Avec le confinement d’une large partie de l’économie mondiale, la demande de pétrole est en chute libre. Les prix sont tombés plus bas que lors du contre-choc pétrolier de 2014-2015. Le secteur du shale avait alors survécu mais en était ressorti encore moins profitable et encore plus endetté. La crise actuelle pourrait lui être fatale. Le président Trump s’active pour que l’Arabie et la Russie coupent leur production afin de faire remonter les cours. A un degré moindre, d’autres secteurs endettés sont à risque. Le débat fait rage pour savoir s’il faut sauver tout le monde ou en profiter pour liquider les plus faibles.

Focus US par Bruno Cavalier, Chef Economiste et Fabien Bossy, Economiste

 

US : prix du pétrole et nombre de rigs

Avec la mise à l’arrêt d’une large partie de l’économie mondiale, la demande mondiale de pétrole a réagi sans délai. La production n’est pas aussi flexible. La conséquence est un effondrement des cours du brut, passant d’environ 50$/b en 2019 à près de 20$. A ce niveau de prix, l’installation de nouveaux puits (rigs) n’a plus aucun sens1 (graphe). Dans un secteur très endetté, un arrêt d’activité peut rapidement devenir mortifère. Certaines sociétés ont commencé à se placer sous la protection du chapitre 11 de la loi sur les faillites. Un soutien étatique paraît indispensable. Dans le cadre du plan CARES voté la semaine passée, l’Etat fédéral ne peut pas directement intervenir, mais le secteur est éligible au programme de prêts de la Fed, eux-mêmes garantis par le Trésor. L’idéal serait de combiner un large soutien financier et l’assainissement de toute la filière (multiplicité d’acteurs), mais dans l’urgence, c’est difficile à réaliser.

Même si secteur pétrolier ne pèse que 1.2% du PIB, sa situation a des répercussions macro-économiques non nulles, sans compter les implications au plan politique (lien traditionnel du GOP et des oilmen) et géopolitique (indépendance énergétique des États-Unis). En 2015-16, le choc frappant les producteurs de shale oil avait lourdement pesé sur le volume des investissements en équipement. Le secteur pétrolier représente aussi 4.5% de la dette des sociétés (tableau).

US : dette des entreprises par secteurs

Là encore, même si cette part peut sembler assez faible, il faut surtout voir que les difficultés du secteur pétrolier sont annonciatrices de problèmes de même nature dans de nombreux autres domaines (transports, centres commerciaux). C’est le fameux canari au fond de la mine, car cette fois-ci, le choc frappe toute l’économie sans discrimination. On comprend l’agitation récente de l’administration (Mnuchin, Trump) pour signaler que le secteur ne sera pas laissé sans assistance. Au-delà du besoin de sauvegarder un secteur jugé essentiel, il faut aussi montrer qu’on ne veut pas que le confinement temporaire ne déclenche un tsunami financier aux effets durables.

A suivre cette semaine

Les chiffres d’inflation de mars (le 10) vont se tasser du fait de la forte contribution négative venant de prix de l’énergie. Cela ne peut que conforter la Fed dans sa politique monétaire. Une fois encore, tous les regards se porteront sur le nombre d’inscriptions hebdomadaires au chômage pour la semaine terminant au 4 avril (le 9). Dans un contexte de confinement de plus en plus étendu, la tendance reste fortement haussière. Le record de 6.6M paraît tout de même difficile à battre.

 

Sources : S&P Global, Thomson Reuters, Bloomberg, Oddo BHF Securities


1. D’après la Energy Survey de la Fed de Dallas, il est rentable de continuer à produire à partir d’un puit existant avec un prix à 20/30$ mais creuser un nouveau puit n’est profitable qu’à partir de ~50$.