Rendre la politique économique plus efficace en coordonnant ses différents aspects est un objectif louable mais ardu, même avec la meilleure bonne volonté.

Par Bruno Cavalier, Chef Economiste et Fabien Bossy, Economiste

 

Cette volonté fait défaut à l’administration Trump. Le déficit fédéral a été creusé en 2018 alors que:

a) l’économie n’en avait pas besoin (elle est proche du plein-emploi);
b) cela contredit une politique commerciale visant à réduire le déficit des échanges;
c) cela bouscule la Fed dans sa normalisation des conditions monétaires;
d) cela complique les arbitrages budgétaires (shutdown en cours).

Et ne disons rien de la communication incohérente et parfois toxique…

Le focus de la semaine

Depuis le 22 décembre 2018, le gouvernement fédéral est fermé. On en est aujourd’hui au 17ème jour de shutdown. En 2013, cela avait duré 16 jours. Il y a cependant deux différences avec ce cas-là. Primo, le shutdown a commencé durant les fêtes quand l’activité est déjà réduite, ce qui peut en réduire l’impact initial. Secundo, le shutdown en cours n’est que partiel. Il ne concerne pas les départements de la défense, du travail, de la santé et de l’éducation. En réalité, moins d’un tiers du gouvernement fédéral est concerné. Les dépenses qui ne sont pas faites représentent au plus 7Md$ par semaine, soit 0.03pts de PIB. C’est négligeable si le problème ne s’éternise pas, mais cela peut créer de la volatilité dans les données à un moment où l’on a surtout besoin de clarté.

Déficit public fédéral

La cause immédiate de la dispute est le financement du «mur» avec le Mexique. Ce sujet est risible mais c’est un tel symbole pour Donald Trump et ses adversaires qu’il est difficile de trouver un compromis. C’est aussi un avant-goût d’autres batailles budgétaires. En mars sera ré-institué le plafond de dette, créant un risque de ne plus pouvoir émettre de dette durant l’été. En octobre, débutera une nouvelle année fiscale, la dernière avant les élections de 2020. En somme, il y a de quoi générer de l’incertitude et causer de manière involontaire un resserrement fiscal.

Ces débats budgétaires illustrent plus largement l’incohérence du policy-mix. Le plan de baisse d’impôt voté fin 2017 répondait à des objectifs politiques de court terme et ignorait les conséquences à plus long terme. Le creusement du déficit budgétaire fédéral (graphe de droite) contredit une politique commerciale visant officiellement à réduire le déficit des échanges avec le reste du monde. Tout aussi incohérente est la combinaison d’un stimulus fiscal et d’une politique de resserrement des conditions monétaires. Quant aux attaques ad hominem contre le président de la Fed, elles n’ont qu’un effet, causer plus d’anxiété dans l’esprit des investisseurs. En somme, Donald Trump et ses ministres ne donnent pas l’image de l’équipe la plus compétente, la plus stable, et la plus soudée qui soit. Dans un environnement qui s’annonce plus difficile cette année, cela accroît le risque d’erreur de politique économique.

Economie

La plupart des indices de sentiment tirés des enquêtes des Fed régionales ont baissé, parfois fortement, en décembre, dans le secteur manufacturier et dans les services. L’ISM-manufacturier a chuté de 5.2pts, à 54.1 contre 59.3 en novembre.

Inscriptions au chômage durant les shutdowns

Parmi les rares statistiques publiées durant la période des fêtes, on retiendra trois choses. Les promesses de ventes de maisons ont continué de s’affaiblir pour ressortir en baisse de 7.7% sur un an en novembre, au plus bas depuis cinq ans. Les inscriptions au chômage restent encore faibles malgré l’effet du shutdown (231.000 au 29 décembre). Les ventes dans les magasins ont très nettement accéléré ces dernières semaines, dans un contexte marqué par des températures clémentes et d’importants rabais. L’indice hebdomadaire Redbook est en hausse de 9.3% sur un an à la fin 2018, contre +5% à la fin 2017.

Politique monétaire et budgétaire

Depuis juillet dernier, date de sa première critique publique contre les hausses de taux de la Fed, Donald Trump s’est montré de plus en plus mécontent de la Fed et de son président (qu’il a lui-même choisi). Selon divers articles de presse, il aurait même songé à limoger Jerome Powell. Il y a semble-t-il un flou juridique sur sa capacité à mettre un terme au mandat du président de la Fed. Toujours est-il que Steven Mnuchin a cru bon de faire une mise au point, le 23 décembre, affirmant que ce n’était pas dans les intentions, ni dans le pouvoir, de Donald Trump de mettre ainsi au pas la banque centrale. C’est typiquement le genre d’affirmations qu’on ne devrait même pas avoir à faire.

Décidément en verve, le secrétaire au Trésor publiait le même jour un autre communiqué affirmant qu’après avoir discuté avec les CEO des six principales banques il pouvait affirmer qu’il n’y avait pas de crainte à avoir concernant leur situation de liquidité et leur capacité de prêter à l’économie. Comme personne n’avait songé qu’il pût y avoir de tels problèmes, cela a provoqué une belle chute des marchés. La plupart des indices boursiers sont entrés en situation de bear market (recul d’au moins 20% depuis leur pic) juste avant Noël.

Cependant, les discussions sur le commerce se poursuivent. Les président US et chinois se sont longuement entretenus par téléphone le 29 décembre. De grands progrès sont en cours, selon Donald Trump. S’il le dit…

A suivre cette semaine

La principale statistique est le rapport sur le CPI (vendredi 11) en décembre. Avec le retournement soudain des prix du pétrole depuis début octobre, l’inflation énergétique est en fort recul. Ainsi, les prix de l’essence sont actuellement près de 12% au-dessous de leur niveau d’il y a un an. Cela a une incidence directe et rapide sur l’inflation totale. En décembre, l’indice CPI devrait baisser (-0.1% m/m), causant un reflux de l’inflation de 2.2% à 1.9% sur un an. La base de comparaison sera encore plus favorable en janvier et l’inflation pourrait alors tomber à 1.4%.

Les marchés avaient mal réagi après la réunion du FOMC du 19 décembre 2018, jugeant que la Fed restait trop agressive en ce qui concerne la réduction de son bilan. Les minutes de cette réunion seront publiées le 9 janvier. Depuis lors, John Williams, président de la Fed de NY, a affirmé que la Fed était attentive à ce qui se passait sur les marchés. En moyenne, les membres du FOMC envisagent deux hausses de taux en 2019, vs 4 en 2018. Cela montre une plus grande prudence à l’approche de la zone de neutralité. Les anticipations des marchés de taux varient selon le type de contrat à terme, mais elles sont toutes en-deçà de ce scénario. Elles tablent plutôt sur un statu quo prolongé tout au long en 2019 et une première baisse de taux en 2020 (graphes ci-dessous)

Marché du travail

Consommateur

Climat des affaires

Conditions d’activité

Inflation et politique monétaire

Marchés financiers


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