Quels marchés conservent une marge de croissance? A quel moment la volatilité risque-t-elle de réapparaître? Comment les obligations sont-elles positionnées par rapport aux actions, à l’horizon des six prochains mois? Où se trouvent les opportunités?

Plusieurs experts de Natixis Global Asset Management expriment leurs points de vue sur les marchés actions internationaux, à mi-année.

 

David Herro, CFA
Chief Investment Officer, International Equities, Harris Associates

Les conditions d’une accélération du rythme de la croissance mondiale semblent réunies alors que nous allons entamer le deuxième semestre de cette année. Cette croissance devrait donner une impulsion aux bénéfices et aux cours des actions des entreprises compte tenu du niveau actuel des valorisations, qui reste relativement attractif.

Les marchés actions internationaux ont progressé jusqu’ici (au 14 juin 2017) alors que l’activité économique poursuit son redressement. Le Dow Jones Industrial Average est sur le point de signer son septième gain trimestriel consécutif tandis que l’indice STOXX Europe 600 devrait enregistrer une progression pour le quatrième trimestre d’affilée. L’indice des dépenses de consommation privée (PCE) a dépassé l’objectif à long terme de la Réserve fédérale, en février.

Le taux d’inflation annuel dans la zone euro a également atteint la cible de 2% visée par la Banque centrale européenne pour la première fois depuis quatre ans. Evoquant l’amélioration du marché du travail et de la santé de l’économie, la Fed a rehaussé les taux d’intérêt aux Etats-Unis le 14 juin pour la troisième fois, depuis décembre dernier. Elle semble également se diriger vers un relèvement supplémentaire en 2017. La consommation au niveau mondial se montre elle aussi solide jusqu’ici, soutenue par le bas niveau du chômage, des prix de l’énergie et des taux d’intérêt.

La confiance des entreprises semble également se renforcer. Ces conditions sont, selon moi, largement responsables de la hausse des cours des actions, non seulement aux Etats-Unis mais également à travers le monde.

 

Expansion européenne

L’économie européenne en particulier semble enfin s’extirper du marasme. Nous commençons à observer de meilleurs taux de croissance qui, sans être robustes, affichent néanmoins une amélioration. Le système bancaire donne lui aussi des signes indéniables de redressement. Malgré leur rebond en 2017, les actions européennes continuent de présenter une décote par rapport aux actions américaines. J’ai toujours estimé que cette décote devrait être plus importante compte tenu des différences et de la structure de rendement qui caractérisent les sociétés européennes par rapport aux entreprises américaines. Cependant, les décotes pourraient encore être trop élevées dans certains secteurs.

 

Les remous politiques habituels

Le monde a clairement connu de nombreuses vicissitudes politiques ces derniers mois. Chez Harris Associates toutefois, nous considérons les événements politiques comme un bruit de fond. L’impact sur les flux de trésorerie devrait selon nous être minime. Bien que l’incertitude politique puisse alimenter la volatilité, nous estimons qu’elle constitue une opportunité d’investir dans des entreprises de qualité à des niveaux de cours attractifs.

 

David F. Lafferty, CFA
Chief Market Strategist, Natixis Global Asset Management

Les risques géopolitiques sont une menace constante

Depuis le début de ma carrière dans le secteur financier en 1986, je ne peux guère me souvenir d’un moment où aucun risque ne se profilait à l’horizon : nous avons connu un krach boursier en 1987, la guerre du Golfe en 1990, la guerre d’Irak en 2003, le conflit ukrainien en 2014, etc. En tant qu’investisseurs à long terme, nous devons être conscients que ces risques sont une menace perpétuelle. Là encore, ces événements macroéconomiques, pour la plupart, constituent à nos yeux un bruit de fond. Ils attisent souvent les craintes et la volatilité, ce qui est susceptible d’affecter les bénéfices à court terme. Cependant, il est possible que les flux de bénéfices à long terme soient peu affectés.

Le court terme est toujours difficile à prévoir et pourrait avoir peu d’influence sur la valeur d’une entreprise. Alors que nous allons entamer le deuxième semestre 2017, les investisseurs ont le sentiment diffus que quelque chose ne tourne pas rond. En effet, malgré une actualité fournie, un calme inquiétant règne sur les marchés. Les volatilités réalisées et implicites des actions, des obligations et des devises internationales sont proches des plus bas record. Les actions internationales poursuivent leur progression mais peu d’investisseurs se montrent convaincus par ce rebond.

