Les derniers chiffres de l'emploi US donnent le sentiment d’un scénario positif de la remontée des taux et de l’impact de la réforme fiscale.

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Olivier de Berranger, CIO, La Financière de l’Echiquier

C’est peu de dire que le rapport sur l’emploi américain publié vendredi était attendu par les marchés.

Le dernier opus avait provoqué, il y a un mois, une violente correction des marchés actions, les investisseurs s’inquiétant de la progression plus forte que prévue des salaires horaires. Alors que cette hausse n’intégrait que partiellement les augmentations de salaire minimum annoncées en masse après le vote de la réforme fiscale, on pouvait s’attendre à une nouvelle progression des salaires, et peut-être même à une nouvelle surprise.

Surprise il y a eu, en effet, mais à la baisse.

Alors que le consensus attendait une progression mensuelle des salaires de +0,3%, elle n’a été que de +0,1%. L’autre pan du rapport en revanche, le «volume» de travail mesuré tant par les créations d’emplois que par les heures hebdomadaires travaillées, a reflété la dynamique anticipée et même surpris: attendues à 205 000, les créations d’emplois se sont élevées à 313 000, avec une révision à la hausse du chiffre du mois précédent. Le temps de travail hebdomadaire a quant à lui atteint 34,5 heures (34,4 attendu).

Suite à la parution de ces chiffres qui ont défié les attentes, les taux longs sont remontés et les marchés ont rebondi. Et pour cause: de tels chiffres donnent le sentiment d’un scénario positif de la remontée des taux et de l’impact de la réforme fiscale, un scénario dans lequel les perspectives d’un renforcement de la croissance découlant de cette réforme conduisent les entreprises à embaucher massivement, alors qu’elles améliorent la productivité du travail et investissent davantage. Cela pourrait conduire à une amélioration de la croissance potentielle et entraînerait une hausse des taux longs nominaux, alimentée par celle des taux réels et non par celle de l’inflation. Avec 313 000 embauches à ce stade du cycle – contre une moyenne de 200 000 depuis fin 2010 – et en parallèle une progression mensuelle du salaire horaire limitée à 0,1%, on semble tenir la parfaite configuration pour une remontée des taux sans heurt sur les marchés actions.

Il faut toutefois nuancer cette première impression. Un des facteurs avancés pour expliquer la faiblesse de l’inflation salariale aux Etats-Unis en 2017 est que l’essentiel des embauches de ces derniers trimestres a concerné des chômeurs éloignés du marché du travail depuis longtemps et ayant accepté des conditions salariales modestes. Cela a conduit le salaire horaire moyen à ne progresser que faiblement, tandis que le salaire médian augmentait en cohérence avec le marché de l’emploi.

Les chiffres du BLS pour le mois de février pourraient être un concentré de ce phénomène, avec deux points saillants: des créations d’emplois extrêmement fortes, près de 50% supérieures à la moyenne des huit dernières années, et un taux de participation passé de 62,7 à 63%, soit la plus forte hausse mensuelle depuis avril 2010. Autrement dit, des embauches massives d’une population éloignée de l’emploi qui ne dispose pas des mêmes leviers de négociation salariale que des employés installés.

Une précision importante car il n’est pas exclu de voir apparaître de nouveau, une fois cette phase d’embauches massives digérée, des chiffres d’inflation salariale élevés et susceptibles de provoquer un nouveau stress sur les marchés.