Dans un monde à peine différent du nôtre, une semaine marquée par la réunion de la principale banque centrale mondiale–la Fed–, par les incroyables publications des plus grandes entreprises mondiales–Apple, Amazon, Microsoft–et par la sortie d’un pays majeur hors de l’Union européenne, eût été l’occasion d’une réflexion de fond sur l’état de l’économie. Quelques centaines de victimes d’une nouvelle forme de grippe dans un pays de plus d’un milliard d’habitants n’eût pas attiré l’attention.

Olivier de Berranger

Dans le nôtre, où le souvenir de l’épisode du SRAS en 2003 est encore vif, les peurs de contagion de l’épidémie chinoise et ses potentielles conséquences économiques l’emportent sur le reste. On le comprend. D’une part, l’apparition d’un nouveau virus réveille la peur de la mort. Dans l’inconscient collectif, le souvenir des pestes anciennes, rappelé sans cesse par les danses macabres peintes dans nos églises, ressurgit confusément.

Et d’autre part, les conséquences objectives sur l’économie mondiale sont sérieuses. Certes, le nombre de victimes est statistiquement faible au regard de ceux de la grippe ordinaire, qui se chiffre habituellement autour de 500 000 par an dans le monde. Sans compter celles du paludisme (même ordre de grandeur), du cancer (10 millions par an) ou des affections cardio-vasculaires (17 millions par an). Mais les mesures prises pour endiguer l’épidémie chinoise sortent de l’ordinaire: plus de cinquante millions de personnes assignés en quarantaine chez eux, des transports internationaux partiellement interrompus, les chaînes de production brisées, et la consommation désorganisée. Si l’épidémie perdure, davantage de régions chinoises pourraient être mises à l’arrêt, et pourquoi pas d’autres régions dans le monde?

Nous ne nous hasarderons pas à formuler une prédiction sur l’ampleur de l’épidémie. Mais d’ores et déjà, plusieurs conséquences aux dimensions économiques internationales en découlent. Elles pourraient, dans le pire des cas, être profondes: le secteur du luxe, très dépendant de la consommation chinoise, serait affecté, ainsi que, naturellement, le tourisme. La production industrielle chinoise, notamment automobile, le serait aussi, ce qui contribuerait à affaiblir un secteur déjà sous pression. Localement, la construction et la consommation d’énergie déclineraient, ce qui pourrait faire baisser les cours mondiaux des matières premières. Et par ricochet, peser sur l’inflation mondiale.

«Lorsque la Chine s’enrhume, le reste du monde tousse.»

Ce dernier aspect, rarement évoqué, est peut-être le plus crucial, car il pourrait affecter l’attitude des banques centrales, celle de Chine en premier lieu. Et si l’effet est profond, celles du monde entier. Car à la différence du temps du SRAS, la Chine apporte aujourd’hui une contribution à la croissance mondiale à hauteur de 35% (20% en 2003). Anticipée à 3%, un chiffre inférieur à sa moyenne historique, la croissance mondiale pourrait être affectée d’un demi-pourcent sur l’année. L’inflation sous-jacente, déjà peu vaillante, en pâtirait. Pour contrer cette tendance, les banques centrales pourraient adopter de nouvelles mesures de stimulation monétaire, et influer sur des mesures budgétaires.

Dans cette hypothèse, la baisse actuelle des marchés, qui tient surtout du réflexe instinctif, pourrait s’accentuer avant d’être suivie d’un fort rebond, puisque les banques centrales font aujourd’hui la pluie et le beau temps sur les marchés. Mais pour l’instant elles sont quasiment muettes sur le sujet, la Fed ayant uniquement évoqué ce risque, certes jugé «sérieux», dans sa conférence de presse, et non dans son communiqué officiel.

Les marchés sont donc à nouveau suspendus aux lèvres aseptisées des banquiers centraux. C’est à eux désormais, prophètes en dernier recours, que revient la tâche de calmer les peurs archaïques qui nous assaillent.

Peut-être la peur se dissipera-t-elle comme un simple frisson. Les hypothèses sombres seraient vites balayées, et la vigueur indiscutable de l’économie américaine capterait à nouveau l’attention. En attendant, préparons-nous à tous les scénarios.

1. Peur, frayeur


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