Moins de projections claires sur l’avenir et davantage de surprises possibles.

Le thème de la semaine

Olivier de Berranger, CIO, La Financière de l’Echiquier

Mercredi, la Réserve fédérale américaine a, pour la troisième fois de l’année, relevé sa fourchette de taux directeurs, à 2/2,25%, avant une très probable quatrième hausse prévue en décembre. Parfaitement attendu, ce mouvement ne constitue nullement une surprise. Il mérite cependant quelques commentaires, tout comme la communication qui l’a accompagné.

Tout d’abord, avec cette 8e hausse de taux depuis fin 2015 (soit une hausse de 200 pb), les taux directeurs reviennent en territoire positif en termes réels, c’est-à-dire corrigés de l’inflation. C’est la première fois depuis 2008. Ils ont d’ailleurs retrouvé leurs niveaux d’avant la chute de Lehman Brothers en septembre 2008.

Ensuite, la Fed a modifié sa communication en supprimant un terme crucial: celui d’«accommodant», qui qualifiait jusqu’ici le caractère de la politique monétaire. Après une décennie mise au service de la relance de l’économie, la Fed en a donc terminé avec l’assouplissement monétaire. Jerome Powell l’a d’ailleurs déclaré: la «béquille» que constituait jusque-là la politique monétaire disparaîtra, la croissance étant aujourd’hui «solide et équilibrée», dans une économie «forte». Une vigueur économique qui n’incite pas, pour le moment, la Réserve fédérale à ralentir le rythme de sa normalisation, ce qui explique que la grande majorité des membres du FOMC anticipe un nouveau relèvement de 25 pb des taux directeurs en décembre.

Enfin, si les membres du FOMC continuent d’anticiper trois hausses en 2019 et une en 2020, ils se montreront très « pragmatiques ». En effet, ils réagiront dorénavant à l’évolution des «indicateurs économiques». Ils n’hésiteront pas à ajuster les taux directeurs si l’inflation accélère ou au contraire si l’économie ralentit, afin de maintenir le plein emploi, ainsi que l’inflation autour de 2%. Certes, la Fed n’a pas réellement modifié ses vues à moyen terme sur l’économie, se contentant en juin de réhausser sa perspective de croissance pour 2018, mais n’ajustant pas ses vues à deux/trois ans. Mais M. Powell avait expliqué, lors du forum de Jackson Hole, qu’il était réservé sur les estimations en temps réel des données économiques. Le président de la Fed a de nouveau fait part de ses doutes lors de sa dernière conférence de presse.

Si on peut estimer que la Fed était déjà «à la traîne» («behind the data») depuis plusieurs trimestres, il est clair à présent qu’elle l’est encore davantage. Autrement dit, elle revient peu à peu au type de communication qui était le sien avant crise, avec donc moins de projections claires sur l’avenir et davantage de surprises possibles.

C’est le début d’un changement majeur. Alors que depuis 10 ans l’action des banques centrales, par l’afflux de liquidités, agissait comme un coussin de protection lors des phases de stress, elle va à présent devenir elle-même une source d’incertitude. Les investisseurs vont devoir réapprendre à vivre avec.