Après un mois de re-confinement, l’économie française a rechuté. C’était attendu. Par comparaison avec le choc du printemps dernier, les perturbations induites touchent directement beaucoup moins de secteurs. Par suite, la baisse d’activité est bien moins forte (un tiers environ). Elle s’annonce aussi plus courte puisqu’il est prévu de lever toutes les mesures de restriction d’ici la mi-janvier. Toutefois, la durée de cette crise sanitaire et le régime de semi-liberté où est placé la population provoquent une fatigue générale. L’espoir d’un vaccin paraît à ce jour trop éloigné et trop incertain pour apaiser la déprime des ménages.

Par Bruno Cavalier, Chef Economiste

 

Pour la troisième année de suite, les ménages français abordent la période des fêtes en subissant de grands désagréments dans leur vie quotidienne, notamment en ce qui concerne leurs dépenses de consommation. En 2018, il y avait eu les manifestations à répétition des « gilets jaunes ». Puis, en 2019, la longue grève dans les transports publics en protestation contre le projet de réforme des retraites. Et en 2020, il y a un nouveau confinement, moins de six mois après la fin du premier. L’enquête de confiance des ménages de novembre, parue jeudi matin, prend la mesure de la morosité ambiante. Qu’il s’agisse de leur situation financière, de leur niveau de vie, de leurs intentions de dépenses, tous les indicateurs se dégradent. Les anticipations de chômage continuent de monter, et ne sont plus très loin du niveau record atteint en 2009. Au total, le moral des ménages est même plus bas qu’au printemps dernier.

France : demandes d’indemnisation en chômage partiel

Ce résultat peut étonner. Dans la crise du coronavirus, l’emploi (le revenu du travail) a été largement protégé grâce au système de chômage partiel. Ce n’était pas le cas dans la Grande Récession il y a douze ans. En avril 2020, ce système était calibré pour couvrir plus de 12 millions de personnes et, dans les faits, il a concerné 8.5 millions d’employés. En novembre, les demandes d’indemnisation sont en baisse de 48% par rapport à avril (tableau). Le choc sur le marché du travail est plus amorti qu’il y a quelques mois; il est aussi plus concentré sur les activités de la restauration, du tourisme et de l’événementiel. Par ailleurs, selon les enquêtes auprès des chefs d’entreprises, les intentions d’embauche se sont vivement redressées depuis le creux historique du printemps.

France : enquête sur les conditions d’emploi

Cela laisse à penser que les cicatrices de cette crise seront moins profondes qu’on aurait pu le craindre vu son ampleur (graphe). Le revenu des ménages, bien plus que leur moral, détermine leur consommation. Si certaines dépenses en services restent contraintes, les dépenses en biens avaient dès septembre retrouvé leur niveau pré-virus. Il nous semble donc prématuré de conclure à un retranchement durable du consommateur français mais, à court terme, les ménages risquent de rester assis sur leur matelas d’épargne.

L’actualité économique de la quinzaine écoulée

France : niveau d’activité par secteurs

La situation économique reste totalement dépendante des mesures limitant la liberté de circulation et d’activité dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire qui est en place jusqu’au 16 février 2021. Le 28 octobre, Emmanuel Macron avait annoncé la mise en place d’un nouveau confinement national, moins strict que celui du printemps dernier. Nous estimions alors que la perte d’activité serait environ trois fois moindre qu’en avril et que cela aboutirait à une contraction du PIB réel de 4.5% t/t au T4. Depuis lors, la Banque de France et l’INSEE ont fourni des estimations similaires, donnant des détails sur les écarts sectoriels. A la différence du printemps, la construction et l’industrie ne subissent cette fois-ci que des perturbations minimes de leur activité (graphe).

France : comparaison des deux confinements

Au total, pour plus de 90% des secteurs de l’économie, il est possible de limiter les interactions sociales (télétravail) ou de les réguler (protocoles sanitaires) si bien que le niveau d’activité n’aurait chuté en novembre qu’à 12% au-dessous du niveau normal pré-pandémie, vs -29% en avril. Pour les autres secteurs bridés administrativement, la chute d’activité est considérable, quoique toute de même un peu moins forte qu’en avril (graphe).

Le climat des affaires se ressent des nouvelles restrictions. En novembre, l’indice de l’INSEE qui couvre tous les secteurs a reculé de 11pts à 79. Il avait baissé de 40pts à 54 en avril. L’indice PMI-services a chuté de 8.5pts à 38. Ce repli, quoique très fort, fait presque pâle figure en comparaison du choc du printemps. On mesure bien le haut degré de sévérité du confinement en France par rapport aux autres pays en notant que l’indice PMI-services allemand n’a reculé que de 3.3pts à 46.2.

Les prochains rendez-vous

Le 24 novembre, dans une autre allocution TV, le président français a jugé que le pic de la deuxième vague était passé mais qu’il fallait conserver de nombreuses restrictions pour prolonger son reflux. Le plan de déconfinement est prévu en trois étapes, sous réserve que les taux d’infection et d’occupation des services d’urgence continuent de baisser. Dans la première, à compter du 28 novembre, les commerces dits « non-essentiels » rouvriront avec des jauges de fréquentation strictes; il sera possible de se déplacer dans un rayon de 20km pendant 3 heures, vs 1 km pendant 1 heure auparavant; certaines activités sportives de plein-air et la pratique des cultes pourront reprendre.

Dans la seconde étape, à partir du 15 décembre, le confinement sera levé et remplacé par un couvre-feu de 21h à 7h, sauf pour les nuits de Noël et du Nouvel An. Les déplacements seront alors libres sur tout le territoire. Théâtres, cinémas et musées pourront rouvrir.

Dans la troisième étape, à partir du 20 janvier, les dernières restrictions seront levées, permettant l’ouverture des bars, restaurants et salles de sport et la reprise des cours universitaires en présentiel. Pour les entreprises qui sont fermées à cause de mesures administratives – environ 200.000 – le fonds de solidarité a été étendu, de même que les prêts garantis par l’Etat.

Le confinement est supposé permettre d’endiguer l’épidémie de manière transitoire, mais la réponse ultime viendra de la vaccination d’une large partie de la population. Selon un sondage Ipsos dans 27 pays, l’opinion publique en France est plus réticente à l’idée de se faire vacciner contre la Covid-19 que dans les autres pays. La France est dans le bas du classement avec 59% d’opinion positive au sujet de ce type de vaccin (moyenne mondiale: 74%, US: 67%). La vaccination ne sera pas obligatoire mais sans doute fortement encouragée.

 

Sources : Dares, INSEE, Oddo BHF Securities