Il faut éviter de tomber dans la facilité malsaine de jouer les oiseaux de mauvais augure. Cependant, pour affronter un fléau, il faut d’abord se montrer capable d’en reconnaître les œuvres! Pour lui livrer bataille, il faut savoir où il se cache. Pour lui porter des coups, il faut comprendre comment il agit; pour espérer pouvoir le terrasser, il faut savoir en deviner les déplacements; pour le mettre hors d’état de nuire, il faut en avoir découvert les bottes secrètes.

Publié par BNP Paribas Asset Management

 

Alexandre Jeanblanc, Investment Specialist, SRI

Une chaleur estivale exacerbée en raison du réchauffement climatique

Ce fléau, c’est le réchauffement climatique! La sécheresse qui, cet été, frappe la Suède, la Grèce, le Japon, la Californie, est là pour nous rappeler qu’il n’est pas une billevesée pour niais rétrogrades ou rêveurs nostalgiques du passé. Il est, aujourd’hui, bien établi dans la réalité de notre quotidien. Surtout pendant la période estivale!

La canicule fait des milliers de morts, sans que pour l’instant, cela n’inspire chez les politiques, des prises de décision audacieuses, courageuses et énergiques en faveur du climat. Des forêts entières disparaissent dans les feux, comme si cela rentrait dans le jeu normal de la fatalité. Le fléau peut frapper là où on ne l’attend pas – qui aurait pensé, il y a peu, que la Suède serait sur la liste rouge de ses victimes. Sournois, il peut, pendant quelque temps, se faire oublier, voire même amadouer et flatter – les températures douces de l’hiver ne fâcheront que les Esquimaux ou les amateurs de hockey-sur-glace ; mais, c’est pour mieux abuser les esprits engourdis qui croient qu’ils resteront indéfiniment épargnés.

Le rechauffement climatique c’est maintenant…

La vraie question qui hante les gérants de fonds environnementaux, comme BNP Paribas Asset Management, est de savoir quand le monde se mettra-t-il en ordre de bataille pour combattre le fléau comme il se doit, avec tous les moyens que réclame l’ampleur des dégâts qu’il cause et causera.

Qui en sera le général? Qui donnera le signal de la mise en marche? Qui acceptera d’admettre que les efforts entamés jusqu’à maintenant ne sont que des emplâtres de cache-misère? Quel sera l’événement qui fera dire «c’est assez, nous n’avons que trop tarder, passons à l’action»?

…et les seuils limites sont presque atteints

Quelles seront les circonstances qui feront comprendre que l’horizon temporel pour le fameux seuil de 2°C à ne pas dépasser, sorte de référence implicite acceptée de tous, n’est pas à 2100, mais à 2040 si rien ne bouge? Qui saura alors convaincre qu’il ne s’agit pas de stabiliser le niveau des émissions de gaz à effets de serre, mais qu’il s’agit de les faire décroître, très vite, uniformément et vigoureusement.

Qui, sur l’échiquier politique mondial, aura suffisamment de souffle et de courage pour expliquer les enjeux dramatiques de la menace qui nous guette? Non seulement expliquer, mais aussi prendre les mesures qui s’imposent pour que la lutte ne reste pas un vœu pieux? Qui fera admettre que la solution à cette équation réside partiellement dans la révision inéluctable des modes de vie, dans le consentement à la sobriété, dans l’adhésion aux principes de solidarité et de responsabilité.

Privilégier l’interêt commun

Qui saura emporter l’adhésion de la multitude pour que puissent être dépassés les égoïsmes particuliers de tout un chacun – par exemple, prendre l’avion est une incongruité, en limiter l’usage ferait partie des mesures bénéfiques à dicter. Faudra-t-il attendre que ceux qui en pâtissent ou en pâtiront, entre autres les agriculteurs, deviennent plus puissants que ceux qui en profitent, entre autres les industriels de l’exploitation et l’utilisation des énergies fossiles.

Qui fera accepter que le produit des impôts s’investisse massivement, et non pas à doses homéopathiques comme maintenant, dans le financement de la transition énergétique? Qui, dans les mairies ou préfectures, décidera, pour pallier demain d’éventuelles pénuries d’eau, d’engager les dépenses nécessaires à l’installation de systèmes complets de recyclage des eaux usées – comme cela se pratique en Israël? Les exemples récents de mesures de rationnement, prises ou sur le point d’être prises à Rome comme au Cap, viennent démontrer que cela ne relève plus de l’hypothétique ou de l’improbable.

L’alternative ? Un futur tragique

Qui imposera que le prix du carbone à payer aujourd’hui reflète vraiment le coût futur des impacts du réchauffement climatique? Qui poussera à un usage restreint de la voiture, au risque de créer, peut-être seulement temporairement, des perturbations embarrassantes et de s’aliéner les suffrages des utilisateurs? De façon concomitante, qui déploiera les moyens conséquents nécessaires à la mise en place d’un véritable réseau de transports publics, flexibles et rapides, qui puisse venir remplacer avantageusement l’utilisation de la voiture.

Ou alors, faut-il croire que l’humanité, confite dans ses certitudes, ses apanages et ses richesses, court à sa perte? Préfère-t-elle des lendemains tragiques à la remise en cause de sa puissance présente? Est-elle prête à sacrifier ses enfants sur l’autel du confort dont elle se délecte aujourd’hui?