Revue hebdomadaire des principaux facteurs influençant les marchés financiers.
De la friture sur la ligne
Avec l’influence déterminante des programmes d’assouplissement quantitatif sur les marchés de taux et de devises, la communication d’une banque centrale devient un exercice particulièrement délicat. En délivrant cette semaine un discours quasiment identique à celui de la dernière réunion du Conseil, Mario Draghi a suscité un mouvement de marché inverse. Alors qu’il avait été initialement perçu comme dovish, il a créé cette fois une mini panique, propulsant l’euro à un plus haut de plus d’an et faisant bondir les rendements à 10 ans de plus de 20bps. Les ajustements de politique qu’il a évoqués étaient pourtant présentés comme devant maintenir constant le niveau d’accommodation. Devant la réaction du marché, la banque centrale a cru devoir publier une explication du texte de son président, le tout donnant l’impression d’un manque d’indépendance entre l’institution et les marchés financiers.
On perçoit dans cette séquence le souhait de la BCE de maintenir à tout prix des conditions financières accommodantes, même si la reprise européenne se renforce, et qu’elle craint surtout une réédition du « taper tantrum » de 2013 aux US. Ce qui semble se dérouler, toutefois, c’est une anticipation du retournement monétaire futur, d’autant plus précoce que les volumes en jeu et les impacts potentiels sur les prix sont très importants. Pour fixer un ordre d’idées, si l’on suppose qu’en théorie le 30 ans allemand pourrait atteindre l’objectif d’inflation plus la croissance potentielle, la correction sur les taux longs serait de 180bp. On comprend alors que les marchés veuillent anticiper la normalisation longtemps à l’avance.
Bailout à l’italienne
Il peut y avoir une zone floue assez importante entre une règle et son interprétation. On aurait pu croire que le dispositif de résolution bancaire récemment adopté impliquait que si l’Etat intervenait, tous les créanciers d’un établissement de crédit défaillant devaient aussi contribuer à son renflouage. Cela n’a pas été le cas pour les deux banques régionales italiennes sauvées cette semaine, qui ont été traitées dans le seul cadre national, au motif que leur faillite n’aurait pas eu de conséquences systémiques. Il est vrai que l’application des règles européennes aurait contraint les autres banques italiennes à abonder le fonds de garantie des dépôts à hauteur de 12Mds et aurait imposé des pertes à tous les créanciers, avec des répercussions financières et politiques (beaucoup de personnes physiques sont créancières).
S’il est clair que la solution choisie est la plus indolore en termes d’impact de marché, la crédibilité du dispositif de l’union bancaire en prend un coup. D’autant que l’on trouve dans le dossier 10Mds d’emprunts garantis par l’Etat, après autorisation de la Commission, autorisation accordée sur la base d’un avis de la BCE assurant en janvier que les deux banques étaient solvables. On peut donc craindre que la perception du risque de crédit réel des banques soit influencé par les interventions de l’Etat (dans le cas de l’Italie) et de la BCE, avec des risques à terme pour la stabilité.
Source : Ellipsis AM, Bloomberg