Quelle est la capacité des distributeurs traditionnels à résister à la disruption opérée par les géants du Web?

Le thème de la semaine

Olivier de Berranger, CIO, La Financière de l’Echiquier

Le leader américain de la distribution alimentaire WALMART a publié des résultats du 4e trimestre décevants, faisant chuter le titre de -10,2%, sa pire performance journalière en 30 ans. Malgré un chiffre d’affaires et une croissance globale des ventes supérieures aux attentes, les investisseurs se sont focalisés sur la dynamique des ventes en ligne, en progression de « seulement » 23%, contre 50% au trimestre précédent. En cause, outre un effet de base défavorable – 2016 avait bénéficié de l’intégration des résultats de Jet.com, racheté dans l’année – des «problèmes opérationnels» qui ont impacté le groupe au moment des fêtes de Noël. Se focaliser sur ce point est trompeur, au regard des investissements de grande ampleur réalisés par le premier distributeur mondial dans le e-commerce. Les résultats sont là: sur l’exercice 2017/2018, les ventes en ligne du groupe ont progressé de 44%.

Pourquoi alors une réaction aussi épidermique? Remontons en juin 2017, lors de l’annonce par le géant de l’internet AMAZON du rachat de la chaîne de supermarchés bio Whole Foods Market. Sur un secteur déjà fragilisé par la déflation et la guerre des prix, cette annonce a été perçue comme le signal de la capitulation par les investisseurs, alors que nombre d’entre eux s’interrogeaient déjà sur la capacité des distributeurs traditionnels à résister à la disruption opérée par les géants du Web.

L’entrée d’AMAZON sur le secteur a en réalité confirmé que l’approche de vente de biens et de services doit s’inscrire dans un modèle multicanal, associant le online aux magasins physiques. Car c’est bien cela que vise le géant américain en rachetant Whole Foods Market : se doter de points de vente physiques. L’intérêt de ce modèle, déjà prouvé dans d’autres pans de la distribution, est encore plus pertinent dans l’alimentaire qui possède des spécificités propres.

Le raisonnement vaut dans les deux sens. AMAZON, qui disposait du diptyque online/livraison, a acquis le duo magasin/retrait. Les distributeurs traditionnels ont quant à eux opéré le mouvement inverse. Comme WALMART, qui a acquis Jet.com et investi dans son maillage d’entrepôts précieux dans l’optique de la livraison à domicile, d’autres distributeurs ont amorcé le virage. C’est le cas par exemple en France de Monoprix: après avoir scellé un partenariat avec Ocado afin de développer la livraison alimentaire à domicile, la filiale du groupe CASINO vient d’annoncer le rachat du chausseur en ligne Sarenza.com.

Tout au plus l’arrivée d’AMAZON aura-t-elle accéléré le mouvement. Mais la peur de voir le géant américain laminer le secteur semble, à la lumière de ces récentes opérations, bien exagérée. L’actualité de la distribution alimentaire est un condensé de phénomènes qui agitent l’ensemble de l’économie. La digitalisation, qui ne s’interrompra pas, génère autant de craintes que d’espoirs. Et la menace monopolistique des GAFA sur l’économie mondiale conduit à des réactions parfois irrationnelles, oubliant que certains acteurs traditionnels, bien managés, ont parfaitement les moyens de négocier le virage, y compris digital.

 

Le picking de la semaine

Enguerrand Artaz, Analyste Cross Asset, La Financière de l’Echiquier

MAERSK : une transformation longue, les investissements dans le viseur

L’actu. Le plus grand armateur de porte-conteneurs au monde a tenu la semaine dernière sa Journée investisseurs, 14 mois après avoir détaillé son plan de recentrage sur le transport et la logistique.

Notre analyse. Le groupe danois a confirmé l’ensemble de ses objectifs : entre 4 et 5 Md$ d’EBE sur la partie Transport et Logistique en 2018, 350-400 M$ de synergies à horizon 2019 liées à l’acquisition de la compagnie maritime allemande Hamburg Süd et 600 M$ de synergies liées à l’intégration des activités existantes, en particulier entre la branche qui gère la flotte de bateaux, Maersk Line, et la division terminaux. MAERSK a affirmé viser un taux de conversion important de l’EBE en flux de trésorerie (93% en 2017). Les investisseurs ont été déçus à la marge par les premières indications sur les dépenses d’investissement à attendre pour 2018 et 2019 : respectivement 3 et 2,75Md$, des montants proches de ceux des précédents exercices donc, même s’ils n’intégraient pas les dépenses réalisées par Hamburg Süd. Enfin, le management délivre sur sa stratégie de cession des actifs d’énergie à un prix attractif. Une grande partie des titres TOTAL reçus dans le cadre de la cession de Maersk Oil sera retournée aux actionnaires (environ 5,4 Md$).

En conclusion. L’armateur doit à présent rendre une meilleure copie sur l’opérationnel (le groupe est notamment en retard sur ses objectifs de baisses de coûts). Les taux de fret et donc la discipline/consolidation du secteur restent le moteur du titre : 5% de variation des taux de fret représentent 1,3 Md$ d’EBE ! Nous conservons nos positions dans Echiquier Value et Echiquier Agressor.