Les résultats du premier trimestre montrent que globalement, les entreprises se désendettent à la faveur d’une forte croissance de leurs bénéfices.
Par Kristjan Mee, Stratégiste
Compte tenu de l’accélération de 6,4% du PIB américain en rythme annuel corrigé des variations saisonnières au premier trimestre, il n’est guère surprenant que les entreprises aient enregistré l’un des meilleurs trimestres jamais vus en termes de résultats. Si les analystes ont raison, cette dynamique devrait se maintenir jusqu’à la fin de l’année, les bénéfices des entreprises du S&P 500 étant attendus en hausse de 36% en 2021, selon les données «bottom-up» IBES au 25 mai 2021.
Par ailleurs, ces mêmes analystes anticipent le maintien d’une solide croissance des bénéfices en 2022 et 2023. Même si la composition du marché des actions et celle de marché du crédit diffèrent quelque peu, les perspectives de bénéfices sont globalement similaires pour les émetteurs d’obligations d’entreprise.
De plus, la hausse des rendements obligataires en début d’année n’a pas eu d’impact réel sur les coûts d’intérêt des entreprises. De fait, de nombreuses entreprises sont parvenues à réduire leur charge d’intérêt au premier trimestre grâce au refinancement de leur dette existante assortie de rendements plus élevés.
Dans le même temps, les spreads de crédit ont poursuivi leur resserrement et, dans certains cas, retrouvent désormais les niveaux observés juste avant la crise financière mondiale. C’est pourquoi il convient pour les investisseurs de ne pas baisser la garde. Le danger est que les conditions favorables incitent les entreprises à prendre davantage de risques, ce qui pourrait entraîner une détérioration des fondamentaux et faire naître des difficultés par la suite.
Nous examinons dans cet article l’évolution récente des fondamentaux des entreprises et les possibles sujets de préoccupation à venir.
La forte croissance des bénéfices permet aux entreprises de se désendetter
Les dernières données en date montrent que le ratio d’endettement brut (dette/bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement [EBITDA]) des émetteurs Investment Grade américains a poursuivi sa baisse au premier trimestre, après avoir atteint un des plus hauts niveaux historiques.
L’endettement net, qui correspond à la dette ajustée de la trésorerie au bilan, a chuté plus rapidement encore et s’établit désormais à un niveau plus faible qu’avant la pandémie, à 2,4x. Cela signifie que l’écart entre l’endettement brut et l’endettement net est à un niveau record, en raison des liquidités importantes inscrites au bilan des entreprises.
Toutefois, le désendettement n’a pas concerné l’ensemble des secteurs de façon uniforme. Le graphique ci-dessous présente l’endettement brut des secteurs cycliques et non cycliques Investment Grade américains. Alors que l’endettement des secteurs cycliques a fortement baissé depuis le milieu de l’an dernier, celui des secteurs non cycliques a peu évolué. À quoi tient cette divergence?
En premier lieu, les bénéfices des entreprises non cycliques, comme ce qualificatif l’indique, sont moins sensibles au cycle économique. C’est pourquoi certaines entreprises, comme les producteurs de biens de consommation essentiels ou les sociétés de télécommunications, ont été moins affectées par la pandémie. Dès lors, le besoin d’assainir activement leur bilan est moins important.
En second lieu, certaines des sociétés non cycliques commencent à réaliser des opérations financées par la dette à mesure que le cycle économique s’accélère.
Dans l’ensemble, c’est une bonne chose de constater que les secteurs les plus touchés par la pandémie voient leur endettement diminuer à la faveur d’une forte croissance des bénéfices et d’une réduction de la dette. Parallèlement, la lenteur du processus de désendettement dans les secteurs non cycliques pourrait finir par se répercuter sur l’ensemble du marché.
De ce côté-ci de l’Atlantique, l’endettement continue également de diminuer, selon une trajectoire similaire à celle aux États-Unis. Cela montre que les contretemps dans le déploiement des vaccins en Europe et la réimposition de mesures de confinement dans certains pays ont eu relativement peu d’impact sur les fondamentaux des entreprises. Le redémarrage de l’activité battant désormais son plein, les bénéfices devraient considérablement s’accélérer et donner ainsi un élan supplémentaire au désendettement.
La couverture des intérêts s’améliore
À l’instar du ratio d’endettement, le ratio de couverture des intérêts (EBITDA/charge d’intérêts annuelle) des émetteurs Investment Grade américains a poursuivi sa remontée pour s’établir à 7,6x au premier trimestre.
Bien que le redressement des bénéfices ait clairement un effet positif sur la couverture des intérêts, la charge d’intérêt annuelle a pour sa part connu des développements intéressants.
En effet, pour la première fois depuis 2005, les coûts d’intérêt des émetteurs Investment Grade américains ont baissé d’une année sur l’autre au premier trimestre. Cette évolution remarquable indique que l’impact négatif de l’augmentation des niveaux d’endettement a été contrebalancé par l’impact positif de la réduction importante du coût de la dette, les obligations à coupon élevé existantes étant remplacées par de nouvelles obligations à faible coupon.
