La note macro de Nicolas Blanc, Responsable de l’Allocation chez Ellipsis AM.

Le discours de J. Powell cette semaine a implicitement entériné ce que le marché considérait déjà comme presque acquis, à savoir que le prochain mouvement de la banque centrale serait une baisse des taux. C’était le souhait explicite de D. Trump de voir la Fed revenir à une politique monétaire accommodante, afin de participer à «l’effort de guerre» commerciale, en exerçant une pression baissière sur le dollar et en améliorant la résistance de la conjoncture à l’effet récessif des droits de douane. Sur ce dernier point, il s’agit d’ailleurs plus d’éviter une chute de la confiance que de contrer des impacts directs, qui sont relativement limités. Incidemment, la Fed permet aussi au président d’aborder sa campagne électorale avec des actifs au plus haut et un chômage au plus bas.

Mais la politique n’est pas seule en jeu dans la volte-face de la Fed. Les forces déflationnistes sont à nouveau à l’oeuvre dans les économies développées, comme en témoigne la forte baisse des swaps d’inflation. Après un rebond début 2017, qui avait laissé croire à une normalisation monétaire, le swap à 5 ans dans 5 ans aux US a reflué à près de 1,5% aujourd’hui, nettement sous les objectifs de la Fed. Le ralentissement de la conjoncture et la baisse du pétrole au mois de mai y ont clairement contribué. Ni la baisse du chômage, qui a entraîné un timide rebond des salaires, ni celle des capacités excédentaires de production ne semblent en mesure de raviver les tensions inflationnistes.

En Europe, le risque déflationniste est encore plus marqué, avec un niveau de 1,3% pour le swap à départ différé, quasiment le plus bas historique de la série, alors que la capacité d’action de la BCE apparait limitée:

  • le nouveau programme de TLTRO est un simple report de l’existant;
  • baisser les taux courts pourrait compromettre la rentabilité bancaire et
  • lancer une nouvelle série de QE nécessiterait de revoir les contraintes encadrant les achats (limite par émetteur et clé de répartition entre pays), dans un contexte où le départ prochain de M. Draghi ne facilitera pas les décisions.

Italie: la Commission hausse le ton

Constatant que les progrès accomplis par l’Italie en vue de réduire son taux d’endettement étaient insuffisants (il devrait encore croitre cette année et la suivante pour atteindre 135%), la Commission a recommandé une procédure disciplinaire qui requiert, à plusieurs étapes, des décisions des états membres. Elle pourrait déboucher sur une sanction financière mais son effet le plus pénalisant serait une baisse de la confiance des marchés. Le spread entre la dette italienne et la dette allemande servant de référence s’est déjà écarté à 285bp à 10 ans, le double de son niveau d’avant la formation du gouvernement M5S et Lega.

Symbole frappant de la détérioration relative de la situation italienne, le 5 ans italien est passé, début juin, au-dessus du 5 ans grec. Après son triomphe électoral aux européennes, la Lega pourrait être tentée de provoquer des élections anticipées mais il est probable qu’elle maintienne la coalition pendant l’exercice budgétaire 2020, ce qui lui donnerait l’occasion de faire adopter certaines de ses promesses électorales.

L’expérience montre que les confrontations avec la Commission – et surtout avec les marchés – se concluent souvent par un retour vers l’orthodoxie budgétaire mais le chemin pour y parvenir est tortueux. Les appels du gouvernement pour changer les règles budgétaires de l’UE resteront sans doute lettre morte, tant le pays a perdu de sa crédibilité. La croissance italienne est quasiment nulle aujourd’hui et les déficits envisagés (cadeaux fiscaux, retraites anticipées, revenu universel) ne touchent à aucune des faiblesses structurelles du pays (faiblesse de l’investissement et de la productivité). La BCE, comme toujours, est la seule à même de ramener la confiance.