La Fed n’a pas modifié sa politique monétaire cette semaine (nul n’en demandait tant) mais tous les voyants sont allumés pour signaler qu’un assouplissement est quasi-certain à la réunion de fin juillet. En rendant les conditions monétaires un peu plus souples, la Fed s’adapte à la faiblesse de l’inflation. Voilà pour l’alibi officiel. Mais le but évident est surtout de "compenser" la montée de l’incertitude commerciale et d’atténuer l’anxiété des marchés. Jerome Powell a réussi son coup cette fois-ci, mais comment réussir dans la durée si la politique tarifaire de l’administration Trump reste aussi déstabilisante?

Par Bruno Cavalier, Chef Economiste et Fabien Bossy, Economiste

 

Tout indique que la Fed est prête à assouplir sa politique monétaire dès la réunion de fin juillet, avec une baisse de taux (25 ou 50bp est le point qui reste à débattre) et sans doute aussi avec un arrêt précoce du dégonflement du bilan.

US : le « dot plot » de la Fed, mars vs juin 2019

Le communiqué du FOMC ne décrit plus la Fed comme « patiente », ce qui revenait à dire qu’aucun changement n’était jugé propice à horizon visible. A la place, il est dit qu’elle surveille de près les risques et se tient prête à agir. Dans le jargon des banquiers centraux, on ne saurait être plus clair pour signaler une baisse de taux.

Le « dot plot » indique un net décalage vers le bas des projections de taux en trois mois (graphe). Le FOMC compte 17 membres, dont 10 ont un droit de vote. Il n’est pas possible de dire avec certitude si les partisans d’une baisse des taux (8 à ce jour) sont majoritaires dans ce sous-groupe, mais cela paraît probable.

Les propos de Jerome Powell montrent qu’il est favorable à titre personnel à ajuster la politique monétaire en réponse aux risques baissiers. Début mai, il disait le contraire. Entretemps, les tensions commerciales ont repris, pesant sur le sentiment du secteur industriel aux États-Unis et ailleurs. Le président de la Fed a aussi relevé la faiblesse de la croissance dans le reste du monde.

US : anticipation de baisse des taux par le marché

Les projections d’inflation ont été revues vers le bas sur 2019 et 2020. L’écart à la cible est certes modeste, d’un à deux dixièmes, mais la Fed entend démontrer qu’elle prend au sérieux la symétrie de cette cible. Elle vise 2% non pas en haut de cycle mais en moyenne sur le cycle. La faiblesse de l’inflation est un bon alibi pour justifier un assouplissement. Soulignons que dans le même temps le FOMC revoie à la hausse sa prévision de croissance et à la baisse sa prévision de chômage.

Le problème qui va rapidement se reposer est celui de l’écart entre les intentions de la Fed – un assouplissement modéré – et les attentes des marchés de taux, qui se sont encore amplifiées après la réunion du FOMC (graphe).

US-Europe

Est-ce l’ouverture d’un nouveau front? Le 18 juin, Donald Trump a mal réagi au discours de Mario Draghi signalant un possible assouplissement de la politique monétaire de la BCE. Il y voit en effet une manière de peser sur l’euro, ce qui est très injuste pour les Etats-Unis. Au comble de la mauvaise humeur, le président US s’est même agacé de ce que l’indice DAX rebondisse si fortement! Ces propos sont moins anodins (ou ridicules) qu’il n’y paraît car on a pu noter dernièrement que l’administration US penchait pour une approche extensive de la notion de « manipulations monétaires ». Un pays qui n’agirait pas activement contre les forces de marché poussant sa devise à la baisse pourrait se trouver dans le radar du Département du Trésor.

A suivre cette semaine

Le rapport sur les revenus et dépenses des ménages (28 juin) devrait permettre d’affiner la prévision de croissance au T2. Vu le rapport sur les ventes au détail, les dépenses de consommation devraient être robustes (+0.4% m/m). Le déflateur qui est l’indice de référence pour la Fed est attendu en progression de 0.2% m/m, soit un gain annuel de seulement 1.6%.

Concernant la politique économique, l’événement marquant est le sommet annuel des chefs d’État et de gouvernement du G20, les 28 et 29 juin au G20 , et plus spécialement la rencontre qui doit avoir lieu entre les présidents Trump et Xi.

 

Sources : Thomson Reuters, Bloomberg, ODDO BHF Securities