Le rebond modéré des obligations internationales, dont les rendements se sont repliés par rapport à leurs plus hauts de mars, n’a fait qu’ajouter à la confusion. Les prix des actions (actifs risqués) et des obligations de haute qualité (actifs relativement plus sûrs) ne devraient-ils pas augmenter en même temps? Et quel marché préfigure le mieux les perspectives de l’économie mondiale? Les deux, peut-être bien. Le contexte actuel du point de vue des marchés financiers se caractérise selon nous par deux forces contradictoires : une amélioration des fondamentaux contrebalancée par des valorisations relativement élevées. Cette opposition engendre à la fois l’apathie des investisseurs et un faible niveau de volatilité.

 

Soutien des fondamentaux mais pression des valorisations

Les fondamentaux de l’économie mondiale semblent se redresser. Plusieurs indicateurs de l’activité, notamment les indices des directeurs d’achats (PMI), affichent désormais une expansion synchronisée aux Etats-Unis, en Europe et parmi les marchés émergents pour la première fois depuis des lustres. Après un premier trimestre décevant, la croissance du PIB américain devrait atteindre près de 3,0% au deuxième trimestre et un peu plus de 2% sur l’ensemble de l’exercice 2017–181. De la même manière, l’Europe semble sortir de sa torpeur. La croissance du PIB réel se rapproche de 2%, le chômage recule, la demande de crédit s’accroît et les craintes de déflation s’apaisent. Les marchés émergents connaissent une accélération impulsée par la Chine, où le taux de croissance s’est stabilisé ces douze derniers mois, et par l’Inde, qui se remet bien de la démonétisation2. En phase avec le raffermissement de la croissance mondiale, les prévisions de bénéfices des entreprises s’orientent à la hausse, apportant un soutien fondamental aux actifs risqués comme les actions et les obligations d’entreprise – la toile de fond est donc loin d’être morose à l’entame du deuxième semestre 2017.

Il faut toutefois garder à l’esprit que derrière ce contexte économique, les valorisations des actifs ne sont pas vraiment convaincantes. Parmi les classes d’actifs générales, nous n’en décelons aucune qui soit indiscutablement bon marché. Selon les banques centrales que l’on inclut dans le calcul, les programmes d’assouplissement quantitatif ont ajouté entre 14 000 milliards et 18 000 milliards USD d’actifs au système bancaire et financier. C’est pourquoi les valorisations des actions internationales sont riches (sans être exorbitantes) tandis que les taux d’intérêt et les spreads de crédit conservent des niveaux bas sur les marchés obligataires dans leur ensemble. En conséquence, les prix des actifs sont confinés dans une fourchette étroite, étayés à la base par l’amélioration des fondamentaux mais avec un potentiel de hausse limité du fait des valorisations excessives. Cette situation à son tour a engendré une diminution globale de la volatilité de la plupart des classes d’actifs depuis la mi-2016.

 

Francois-Xavier Chauchat, Chief Economist, Dorval AM

Participation prudente

Pris entre l’amélioration des fondamentaux et l’influence restrictive des valorisations, les marchés actions internationaux devraient offrir des performances positives au deuxième semestre 2017 et en 2018. Cependant, ces performances reposeront sur «le détachement du coupon» (une expression habituellement réservée aux obligations) tiré de la croissance des bénéfices et non pas sur une augmentation généralisée des ratios cours/bénéfices (PER). Sur les marchés obligataires, la disjonction massive observée au premier semestre 2016 entre taux d’intérêt négatifs (qui rendent onéreuses les obligations de haute qualité) et spreads de crédit élargis (qui rendent les obligations d’entreprise bon marché) est désormais en grande partie éliminée. La faiblesse des rendements pourrait encore inciter les investisseurs à tenter d’exploiter le portage supplémentaire que peuvent offrir les obligations d’entreprise. Cependant, la prudence devrait rester de rigueur à mesure de l’avancement du cycle de crédit.

Les périodes de volatilité anormalement faible ne sauraient durer à jamais. Tout en décelant peu de signes de risques systémiques au niveau de l’économie mondiale, nous pensons que le reste de l’année 2017 est susceptible d’apporter quelques mauvaises surprises et un regain de volatilité. A supposer qu’ils ne remettent pas en cause la tendance positive de l’activité économique, ces revers pourraient être l’occasion d’un rééquilibrage en faveur de meilleures valorisations.

