Nous vivons une période intéressante. Tout est soudainement différent.

Tim Stevenson, Directeur de la gestion actions européennes

Tout est soudainement différent: le populisme s’est transformé en protectionnisme sous le slogan “Rendre à l’Amérique sa grandeur” et l’avenir du Royaume-Uni devrait, sous l’impulsion du Brexit, être plus ensoleillé. Quelques détails mineurs, tels que l’interconnexion des chaînes d’approvisionnement mondiales, ainsi que la relation entre les sociétés et les régions sont, pour le moment, mis de côté.

L’Europe se trouve, à bien des égards, dans l’œil du cyclone. Le Royaume-Uni est confronté à quelques heurts sur le chemin flou et inconnu menant au Brexit, le gouvernement promettant que l’économie ne sera pas affectée et que le pays bénéficiera d’un accès total au commerce européen, sans payer aucune facture. Quelques contestataires nerveux, très rapidement rejetés par une presse partisane et de droite, s’interrogent tout bas sur la façon dont cela va fonctionner.

 

Le pragmatisme continue à dominer la politique européenne

La situation politique en Europe, en dehors du Royaume-Uni, continue de rendre les observateurs nerveux. Les Pays-Bas seront les premiers à voter en 2017 et le Parti d’extrême droite de Geert Wilders devrait, comme tous les autres partis de droite alternative à l’heure actuelle, engranger un nombre important de votes grâce à son projet de loi anti-immigration. Wilders ne devrait toutefois pas faire partie du gouvernement de la coalition pour diriger le pays. Les Hollandais ont par ailleurs clairement fait savoir que, si un référendum avait lieu aux Pays-Bas, celui-ci ne serait que consultatif. Il est regrettable que l’ex-premier ministre David Cameron n’ait pas vraiment évalué, en juin 2016, tous les risques potentiels qu’un référendum au Royaume-Uni impliquait. Ce point fut d’ailleurs soulevé par la Cour Suprême lors de son jugement récent sur la façon dont le gouvernement britannique peut démarrer le processus de sortie de l’UE (Article 50).

La France sera confrontée à une élection clé en avril et en mai prochains et les observateurs estiment de plus en plus que, même si Marine Le Pen (Front national d’extrême droite) réussissait à accéder au second tour des élections, elle devrait alors perdre face à Fançois Fillon (s’il reste le candidat du Parti républicain) ou Emmanuel Macron (Indépendant), comme ce fut le cas pour son père, en 2002, lors de sa défaite cuisante face à Jacques Chirac. Les élections en Allemagne auront lieu à l’automne et la Chancelière Merkel devrait être réélue.

 

Une reprise régionale s’instaure-t-elle?

Certains suggèrent que le populisme ne viendra pas entraver les progrès économiques “ennuyeux mais fiables” de l’Europe. Ceci pourrait donc permettre aux investisseurs de se tourner de nouveau vers les marchés européens délaissés et vers la tendance de hausse des bénéfices. Nous avons toutes les raisons d’espérer que l’Europe se trouve désormais dans un cercle vertueux, plutôt que vicieux, étant donné que le produit intérieur brut de l’Europe devrait augmenter d’environ 1,5% en 2017 et que l’amélioration de la situation économique conduit à un relâchement des dépenses gouvernementales.

L’amélioration de la croissance, associée à l’émergence de pressions inflationnistes (voir graphique n°1), a conduit le rendement des obligations à 10 ans à atteindre plus de 0,3% en Allemagne et plus de 2,3% aux États-Unis (au 8 février 2017). Ceci a des répercussions importantes pour les banques et les titres sensibles à la reprise. Il est évident que, indépendamment des intenses incertitudes politiques à l’échelle internationale, le marché a choisi de croire qu’une reprise économique est possible.

 

Graphique n°1 : reprise des pressions inflationnistes dans la zone Euro

Source: Thomson Reuters Datastream, Fathom Consulting. “L’inflation globale” est l’évolution, en pourcentage, par rapport à l’année passée dans la zone Euro, au 9 février 2017. Le Comité de la Politique Monétaire européen vise une inflation globale proche ou inférieure à 2%.

Le degré de solidité de cette reprise, ou sa durée, reste à déterminer, mais l’ignorer serait une erreur. Les sociétés plus sensibles à l’évolution de la situation économique, telles qu’Atlas Copco en Suède et Siemens en Allemagne, enregistrent une amélioration dans de nombreux secteurs liés à la hausse des dépenses de consommation. Les banques voient leur marge d’intérêt nette s’élargir (l’écart entre le revenu généré par les prêts et les intérêts payés aux dépositaires), même si cette évolution est progressive, et enregistrent une hausse des demandes de prêts, comme le montre le graphique n°2.

 

Graphique n°2 : Hausse des demandes de prêts

Source: Thomson Reuters Datastream, Fathom Consulting, zone Euro, au 30 décembre 2016.

Une transition rapide s’est effectuée sur les marchés, des titres de croissance vers les titres “value”. Il s’agit là d’une façon extrêmement simplifiée d’expliquer les choses mais cela permet de comprendre ce qui se passe sur les marchés. La transition a poussé le cours des titres “value” à la hausse, bien au-delà de leurs moyennes à 10 ans, alors que la valorisation des titres de croissance a chuté bien en-dessous de leurs moyennes à 10 ans. Cette tendance pourrait se poursuivre mais les signes que cette transition vers les titres “value” a assez durée sera l’un des éléments clés en 2017, la réalité étant que la croissance ne peut pas apparaitre, dans notre monde mature et à faible croissance, par un simple tour de magie.

De nombreux obstacles joncheront le chemin, mais ceux-ci ne sont pas encore visibles. Nous observons la situation d’un œil méfiant, tout en recherchant des sociétés exceptionnelles qui ont été fortement affectées par le marché. Nous sommes conscients qu’il est encore trop tôt pour retourner en force sur les titres de croissance mais il se peut que ce soit le chemin que nous suivrons dans six à neuf mois.

 


Glossaire

Croissance: les investisseurs axés sur la croissance recherchent des sociétés affichant, selon eux, un solide potentiel de croissance. Leurs bénéfices devraient augmenter à un taux supérieur à la moyenne, par rapport au reste du marché, et la valorisation de leurs titres devraient donc augmenter.

Inflation/pressions inflationnistes: Le taux suivant lequel le prix des biens et des services augmente dans une économie. L’IPC et l’indice des prix de détail sont deux mesures communes de l’inflation.

Valeur: les investisseurs axés sur la valeur recherchent des sociétés qui sont, selon eux, sous-valorisées par le marché et dont la valorisation devrait donc augmenter.