Les titres liés à l'uranium ont connu un net regain d’intérêt de la part des investisseurs ces dernières semaines. L’élection de Joe Biden, une situation de sous-approvisionnement de la matière première et le fait que l’uranium soit considéré comme une énergie alternative semblent redonner un nouveau souffle à cette niche.

Par Charles-Henry Monchau, CFA, CMT, CAIA – CIO de FlowBank

 

Thèse d’investissement

Comme mentionné dans des articles précédents, le cycle des matières premières semble avoir atteint un point bas du fait d’une situation offre-demande à nouveau favorable. Cette dynamique pourrait également s’appliquer à l’uranium.

Les contrats à terme sur l’uranium et les actions liées à cette matière première sont en net retard par rapport au fort rebond constaté sur la plupart des marchés «commodities» ces derniers mois. Alors que les actions aurifères ont fortement rebondi entre mars et juin, ce sont les titres liés aux métaux industriels qui ont surperformé depuis cet été. Mais depuis quelques semaines, c’est au tour des producteurs d’uranium tels que Cameco, Uranium Energy et Energy Fuels de connaitre un net regain de forme. L’ETF Global X Uranium (URA)–cf. graphique ci-dessous–a fortement rebondi, cassant la tendance baissière qui était de mise depuis 2017. Son cours se traite désormais au-dessus de la moyenne mobile à 200 jours. A noter que malgré ce rebond de plus de 80% depuis les plus bas du mois de mars, cet ETF est en train d’émerger d’un marché baissier qui a commencé en 2011, date de l’accident nucléaire de Fukushima au Japon. Il s’échange à un prix qui est toujours 90% plus bas que les plus hauts de 2011 ($13.29 vs $125).

Graphique du Global Uranium ETF (URA)

Une des raisons derrière cette hausse est très certainement l’adoption par les Etats-Unis d’une nouvelle version de la loi annuelle d’autorisation de la défense nationale. Cette loi classifie certains minéraux rares comme étant essentiels à la sécurité nationale–et l’uranium fait désormais parti de cette liste. Cela signifie que le gouvernement américain pourrait commencer à stocker de l’uranium et donc influencer positivement la demande.

Mais d’autres éléments pourraient contribuer à un regain d’intérêt pour la thématique de l’uranium.

L’uranium: un investissement responsable?

L’uranium est l’un des principaux matériaux utilisés dans l’énergie nucléaire, une industrie qui devrait se développer à mesure que les économies, y compris celle des États-Unis sous Joe Biden, tentent de passer à la neutralité carbone.

Les flux vers les investissements labélisés «ESG» ou socialement et écologiquement responsables ont connu une forte progression ces dernières années. Comme le montre le graphique ci-dessous, on observe même une très forte accélération de flux rentrants en 2020, notamment sur le segment des ETF (exchange traded funds) et ETP (exchange traded products). Lors du 1er semestre, c’est plus de $30 milliards de dollars qui ont été investis sur ce thème, portant le montant des actifs sous gestion à près de $90 milliards.

Croissance des actifs sous gestion et nombre d’instruments ETF et ETP labélisés à fin juin 2020
Source : ETFGI

Cependant, ces instruments sont la plupart du temps investis dans les mêmes titres et deviennent de plus en plus concentrés sur des grandes capitalisations boursières telles que Microsoft, Alphabet ou Tesla.

Une diversification vers d’autres thèmes serait vu d’un bon œil par la plupart des investisseurs «responsables». Même si cela peut paraître au premier abord contre intuitif, l’uranium peut en effet être considéré comme tel.

En effet, alors que le président Trump était un ardent défenseur du «charbon propre», les Etats-Unis pourraient tout à fait basculer dans l’ère du nucléaire lors du mandat de Joe Biden. Le «Green New Deal» de Biden prévoit en effet 2’000 milliards de dollars de dépenses d’infrastructure qui incluent notamment le développement et déploiement de réacteurs nucléaires. Des innovations technologiques devraient permettre un déploiement plus rapide et moins onéreux que dans le passé.

L’administration Biden a fait de l’énergie propre l’une de ses priorités. La signature de l’accord de Paris sur le climat implique une réduction du nombre de centrales au charbon en faveur d’une énergie nucléaire «sans carbone».

D’autre part, la commission de l’environnement et des travaux publics du Sénat américain vient d’approuver la loi sur l’infrastructure nucléaire américaine, qui vise à stimuler cette industrie, à établir une réserve stratégique d’uranium, à soutenir l’amélioration du cycle du combustible nucléaire et à encourager les exportations de réacteurs américains dans le monde entier.

Alors que de nombreux investissements sont consacrés aux parcs éoliens et aux panneaux solaires–dont l’efficacité s’est considérablement améliorée au cours de la dernière décennie–les données scientifiques montrent que les énergies renouvelables intermittentes ne sont pas en mesure de fournir les besoins continus en électricité dont l’industrie a besoin, ni même d’assurer la transition vers les véhicules électriques.

Comme récemment mentionné par un analyste chez British Energy: «Dans les prochaines décennies, les besoins d’énergie à faible empreinte carbone atteindront des niveaux inimaginables, car il s’agira de couvrir les immenses besoins des voitures électriques mais aussi d’être en mesure de remplacer le charbon et le gaz naturel. Le nucléaire est la seule énergie alternative à offrir des garanties en termes de niveau de production et de fiabilité».

En résumé, les futurs besoins en énergie alternative, une administration Biden qui a besoin du nucléaire pour atteindre son objectif de neutralité carbone et les flux d’investissements ESG sont tous susceptibles d’attirer les investisseurs sur le secteur.

Autre élément d’importance: la pénurie d’offre, au plus bas depuis Fukushima. En effet, de nombreuses mines d’uranium ont fermé du fait de la baisse des cours lors de la dernière décennie–une tendance qui a été exacerbée par la pandémie mondiale. Le marché de l’uranium est de ce fait sous-approvisionné ce qui implique une hausse des cours lorsque la demande se met à réaccélérer. Les producteurs, quant à eux, gardent une partie de l’offre globale afin de faire monter les prix.

Risques

Cette industrie reste une niche et la grande majorité des entreprises cotées sont ce qu’on appelle des micro-capitalisations, c’est-à-dire une capitalisation boursière inférieure au milliard de dollars. La volatilité de ces titres est relativement élevée avec des variations journalières importantes.

Comment investir dans cette thématique?

Les investisseurs désireux de se positionner sur les titres d’uranium peuvent considérer Cameco (CCJ), qui est l’une des compagnies les plus liquides avec une capitalisation boursière proche de 5 milliards de dollar. La société canadienne produit plus de 16% de l’uranium mondial et détient près de 200,000 tonnes de réserves. Cameco possède un bilan très solide et bénéficie de faibles coûts de production.

Il est parfois dangereux de «jouer» une idée d’investissement à travers un seul titre vif du fait du risque spécifique. Les trackers Global Uranium ETF (URA) et North Shore Uranium Mining ETF (URNM) permettent une exposition plus diversifiée à cette thématique.

NB : Il ne s’agit pas d’une recommandation d’investissement

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