En près de dix ans d’expansion, l’inflation US a été en moyenne de 1.5% par an sur l’indice de référence PCE, vs une cible à 2%. En haut de cycle, on s’attendrait à être au-dessus, pour compenser la sous-performance durant les récessions. Or ce n’est pas le cas. La faiblesse chronique de l’inflation inquiète de plus en plus la banque centrale. Le virage monétaire opéré ces derniers mois par la Fed avait une cause immédiate dans la forte correction des marchés à la fin 2018. Mais sa justification, au plan fondamental, tient à l’insuffisance de l’inflation. La Fed veut désormais restaurer la symétrie par rapport à sa cible de 2%.

Par Bruno Cavalier, Chef Economiste et Fabien Bossy, Economiste

 

La Fed est censée ajuster sa politique monétaire pour promouvoir le plein-emploi et la stabilité des prix (ce qui, en pratique, est une inflation tendancielle de 2%). Il n’y a pas de hiérarchie fixe entre ces deux objectifs. Après la crise, le recul du chômage était, il va sans dire, l’objectif premier. Maintenant que le plein-emploi est à peu près restauré, l’attention de la Fed est davantage tournée vers l’inflation.

US : inflation CPI (avec prévisions 2019)

MM. Powell et Clarida ont plusieurs fois insisté sur le fait que la cible de 2% devait être symétrique. Ce n’est pas le cas. Depuis dix ans, l’inflation annuelle a été de 1.5% environ sur l’indice PCE et de 1.7% sur le CPI. Au S2 2018, l’inflation a fortement reculé en lien avec les prix du pétrole. Les nouvelles tensions sur le marché pétrolier ont provoqué un rebond en mars et, si l’on extrapole les prix actuels, on aurait une inflation au voisinage de 2% jusqu’à l’automne prochain, puis un saut vers 2.5% en fin d’année (graphe).

Hors pétrole, l’inflation américaine ne montre toutefois pas de signe d’accélération. En mars, l’indice CPI-core s’est même un peu modéré, à +2% sur un an (l’indice PCE, qui est la référence de la Fed, est un peu inférieur). Du côté du prix des biens, la tendance est devenue haussière l’an dernier, sortant d’une zone de déflation pour la première fois depuis 2013. Mais ces prix sont largement affectés par des tendances mondiales.

US : impact de l’inflation chinoise sur le prix des biens US

En particulier, ils reproduisent avec un certain décalage les mouvements des prix en Chine, source d’une bonne part de la production. Au vu des évolutions constatées en Chine l’an dernier, les prix des biens (hors énergie) devraient se stabiliser en 2019 aux États-Unis (graphe). Du côté du prix des services, l’accélération des salaires présente un risque haussier à surveiller, mais ce risque tarde à se matérialiser. Au demeurant, une hausse des salaires peut tout aussi bien se traduire en une hausse de la productivité ou une baisse des marges.

Au total, les perspectives d’inflation des prochains mois ne devraient pas rassurer la Fed. La banque centrale est de moins en moins disposée à accepter la sous-performance de l’inflation par rapport à sa cible. La barre pour reprendre les hausses de taux est donc très élevée, et elle est sans doute infranchissable cette année.

Les minutes de la réunion du FOMC du 20 mars n’ont rien révélé de surprenant. Elles montrent un comité prudent compte tenu des données mitigées au début du T1 mais qui ne remet pas en cause la poursuite de l’expansion. La position actuelle de la Fed, c’est de ne donner aucune forward guidance sur les taux, et de se laisser la possibilité de les monter ou baisser en fonction des données futures.

 

A suivre cette semaine

Cette semaine seront publiées plusieurs données « dures » pour mars (production industrielle de mars le 16, ventes au détail le 19, mises en chantiers le 19). De quoi affiner le nowcast de la croissance du PIB réel au T1. La dernière estimation de la Fed d’Atlanta, au 8 avril, est de 2.3% t/t en rythme annualisé. Sortiront aussi les premières enquêtes de confiance pour avril (indice de la Fed de New York le 15, indices Philly Fed et PMI le 18).

 

Sources : Thomson Reuters, Oddo BHF Securities