En 2017 et 2018, la normalisation monétaire de la Fed a pesé sur le revenu des ménages en augmentant la charge d’intérêt sur les cartes de crédit et les prêts-auto. Si la Fed avait continué de relever ses taux, le phénomène se serait amplifié en 2019 et 2020, du fait de la répercussion sur le coût des crédits hypothécaires. La Fed ayant fait un virage à 180°, cela devrait faire économiser environ 0.1pt de PIB à la charge d’intérêt des ménages. A l’échelon macro, c’est faible. Mais cela profitera aux ménages les plus endettés et devrait assurer que le taux de défaut devrait rester assez bas comme il l’est actuellement.

Par Bruno Cavalier, Chef Economiste et Fabien Bossy, Economiste

 

US : taux d’intérêt sur cartes de crédit et prêts auto

Comme il est logique, la phase de normalisation des taux directeurs de la Fed à partir de la fin 2015 a entrainé un rebond marqué des taux du crédit à la consommation. Le mouvement a été le plus fort sur les taux des cartes de crédit qui est passé de moins de 12% en 2014 à presque 15% récemment. Les taux sur les prêts-auto se sont aussi redressés de 4% à plus de 5% (graphe). En volume, ces deux segments ont un poids bien inférieur dans la dette totale des ménages que le crédit immobilier. Les montants en jeu sont d’environ 1tr$ pour le crédit revolving et de même pour le crédit auto, contre 10 tr$ pour le crédit immobilier.

Toutefois, ces prêts à la consommation supportent des taux plus élevés et ont une maturité plus courte, si bien qu’ils réagissent rapidement à un resserrement de la politique monétaire. La charge d’intérêt sur ces prêts représente actuellement environ la moitié de celle sur le crédit immobilier.

En 2017 et 2018, les cartes de crédit et les prêts-auto ont contribué à l’essentiel de la hausse des charges d’intérêt des ménages américains. Fin 2018, les projections de taux suggéraient qu’allait en plus s’ajouter l’effet (décalé dans le temps) d’une remontée de la charge sur prêts hypothécaires. A son maximum, la hausse annuelle du service d’intérêt aurait atteint 0.3pt de PIB.

US : charge d’intérêt payée par les ménages

Le virage monétaire de la Fed change la donne. Les taux d’emprunt immobilier se sont repliés et les autres taux devraient au moins interrompre leur hausse au voisinage de leur niveau actuel. Dans ce cas, la hausse de la charge d’intérêt totale ne devrait pas s’amplifier (graphe). Cela représentera un gain pour les ménages de 0.09 pts de PIB en 2019, montant à 0.15 pts en 2020. Au niveau macro, cela semble assez faible, mais pour les ménages dans les situations les plus tendues, cela permettra de modérer le risque de défaut.

Selon la dernière enquête trimestrielle de la Fed de New York récemment parue, la situation actuelle n’est pas alarmante, même si l’on note une hausse des défauts sur les prêtsauto. La position attentiste de la Fed vient limiter le risque qu’on assiste à un emballement des taux de défaut, du moins tant que les conditions du marché du travail resteront solides.

Politique monétaire, budgétaire et commerciale

Maintenant que le président de la Fed tient un point de presse après chaque réunion du FOMC, les minutes perdent de leur pouvoir d’information. Celles du 1er mai ne font que confirmer ce qu’on savait déjà, à savoir que la Fed semble tout à fait à l’aise dans sa position actuelle d’attentisme (« patience »). Elles précisent que cette patience vaut «for some time» (on se gardera d’essayer de quantifier cela). Jerome Powell avait alors décrit la faiblesse de l’inflation au T1 comme étant due à des facteurs transitoires touchant certains prix. Il avait notamment cité les services financiers, les vêtements, les billets d’avion.

Deux autres discours récents méritent qu’on s’y arrête. Le 16 mai, Lael Brainard, membre du Board, examinait le lien entre inflation et chômage dans le régime de « new normal ». Elle en tirait deux implications. D’une part, si l’inflation reste faible même en haut de cycle, la Fed a moins de raison de resserrer sa politique monétaire que d’ordinaire. Les taux sont donc plus bas, ce qui peut encourager des comportements financiers plus risqués. Dans ces conditions, ce ne serait pas aux taux directeurs mais plutôt à des outils réglementaires que reviendrait la tâche de restreindre le cycle financier. Elle cite les coussins en capital contracycliques. D’autre part, elle considère que si l’inflation en venait à dépasser la cible de 2% pendant un certain temps, cela aiderait à ancrer les anticipations d’inflation. En somme, la Fed ne se sentirait pas obligée de durcir les taux en cas de rebond de l’inflation. C’est ce que Mme Brainard désigne comme une « reflation opportuniste ».

A suivre cette semaine

La 2ème estimation de la croissance du PIB réel (30 mai) est attendue à +3.1 t/t en rythme annualisé. Au stade actuel, les « nowcasts » de croissance du T2 se situent entre 1.2% (Fed d’Atlanta) et 1.8% (Fed de New York).

Le rapport sur les dépenses et revenus des ménages (31 mai) devrait confirmer, comme suggéré par les ventes au détail, que la croissance de la consommation s’est affaiblie en avril (+0.2% après +0.9% L’acquis à l’entrée du T2 devrait rester nettement positif. L’inflation PCE est attendue stable à 1.5%.

Ces derniers mois, la hausse des prix des maisons a ralenti. Selon les indices Case-Shiller des 20 grandes métropoles, on est passé de 6.7% en moyenne en mars 2018 à 3% en février 2019. Les données de mars sont attendues le 28.

 

Sources : Thomson Reuters,Fed, Oddo BHF Securities