Sur le marché du haut rendement, ce n’est un secret pour personne que les obligations de qualité inférieure sont plus risquées, c’est-à-dire plus sujettes au défaut. En revanche, peu de personnes mesurent la capacité de nuisance de ces obligations de qualité inférieure dans un portefeuille, et ce avant même la survenue du défaut.

Article publié par AB (AllianceBernstein)

 

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Gershon M. Distenfeld, CFA Director—High Yield and Investment-Grade Credit

Sur le marché du haut rendement, ce n’est un secret pour personne que les obligations de qualité inférieure sont plus risquées, c’est-à-dire plus sujettes au défaut. En revanche, peu de personnes mesurent la capacité de nuisance de ces obligations de qualité inférieure dans un portefeuille, et ce avant même la survenue du défaut.

Les investisseurs nous disent souvent avoir choisi leur stratégie à haut rendement sur la base de son taux de défaut très bas – voire nul – sur la durée. Mais si ces stratégies supposent l’acquisition d’une proportion importante d’obligations « toxiques » notées CCC, il ne faut probablement pas s’en tenir aux statistiques.

En effet, dans le cas des obligations dites distressed, les chutes de prix les plus abruptes se produisent habituellement avant le défaut de paiement (ce phénomène touche également les obligations bien notées). Les gestionnaires peuvent évidemment revendre une obligation pour une fraction de son prix d’acquisition et dire que leurs portefeuilles ont échappé au défaut. Mais ils ne pourront certainement pas affirmer qu’ils ont évité les pertes. En vendant au rabais, ils ont en fait enregistré ces pertes indépendamment du fait que l’émetteur de l’obligation se soit ou non trouvé en situation de défaut par la suite.

En outre, il n’est pas toujours évident d’identifier les entreprises qui s’exposent à des difficultés. Les marchés anticipent parfois le défaut de l’une d’entre elles très longtemps à l’avance. Mais, il peut arriver que le destin d’une entreprise bascule « graduellement, puis soudainement », pour reprendre les mots d’Ernest Hemingway décrivant le processus qui mène un homme à la ruine. Les stratégies qui reposent sur des investissements massifs dans les obligations corporate de qualité inférieure font courir à ceux qui les adoptent un plus grand risque de se laisser surprendre.

 

Les obligations notées ccc se sont envolées en 2016, mais elles pourraient bien s’effondrer cette année

Il est vrai que le fait de détenir des obligations corporate de qualité inférieure s’est avéré rentable en 2016. Le rendement annualisé de ce segment du marché a approché les 30 %, soit près du double de la performance du marché américain à haut rendement. Ces gains conséquents sont principalement le fruit de la stabilisation du prix des matières premières après 18 mois de déclin prononcé, une évolution qui a permis aux obligations du secteur de l’énergie de rebondir.

Nous pensons toutefois que le fait d’anticiper de telles performances relève de la roulette russe. Ce phénomène est en effet peu susceptible de se reproduire. Selon Moody’s Investors Service, les CCC ont enregistré un taux de défaut supérieur à 11 % entre 1994 et 2015, contre 2.8 % pour les obligations notées B.

D’autre part, les CCC ne disposent simplement pas de l’espace nécessaire pour croître davantage. Sur ce secteur, le prix moyen était de 67 dollars au début de l’année 2016 ; aujourd’hui il se situe aux alentours de 86 dollars. Il s’agit du prix le plus élevé jamais atteint par le segment des titres à haut risque de qualité inférieure sur le marché à haut rendement.

En 2017, à mesure que se poursuivra la hausse des taux d’intérêts américains, nous nous attendons à ce que la situation de ces entreprises en difficulté s’aggrave. Les taux européens sont plus bas puisque cette zone géographique se situe dans une phase plus précoce du cycle du crédit. Mais nous pensons néanmoins rentable de se retirer des CCC dans ce cas également. Peut-on imaginer que ce segment du marché à haut rendement puisse offrir quelques occasions exceptionnelles ? Bien sûr. Mais, pour les identifier, il sera nécessaire de mener à bien des analyses de crédit approfondies et d’adopter une approche très sélective.

En réalité, les occasions à ne pas manquer se manifestent habituellement après le défaut d’une obligation. Comme quelques stratèges de Barclays l’ont écrit dans un récent rapport de recherche, « les obligations perdent en moyenne 30 à 35 % de leur valeur dans les six mois qui précèdent leur défaut et reprennent 20 % au cours des six mois suivants. »

Mais, à l’heure actuelle, plonger dans le bain des CCC reste une aventure à haut risque. Il conviendra de garder cette réalité en tête quand vous passerez au crible les gestionnaires de placements spécialisés dans le haut rendement – notamment ceux qui font un usage intensif des obligations de qualité inférieure pour stimuler les rendements.