La note macro de Nicolas Blanc, Responsable de l’Allocation chez Ellipsis AM.

L’attention du marché devrait rester initialement focalisée sur le thème de la guerre commerciale. L’été a vu apparaitre quelques points de détente, qui rendent plausible la signature d’accords avant les élections de mi-mandat. Trump veille bien toutefois à rester intransigeant et imprévisible.

• Les US et le Mexique se sont rapprochés d’un accord bilatéral, ce qui constitue un pas positif vers la renégociation de l’ALENA et éloigne la menace d’un retrait pur et simple des Américains. Il reste cependant à inclure le Canada, avec lequel des questions épineuses se posent dans le domaine agricole et celui de l’arbitrage des conflits. Une date limite a été fixée à aujourd’hui pour la poursuite des négociations. Selon les informations disponibles, les barrières seraient renforcées dans le secteur automobile, via une augmentation des proportions locales à respecter (qui passent de 62% à 75%) et une règle imposant que 45% du contenu soit produit par des employés gagnant plus de 16$/h. Cette mesure aura probablement un faible impact sur les producteurs mexicains mais limitera l’accès des équipementiers chinois aux US via ce pays.

• Le 23 août, comme prévu, un lot de 16Mds d’importations chinoises s’est vu appliquer un droit de douane de 25%, ce qui a donné lieu à une réponse identique. La Chine a adopté une attitude plutôt conciliante et des premières réunions ont eu lieu, sans résultats probants. La procédure publique visant à définir les modalités des 200Mds de droits supplémentaires annoncés est en cours jusqu’au 6 septembre, avec une mise en application possible dans les deux mois. Le risque d’un dérapage de la situation vers une guerre commerciale intense reste donc élevé. Celle-ci serait cependant un échec pour les US, car, avec une faible élasticité prix des importations, le consommateur américain – dont les augmentations de revenu restent décevantes – se retrouverait pénalisé par la hausse des prix induite.

• Avec l’Europe, la hache de guerre a été partiellement enterrée, la procédure publique d’évaluation des droits de douane sur l’automobile ayant été reportée. Compte tenu des délais supplémentaires d’implémentation, cela laisse un répit assez long pour la négociation d’une voie de sortie.

Sur le plan conjoncturel, l’expansion mondiale se poursuit à un rythme élevé, mais avec une moindre synchronisation qu’en 2017. La croissance aux US a été nettement révisée à la hausse, le Japon est resté stable, tandis que les émergents et l’Europe ont déçu les attentes. Si l’on peut noter qu’à court terme les surprises économiques pour l’Europe sont récemment repassées en territoire positif et qu’elles sont désormais supérieures à celles concernant les US, il n’en reste pas moins que la croissance a nettement déçu au premier semestre, avec un rythme de l’ordre de 1,5%/an.

La dynamique est-elle cassée pour autant? Pas sûr si l’on considère:

  • qu’un ajustement était nécessaire après les chiffres très élevés de 2017;
  • que les données d’enquêtes (PMI, essentiellement) se sont stabilisée à des niveaux suggérant un rythme sous-jacent supérieur à 2,0% (il n’est d’ailleurs pas impossible que les données du S1 finissent par être révisées à la hausse);
  • que la zone présente un regain notable d’inflation salariale.

Il faut également considérer l’ensemble des risques pesant sur l’EU. La politique commerciale américaine apparait comme le premier mais la situation intérieure – Italie et Brexit en tête – est
également un facteur négatif, particulièrement dans la période budgétaire qui s’ouvre. Enfin la dégradation de la situation en Turquie est également préoccupante mais sa transmission directe via les bilans bancaires semble aujourd’hui peu probable. Une contagion globale de la crise à l’ensemble des émergents – et notamment à la Chine – serait bien sûr une autre histoire.