Nous estimons que l’environnement économique mondial reste exceptionnellement favorable aux actions. La croissance du produit intérieur brut (PIB) mondial s’est accélérée à 3,5% au premier trimestre 2017 et pourrait s’approcher de la barre des 4% début 2018. La croissance s’étend désormais au monde entier, seule une poignée de pays de petite taille restant en récession sur les 190 pays pour lesquels le FMI élabore des prévisions. C’est la première fois qu’une telle situation survient depuis les années 2004-2007. Cependant, les taux d’intérêt réels au niveau mondial restent inférieurs au niveau que bon nombre d’observateurs redoutaient au début de l’année. C’est, selon moi, extrêmement positif. Autrement dit, la croissance mondiale se montre de plus en plus satisfaisante mais sans doute pas encore assez forte pour engendrer de l’instabilité.

Les conditions pour les actions européennes devraient rester très favorables, avec une croissance du PIB qui atteint 2% dans la zone euro et une Banque centrale européenne (BCE) qui demeure très accommodante alors que l’inflation reste nettement inférieure au niveau cible. La croissance s’étend désormais à de nouvelles zones économiques, y compris à l’Italie, ce qui contribue au désendettement du secteur bancaire. En outre, la Grèce pourrait bénéficier d’un effacement partiel de sa dette. La croissance moyenne des bénéfices par action des entreprises cotées dans la zone euro a déjà atteint 13% au premier trimestre et devrait selon nous conserver un rythme à deux chiffres largement jusqu’à l’an prochain.

 

Les valorisations augmentent en Europe

L’avantage dont jouissent les actions européennes par rapport aux actions américaines en termes de valorisation a considérablement diminué ces dernières semaines suite à la réduction considérable des incertitudes politiques consécutives à la victoire d’Emmanuel Macron, en France. Depuis le vote en faveur du Brexit en juin 2016 jusqu’aux élections présidentielles françaises, les actions européennes ont affiché une décote de 10% à 15% par rapport aux actions américaines selon nos estimations. Cette décote est désormais plus proche de 5%. Globalement, le ratio cours-bénéfices (PER) moyen à 12 mois des actions de la zone euro a atteint 16,5, contre une moyenne historique à long terme de 14,53. Cependant, la prime de risque associée aux actions de la zone euro reste élevée, les rendements des actions européennes affichant un niveau supérieur de près de 6% à ceux des obligations d’entreprise, contre 3% à 4 % avant la crise de 2008.

 

Opportunités parmi les pays européens périphériques

Alors que la croissance européenne s’étend à la région toute entière et que les risques politiques ont désormais considérablement diminué, les entreprises directement ou indirectement exposées aux pays périphériques de la zone euro pourraient offrir davantage d’opportunités. C’est pourquoi nous apprécions les valeurs financières ainsi que les petites et moyennes capitalisations en Italie, en Espagne et même en Grèce. Nous privilégions également les valeurs les plus sensibles au secteur de la construction et aux dépenses d’investissement en Europe continentale. Nous sommes également attirés par les entreprises européennes exposées à la croissance des marchés émergents, qui selon nous devrait être la dernière à se redresser.

 

Igor de Maack, Portfolio Manager, DNCA FINANCE

Un possible regain de volatilité se profile à l’horizon

La confiance des investisseurs et les valorisations des actions européennes étant désormais beaucoup plus élevées, les risques paraissent plus asymétriques: les fortes anticipations laissent en effet penser que les bonnes nouvelles pourraient avoir un impact moindre et les mauvaises nouvelles un impact plus important sur le marché. En outre, le processus budgétaire aux Etats-Unis cet automne pourrait attiser la volatilité dans la mesure où l’ampleur et le contenu de l’assouplissement budgétaire américain restent entourés de fortes incertitudes. Nos prévisions vis-à-vis des actions européennes restent positives à l’horizon des six mois à venir, particulièrement en ce qui concerne la zone euro. La situation macroéconomique semble s’améliorer sans discontinuer à tous égards quasiment (baisse du taux de chômage, forte accélération de l’attribution de crédit aux ménages et aux entreprises, politique monétaire accommodante). Le risque politique semble également avoir diminué depuis l’élection d’Emmanuel Macron, en France, au mois de mai. Ce leader proeuropéen a déjà annoncé le désir de la France de changer l’Europe et de renforcer la coopération avec l’Allemagne.

