mais cette prophétie ne s’est pas encore réalisée, les marchés semblant même disposés à acheter «au son du canon». Il nous semble également que la baisse des marchés est un élément régulateur qui retiendrait les ambitions protectionnistes américaines.

• La situation cyclique américaine, couplée à la mise en oeuvre de la réforme fiscale, pourrait accélérer le resserrement de la Fed, dont l’histoire se termine souvent par des récessions.

• Enfin, des parallèles sont possibles entre la situation actuelle et les précédentes crises des marchés émergents, avec des rapides sorties de capitaux et un effondrement des marchés locaux. Il
faut cependant se rappeler que la croissance chinoise avait remarquablement résisté à la baisse des actions, qui avait atteint 47% entre 2015 et début 2016.

Paix fragile en Europe

A quelques jours d’intervalle, Angela Merkel a réussi le tour de force de satisfaire à la fois l’Italie, qui refuse le retour des réfugiés sur son sol (tel que l’accord de Dublin le prévoit) et la CSU, qui menaçait de rompre son alliance historique avec la CDU, si des mesures n’étaient pas prises rapidement pour les bloquer aux frontières de l’Allemagne. Des accords bilatéraux seront donc passés avec les pays d’entrée et avec l’Autriche et les réfugiés internés à la frontière allemande.

La fragilité de cet accord est évidente:

  • la confrontation marque une dégradation d’un partenariat central pour la politique allemande,
  • l’Autriche pourrait réagir en fermant sa frontière avec l’Italie, ce qui entrainerait à coup sûr une nouvelle réaction italienne,
  • les centres de traitement doivent encore être construits et les procédures juridiques définies.

Sur le plan financier également, les tensions en Europe devraient rester fortes, notamment lorsque le nouveau budget italien sera annoncé à la rentrée, qui devrait, on l’imagine, comporter au moins quelques éléments du programme économique de la coalition populiste. La division Nord/Sud devrait s’affirmer à nouveau sur ce sujet et l’on peut craindre que l’Italie fasse monter la tension, utilisant la capacité de pression que lui confère la taille de son économie.

Dans ce contexte, l’hostilité affichée de Donald Trump pourrait, paradoxalement, agir comme un élément de cohésion, en fournissant un ennemi commun à l’UE. On a vu, avec la négociation sur le Brexit, que l’union reste assez bien soudée sur les questions commerciales, malgré la divergence entre les intérêts individuels des différents membres.