La note macro de Nicolas Blanc, Responsable de l’Allocation chez Ellipsis AM.

Mercredi dernier, les marchés d’actions européens ont battu un étrange record: celui de la volatilité réalisée sur une semaine la plus basse de leur histoire. Alors que l’Europe semble accumuler des handicaps (surprises économiques négatives, situation politique italienne inquiétante, pétrole en hausse), que la situation géopolitique se tend de manière inquiétante, les actions, dans l’ensemble en zone euro, montrent une résistance indéfectible et surperforment la plupart des marchés mondiaux.

Quels éléments d’explication peut-on avancer?

Il y a un ralentissement cyclique global, à l’oeuvre depuis le début de l’année, qui ramène l’activité vers son niveau potentiel, potentiel limité par la faiblesse de la productivité et du chômage et c’est en Europe que ce ralentissement est le plus marqué. Toutefois, aucun élément ne suggère aujourd’hui un hard landing et la progression des salaires reste très limitée, de sorte qu’il n’est pas perçu de menace sur les profits.

Dans le même temps, l’inflation se redresse progressivement, dans les données réelles aux US et dans les anticipations (swaps d’inflation) en Europe, soutenue en partie par la hausse du pétrole. Il en découle des anticipations de resserrement monétaire, beaucoup plus fortes aux US qu’en zone euro, en raison de leur avance dans le cycle. De cet écart Fed/BCE résulte un écartement des courbes de taux entre les deux zones, au niveau le plus élevé depuis la création de l’euro, et une hausse du dollar.

Cette situation fragilise les émergents (exportateurs de pétrole mis à part) en générant un mouvement de sorties de capitaux. Elle fragilise également les obligations en général, avec des risques élevés de hausse des taux contre un portage toujours bas, et, tant que le ralentissement de l’activité ne se traduit pas dans les profits attendus, les actions leur sont préférées.

Dans ce contexte, les actions européennes apparaissent particulièrement attractives, car elles présentent, dans une logique d’arbitrage international, un quadruple avantage. D’une part, les sorties des marchés émergents doivent trouver des actifs de substitution, qui ne sont pas soumis au risque systémique que représente le resserrement américain. D’autre part, la hausse du dollar soutient mécaniquement les cours (en euro) des actions européennes (par la hausse anticipée, en volume et en valeur, de l’activité réalisée à l’étranger). Mais, en plus, si un investisseur international couvre aujourd’hui en dollar la valeur à terme d’un investissement en euro, il reçoit une «prime» qui résulte de l’écart de taux entre les deux zones et du swap de base. Or, cette prime est à des niveaux très élevés aujourd’hui. Enfin, l’écart de valorisation entre l’Europe et les US, selon la plupart des métriques usuelles (PE, taux de dividendes ou prime de risque) est très important.

Pour illustrer ce propos, on peut rappeler que le S&P 500 a surperformé l’Eurostoxx 50® de plus de 30% en huit mois, de mai à mars derniers. Cet écart se justifie historiquement par une plus forte croissance bénéficiaire aux US mais le contexte actuel suggère qu’il y a, à l’avenir, aussi un risque de retournement plus marqué, avec les hausses des taux et du dollar.

La combinaison de ces facteurs explique, selon nous, la forte résistance des actions européennes à des éléments de contexte par ailleurs plutôt contraires. Historiquement, cette conjonction d’éléments ne dure pas longtemps. Il suffirait, par exemple –d’un recul de l’activité (par exemple en cas d’embrasement de la crise italienne), ou –d’une hausse inattendue de l’inflation, qui contraindrait la BCE à resserrer, pour que le scénario s’inverse.