 

Les valorisations sont attractives en Europe

Les valorisations des actions européennes nous paraissent attractives, en particulier par rapport aux marchés américains. Le PER 2017 des actions européennes s’établit à 15,4 et présente une décote d’environ 15% par rapport aux actions américaines (à l’aune de l’indice S&P 500®, dont le PER ressort à 17,6). La valorisation du marché actions français est même inférieure (le PER 2017 de l’indice CAC 40 s’établit à 14,8). Nous estimons que les marchés américains surestiment actuellement la croissance du PIB et l’impact des éventuelles mesures budgétaires aux Etats-Unis.

 

Incidences des échéances électorales à venir

Nous rejetons l’hypothèse d’une hausse spectaculaire de la volatilité des marchés européens en septembre sous l’effet des élections en Allemagne, sachant que la Chancelière Angela Merkel a remporté toutes les élections régionales qui ont eu lieu en 2017 (Sarre, Schleswig-Holstein, Rhénanie-du-Nord-Westphalie). De surcroît, la situation politique et économique de l’Allemagne me semble très saine. En revanche, nous pensons qu’un certain degré de volatilité pourrait apparaître à l’approche des élections en Italie. L’hypothèse d’un retour au pouvoir du leader pro-européen Matteo Renzi est susceptible de plaire aux investisseurs, qui pourraient y voir un nouveau pas vers le maintien de l’intégrité de la zone euro. L’expérience passée montre que les investisseurs internationaux peuvent surestimer l’impact des élections sur les valorisations.

 

Risques macroéconomiques au niveau mondial

Le Moyen-Orient est, et restera probablement un certain temps encore, une région à surveiller étroitement et ce pour deux grandes raisons :

  1. C’est la première région productrice de pétrole au monde.
  2. C’est un foyer de conflits armés. Les tensions religieuses entre l’Iran et l’Arabie saoudite ne sauraient être ignorées.

Par ailleurs, l’Asie, sous la houlette de la Chine (économiquement et politiquement parlant) est un rouage essentiel de la tendance de la croissance mondiale.

 

Gisements d’opportunités

Les marchés européens, et notamment les marchés actions de la zone euro, restent favorables à nos yeux. Les places boursières semblent jouir d’une solide dynamique macro et microéconomique. Les dividendes sont actuellement généreux, en particulier parmi les marchés «décotés» de la zone euro (France, Italie, Espagne). L’Asie présente également un intérêt dans la mesure où c’est la région dans laquelle la croissance du PIB est la plus forte (entre 5% et 7% pour la Malaisie, la Chine et l’Inde). Des réformes économiques y sont également en cours (l’Inde est clairement à la pointe à cet égard). La Chine connaît une transition technologique et industrielle massive. Enfin, le retour en force du Japon à la faveur d’un yen bon marché pourrait constituer la plus belle surprise de l’année 2017.

Les grandes tendances mondiales susceptibles (selon nous) d’offrir des opportunités attractives à long terme sont notamment la numérisation, la robotisation, la sécurité informatique, les avancées technologiques dans les domaines militaire et de la défense, l’intelligence artificielle, l’innovation médicale, la transition écologique, l’énergie verte et le vieillissement de la population. Il est certes possible que certains de ces thèmes majeurs soient déjà pris en compte par les investisseurs, mais ces tendances ouvrent de nouvelles opportunités potentiellement créatrices de valeur. Les conséquences de la révolution en cours restent encore mal connues.

 

Télécharger le document Market Insights – Perspectives semestrielles (pdf, 7 pages, en français)

 


1. Estimations consensuelles Bloomberg
2. Programme visant à retirer les grosses coupures du système financier
3. Depuis le lancement de l’indice Euro STOXX 50® le 26 février 1998. L’EURO STOXX 50 est le principal indice des valeurs vedettes de la zone euro. Il fournit une représentation des plus grandes sociétés des super secteurs de la zone euro. L’indice couvre 50 actions de 11 pays de la zone euro : Autriche, Belgique, Finlande, France, Allemagne, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal et Espagne.