Le ratio de couverture des intérêts dans le segment Investment Grade en euros a poursuivi son rebond au quatrième trimestre pour s’établir à pas moins de 10,8x. Bien que les taux d’intérêt en euros soient très bas depuis un bon moment, les entreprises continuent de trouver des moyens de réduire leurs coûts d’intérêt.
Les soldes de trésorerie ont probablement atteint un pic
Alors que les entreprises continuent de présenter des soldes de trésorerie élevés, les dernières statistiques indiquent que l’accumulation de liquidités a probablement atteint un pic. En effet, le ratio trésorerie/dette des émetteurs Investment Grade américains a diminué au premier trimestre, tandis que celui des émetteurs Investment Grade européens est resté inchangé.
La question cruciale dès lors est de savoir ce que les entreprises vont faire de cet amas de liquidités. Étant donné qu’une part importante du produit des émissions est destinée à des opérations de refinancement, les entreprises devraient bientôt commencer à rembourser la dette arrivant à échéance en puisant dans leurs liquidités, contribuant ainsi à réduire l’écart entre l’endettement brut et le levier net. Toutefois, une partie des liquidités pourrait être consacrée à des fins moins favorables aux créanciers.
L’amélioration des fondamentaux dans le segment du haut rendement entraîne des rehaussements de notation
Si l’on examine le segment du haut rendement, nous constatons là encore une diminution de l’endettement. De fait, les dommages causés par la pandémie se sont presque entièrement résorbés sur le marché du haut rendement américain, du moins à l’aune du ratio dette nette/EBITDA. Vu la pression incitant certaines des entreprises moins bien notées à réduire leur endettement, ce développement n’est pas réellement surprenant.
L’amélioration de leurs perspectives a également été reconnue par les agences de notation. Dans le sillage des solides résultats du premier trimestre, les agences de notation commencent à rehausser la note d’émetteurs à haut rendement en volume. En avril, le volume des relèvements nets de notation dans le segment américain du haut rendement s’est élevé à 45 milliards de dollars, selon BofA Global Research, soit le montant le plus élevé depuis plus de 10 ans.
C’est là un signal très positif pour les investisseurs sachant que par le passé, les périodes de rehaussements nets des notations ont été associées à des niveaux de spreads au minimum stables.
L’amélioration des fondamentaux des émetteurs à haut rendement européens n’est pas aussi spectaculaire. Alors que leur endettement est retombé après avoir atteint un pic au deuxième trimestre 2020, la baisse semble avoir ralenti récemment. Cette tendance peut au moins en partie s’expliquer par l’évolution de la dette dans cette équation.
Le volume des émissions à haut rendement en euros se montre très élevé jusqu’ici en 2021, dépassant largement celui de l’an dernier. Sachant que le nombre des défauts est resté faible tout au long de la pandémie en Europe, cela pourrait traduire la disposition des investisseurs à acheter des obligations d’émetteurs à haut rendement européens.
Des dangers potentiels se profilent
Dans l’ensemble, le redémarrage de l’économie et le rebond accéléré des bénéfices contribuent fortement au redressement des fondamentaux des entreprises. Paradoxalement cependant, une croissance forte et un niveau de confiance élevé pourraient être annonciateurs de problèmes à venir.
Au lendemain de la crise financière mondiale, le secteur des entreprises a connu une période prolongée de désendettement. Tout laisse penser que ce cycle sera très différent. Tout d’abord, l’activité sur le marché des fusions-acquisitions s’est nettement redressée aux États-Unis, un plus grand nombre d’opérations étant dans le même temps financées par la dette.
Deuxièmement, les dépenses d’investissement ont fortement augmenté ces derniers trimestres. Cela n’est pas surprenant au regard des problèmes de capacité que connaissent de nombreux secteurs et de la vigueur de la demande des consommateurs. Les dépenses d’investissement sont un élément qui avait largement fait défaut lors de la reprise postérieure à la crise financière mondiale.
Troisièmement, étant donné que le coût de la dette reste inférieur au coût des capitaux propres, il ne serait pas surprenant que les entreprises renouent avec la tendance d’avant la pandémie consistant à substituer la dette aux fonds propres dans les bilans.
Enfin, de nombreuses entreprises ont réagi aux perturbations causées par la pandémie en réduisant leurs coûts pour protéger leurs marges. Toutefois, alors que les coûts des intrants augmentent face à la vigueur de la demande, les marges pourraient à nouveau se retrouver sous pression, notamment dans les secteurs à faible rentabilité.
Cela étant, les perspectives à court terme devraient rester favorables grâce à l’impulsion apportée par une solide croissance des bénéfices, d’importants matelas de trésorerie, des coûts d’intérêt historiquement bas et le rehaussement des notes de crédit.
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