Au pire de la dernière crise financière, près d’un emprunt hypothécaire sur dix était en défaut. Cette crise était d’ailleurs largement due aux excès du secteur immobilier. Le choc du coronavirus cause un arrêt soudain de l’activité, c’est encore plus violent. De nombreux emprunteurs et locataires vont être dans l’incapacité de payer. Les défauts ou retards de paiement vont s’envoler, mais cette fois, cette hausse est "organisée" par les autorités et se veut transitoire. Le taux d’endettement hypothécaire et sa titrisation sont bien moindres qu’en 2006. Ce n’est donc pas la répétition de la crise des subprime.

Focus US par Bruno Cavalier, Chef Economiste et Fabien Bossy, Economiste

 

US : indice d’activité immobilière

Après un coup de froid en 2018 en réponse à la hausse des taux de la Fed, le marché immobilier s’était repris ces derniers mois (graphe). Le secteur profitait alors de la combinaison idéale d’une économie au plein-emploi et d’une politique monétaire pesant sur les taux hypothécaires. En quelques semaines, tout a changé. La politique de la Fed a encore été assouplie, mais le chômage s’envole et le confinement réduit massivement l’activité et les transactions.

Le choc est plus soudain que lors de la crise des subprime, mais les mesures de soutien pour éviter une vague de défaut permanent sont également inédites. Le programme CARES voté par le Congrès autorise les emprunteurs dont le prêt est garanti par le gouvernement (c’est une large majorité) à demander une période de grâce de 180 jours renouvelable. D’après la Mortgage Bankers Association, le taux de personnes ayant demandé de suspendre leurs paiements a bondi de 0.25% à 2.66% du 2 mars au 1er avril. Les difficultés financières concernent aussi les locataires. D’après la National Multifamily Housing Council, 69% des locataires ont payé leur loyer début avril, alors que la moyenne habituelle se site un peu au-dessus de 80%.

Au pire de la dernière crise financière, 8.9% des prêts immobiliers étaient en défaut. Il est possible qu’on atteigne de telles proportions, mais cette fois-ci, la suspension des remboursements s’inscrit dans des procédures spéciales adoptées afin de soulager les finances des ménages. De plus, le poids de la dette hypothécaire est inférieur de près d’un tiers au niveau de 2006 (tableau).

US : répartition de la dette

Enfin le risque systémique n’est pas comparable des subprime car la diffusion des crédits hypothécaires titrisés dans le système financier a chuté. Le montant total de dette immobilière dans des produits structurés est deux tiers inférieur au niveau de 2006. Avec un soutien approprié aux nouveaux acteurs du secteur, banques et non-banques, un cataclysme financier n’a donc rien d’inéluctable. Pour l’immobilier, comme pour le reste de l’économie, c’est la durée du confinement qui déterminera la facture ultime de cette crise.

A suivre cette semaine

Sont attendues les données « dures » du mois de mars (ventes au détail, production industrielle, mises en chantier et permis de construire). Rien de bon à espérer. Vu la chute des ventes de véhicules (-32% m/m) et celle des prix de l’essence (-20% m/M), les ventes au détail ne peuvent que se contracter fortement. Les mesures de confinement n’ayant commencé à être mises en place que dans la seconde moitié de mars, le point bas est donc devant nous.

Des informations prospectives pourront être tirées du Livre Beige de la Fed (le 15), des premières enquêtes manufacturières pour avril (NY Fed le 15, Philly Fed le 16) et de l’enquête NAHB auprès des constructeurs de maison (le 15). Dans les circonstances présentes, les données hebdomadaires ont une importance spéciale pour suivre au plus près le momentum du cycle. A suivre donc les inscriptions au chômage (le 16) et les données hebdomadaires de crédit bancaire (le 17).

 

Sources : Thomson Reuters, Bloomberg, Oddo BHF Securities