La note macro de Nicolas Blanc, Responsable de l’Allocation chez Ellipsis AM.

L’issue des négociations pour la formation de la «grande coalition» reste encore incertaine, à la veille de la décision du SPD, dimanche, d’y participer. La gauche modérée se trouve prise en tenaille entre la crainte de voir sa popularité s’éroder encore en s’affichant à coté de la CSU et la perspective de provoquer une période d’instabilité politique, avec un gouvernement minoritaire ou de nouvelles élections. Pourtant, l’accord préliminaire qui sera soumis au vote devrait représenter une avancée significative pour le SPD. Sur le plan budgétaire, Il prévoit en effet d’affecter l’intégralité du surplus budgétaire (environ 45Mds) à des programmes sociaux, de défense et en augmentation des retraites, impliquant un très net assouplissement de la discipline budgétaire allemande.

Si l’accord peut être perçu comme insuffisant à gauche, il fait clairement grincer des dents à droite, de nombreux économistes conservateurs considérant qu’il s’agirait d’une erreur historique d’augmenter les dépenses en haut de cycle et que, si l’économie peut apparaître inébranlable aujourd’hui, la détérioration de la situation démographique et la hausse probable des taux devraient radicalement changer la donne d’ici quelques années. Ils pointent également le fait que le taux d’impôts sur les sociétés est l’un des plus élevés de l’OCDE et qu’avec les négociations salariales en cours, l’attractivité économique de l’Allemagne va singulièrement diminuer.

Sur le plan européen, l’accord provisoire est très vague et évidemment bien en retrait des ambitions de Martin Shultz (qui prévoient des Etats-Unis d’Europe, avec une solidarité budgétaire bien plus forte, institués par un nouveau traité à l’horizon 2025). Il offre toutefois une perspective favorable pour l’initiative française dans le domaine européen. Au global, la décision de ce week-end pourrait donc influer sur les marchés d’actifs risqués: −positivement en cas d’accord, avec une perspective de relance budgétaire et de diminution des fragilités de la zone euro, −négativement en cas d’échec.

Pas de répit sur l’obligataire US

A 2,64%, le 10 ans US est au plus haut depuis 2014 (à un niveau annonçant, selon Bill Gross, le début d’un bear market obligataire). Dans le même temps, les anticipations d’inflation continuent de progresser et la probabilité estimée par le marché de voir trois hausses de taux en 2018 a dépassé 50%. Avec un dollar en baisse depuis le début de l’année, les marchés sont en train de digérer les nouveaux éléments du contexte US, caractérisé par une accélération de l’activité, la proximité du plein emploi et une relance budgétaire à venir.

Pour l’instant, le niveau des taux réels, environ 0,3% sur le 5-10 ans, n’est pas une menace pour les marchés, car la croissance réelle reste bien plus forte. Une inversion de cette hiérarchie aurait certainement des conséquences plus inquiétantes. Les marchés souverains européens ont jusqu’ici résisté à la contagion mais le sentiment que l’ajustement du dollar est terminé pourrait mettre les taux sous pression en zone euro.

La BCE est prête à tirer le rideau

Les commentaires de certains gouverneurs suggèrent une évolution dans le message de la BCE, qui pourrait être de fixer à septembre la date de fin du QE, sans tapering supplémentaire. Dans cette hypothèse, il faudrait s’attendre à un regain de vigueur de l’euro et à une nouvelle tension sur les taux.