La note macro de Nicolas Blanc, Responsable de l’Allocation chez Ellipsis AM.

Le mouvement de baisse des taux engagé depuis le dernier trimestre de l’année dernière vient de s’accélérer en cette fin de trimestre. Les taux négatifs se généralisant en Europe et au Japon, sur des segments croissants de maturités, il est naturel de s’interroger sur la justification et la soutenabilité de ce phénomène.

On doit d’abord constater que la baisse des taux accompagne d’assez près le ralentissement de la conjoncture. L’évolution du bund sur les trois dernières années suit, en tendance, celle du PMI manufacturing allemand. Les projections que l’on peut faire sur la croissance potentielle, au vu de la faiblesse des gains de productivité et de la démographie (Allemagne et Japon en tête), ne suggèrent pas de reprise forte de l’activité à plus long terme.

Les anticipations d’inflation, qui sont centrales dans la formation des taux longs, sont également en baisse. Si l’on retient comme référence le swap d’inflation à 10 ans (pour la zone euro), on observe, entre la fin 2017 et aujourd’hui, une baisse de 45bp, là où le bund a perdu 54bp. Il en résulte que la baisse des taux en termes réels a été en fait limitée, à la différence de celle des taux nominaux. L’élément catalysant la pression baissière sur les taux a été le retournement de la position des banques centrales. C’est la Fed qui a sonné la fin de la «normalisation», en ramenant, en deux FOMC successifs, ses anticipations de hausses des taux de 3 à 0 pour 2019. Le marché anticipe désormais que le prochain mouvement de la Fed sera une baisse. La BCE a suivi le mouvement, comme la plupart des grandes banques centrales, en réduisant ses prévisions de croissance, en repoussant sa guidance pour une hausse des taux et en annonçant un nouveau programme de LTRO.

Finalement, on peut se demander si les niveaux actuels sont soutenables du point de vue des investisseurs. A ce sujet, il faut rappeler que les taux négatifs n’impliquent pas nécessairement des rendements négatifs pour une gestion obligataire. Si l’on maintient une maturité constante assez longue, l’effet de pente de la courbe des taux procure un rendement au portefeuille qui peut compenser le portage négatif. Seul le court terme est condamné à un rendement négatif.

La perspective d’une reprise des achats des banques centrales, qu’un retournement brutal de la conjoncture pourrait déclencher, contribue à maintenir l’intérêt pour les actifs souverains, qui constituent une couverture pour les positions en actifs risqués, soumis à des aléas politiques multiples. Que cette couverture soit assurée avec un rendement (historique) positif est facteur soutenant la demande. Plus généralement, le niveau élevé des endettements publics est également perçu comme une contrainte poussant les banques centrales à maintenir les taux bas. On voit donc que la baisse des taux intervenue ces derniers trimestres se justifie sur le plan économique et financier. Elle repose toutefois, selon nous, en grande partie sur la baisse de l’inflation, dans un contexte où le chômage et les capacités excédentaires de production reculent. Si l’inflation finissait par réagir aux pressions qui historiquement la guidaient, la situation pourrait s’inverser rapidement, avec des impacts très négatifs sur les marchés obligataires.

Brexit: les Communes ont la main

Le dossier du Brexit a reçu son lot hebdomadaire de rebondissements. On notera, après la 3e défaite de Mme May, que, si le Parlement n’a pas trouvé encore de consensus, il semble résolument hostile au hard Brexit et semble s’approcher d’une version plus soft de l’accord de divorce. Seul un accident pourrait donc précipiter le hard Brexit, la direction la plus probable restant un accord ou un délai long permettant d’organiser une consultation, délai que l’UE devrait, selon nous, accepter.