«Une valse à trois temps […] comme c’est charmant» chantait Jacques Brel au rythme endiablé de l’accordéon. Dansés sur le rythme tout aussi effréné de la hausse des marchés, les trois temps de la valse européenne ont indubitablement charmé les investisseurs.

Olivier de Berranger, CIO, LFDE

Premier temps, mi-mai, avec l’ambitieuse proposition franco-allemande de relance, qui a ouvert la voie à la mutualisation de la dette au niveau européen, ainsi qu’au renforcement des mécanismes de solidarité. Deuxième temps, le 27 mai, avec le projet de plan de relance de 750 milliards d’euros annoncé par la Commission européenne qui a repris à son compte les propositions du couple Merkel-Macron. Enfin, troisième temps la semaine passée, avec les nouvelles mesures de la Banque centrale européenne.

Christine Lagarde a en effet annoncé que le programme d’achats d’actifs dédié à la crise du Covid-19 (Pandemic Emergency Purchase Programme, PEEP) allait être étendu de 6 mois, jusqu’à fin juin 2021, tout en maintenant quasi inchangé le rythme d’achat mensuel. Cela revient à augmenter de 600 milliards l’enveloppe initiale du plan pour la porter à 1350 milliards d’euros. La BCE a également précisé que les titres du PEPP arrivés à maturité seraient réinvestis jusqu’à fin 2022 au moins. En revanche, il est exclu, à ce stade, d’inclure dans le PEEP les titres à notation dégradée («junkbonds»). Néanmoins, C. Lagarde a indiqué que la BCE allait «continuer à observer» la situation de ces obligations, laissant ainsi sous-entendre qu’elle n’excluait pas d’en acheter si la situation l’imposait.

Ce nouveau soutien monétaire, légèrement supérieur aux anticipations du marché, appuie fort opportunément le projet de plan de relance budgétaire de la Commission européenne. Cette convergence entre les politiques monétaires et budgétaires forge ce que l’on nomme un «policy mix» très solide. A bien des égards, les marchés ont acheté ces décisions ambitieuses. Les actions européennes surperforment nettement leurs homologues américaines sur les dernières semaines (plus de 9% d’écart entre l’EuroStoxx 50 et le S&P 500 depuis le 15 mai). Les taux d’intérêt des pays périphériques-principaux bénéficiaires de la perspective d’une dette mutualisée et d’un transfert de richesse via le plan de relance-ont nettement reculé. Le taux italien à 10 ans a ainsi reflué à 1,42% contre 1,86% mi-mai. La perspective d’un plan de relance puissant, associée à des écarts de performance et de valorisation portés à l’extrême, a bénéficié aux valeurs les plus value: les valeurs décotées surperforment de 6,5% les valeurs de croissance depuis le 15 mai.

Enfin, l’euro a lui aussi grandement profité de cette situation, passant de 1,08 dollars mi-mai à 1,13 dollars aujourd’hui. Deux raisons à cela. D’une part, l’incontestable gain de crédibilité de l’Europe grâce à l’ampleur et à la convergence des mesures annoncées. D’autre part, un fort appétit des investisseurs étrangers pour la devise européenne, d’ailleurs souligné par C. Lagarde lors de sa conférence de presse.

Après avoir joué les indécises lors de crises précédentes, et en avoir subi les conséquences, l’Europe n’a pas tardé cette fois à entrer dans la danse et les marchés semblent décidés à valser quelques temps en sa compagnie. Encore faudrait-il que ceux qui patientent sur le bord de la piste-l’Autriche, les Pays-Bas, le Danemark et la Suède notamment–et s’opposent encore au plan de relance ne mettent pas fin prématurément au bal.

 

Les performances sont données dividendes réinvestis et en devises locales, arrêtées au 04/06/2020.

 


Les informations communiquées sont le résultat de recherches internes fondées sur la base des meilleures sources en notre possession et issues d’informations publiques. Elles ne sont pas constitutives d’un conseil en investissement.

La Financière de l’Échiquier décline toute responsabilité quant à la pertinence ou à la réalisation de ses prévisions.