Revue hebdomadaire des principaux facteurs influençant les marchés financiers.

Nicolas Blanc, Responsable de l’Allocation chez Ellipsis AM

Le vertige des actions américaines

Il n’y a pas que les marchés baissiers pour inquiéter les investisseurs. Les hausses sont également – pour ceux d’entre eux ayant un tempérament contrariant – un sujet de nervosité, car elles éveillent la crainte d’une correction proche. Le marché américain est aujourd’hui dans ce cas de figure. La fin d’une année où les performances ont été élevées est une incitation supplémentaire à réduire les risques de manière préventive. Ces comportements n’améliorent pas forcément le rendement espéré des portefeuilles, car ils relèvent rarement d’une estimation rationnelle des rendements futurs. Or, les données disponibles nous prédisent toujours de beaux lendemains:

  • L’amélioration de la conjoncture aura un effet positif sur les résultats, sachant que l’effet de levier de la croissance sur les résultats est important (voir à se sujet La semaine en 4 graphiques ci-dessous).
  • La valorisation n’est pas aujourd’hui un danger sérieux, selon nous. L’écart entre le taux de profit (E/P) et l’anticipation à long-terme de l’inflation – notre mesure préférée pour la prime de risque – reste raisonnable au regard de 20 années d’historique.
  • Si l’on se restreint à l’Europe, ces arguments sont encore plus solides, avec des niveaux de marge des entreprises qui laissent un potentiel d’appréciation et une valorisation bien plus généreuse qu’aux US.

Il existe bien sûr des vents contraires mais ceux-ci pourraient tarder à se manifester. La croissance actuelle dépassant largement son potentiel, le ralentissement est inéluctable. L’expérience des US dans les dernières années nous montre toutefois qu’il est très difficile de prédire le moment de son occurrence. L’inflation devrait remonter et forcer les banques centrales à resserrer leur politique, avec des conséquences probablement importantes sur les actifs financiers. Mais les comportements à l’origine de la faiblesse de l’inflation sont tenaces et mal connus. Il vaut donc probablement mieux attendre de voir le blanc des yeux de ces menaces plutôt que de se précipiter devant leur ombre.

 

La BCE parée à virer

Il fait peu de doutes que la BCE annoncera à sa prochaine réunion une procédure pour la sortie de sa politique non-conventionnelle. Même si la réaction de l’inflation réalisée reste modérée à ce stade, les conditions économiques, qui entrainent une réduction plus rapide de l’output gap, appellent une réduction du stimulus. Mario Draghi a plusieurs fois rappelé que les limites du programme (emprise, clé de capital, …) seraient respectées. Contrevenir à ces engagements serait couteux politiquement et pourrait engendrer une confrontation avec les Etats les plus orthodoxes.

L’amélioration de la conjoncture est à cet égard une très bonne nouvelle, car une réduction du programme due seulement à ces contraintes juridiques aurait pesé lourdement sur la crédibilité de la politique monétaire. Le dollar serait bien un argument pour différer le tapering mais, son caractère endogène (accélération économique en zone euro) et sa stabilisation récente mettent ce sujet au second plan.

Il est très probable que la méthode employée sera la plus douce possible. Pour ce faire, tout tiendra au langage choisi. Ainsi, le communiqué pourra minimiser la reprise de l’inflation réalisée, conserver le caractère non-borné du programme et une forward guidance ouverte (i.e. qu’elle est prête à réaugmenter le programme si nécessaire) et insister sur la stabilité des conditions financières.