Nowcasters et vues macro de l’équipe en charge de l'allocation dynamique des stratégies multi-assets d'Unigestion.

Guilhem Savry, Jérôme Teiletche, Jeremy Gatto, Florian Ielpo, Olivier Marciot

Ça n’est un secret pour personne: ce mois de janvier aura délivré des rendements dont les investisseurs se seraient satisfaits sur le semestre si ce n’est l’année.

L’indice MSCI Monde a progressé de 7% depuis le début d’année: un rendement historiquement extraordinaire, comme illustré sur le Graphique 1. Sur les trente dernières années, seules deux années ont vu des performances en janvier supérieures à celles de ce premier mois de 2018: est-ce pour autant le moment de désinvestir?

Graphique 1 : Performance de l’indice MSCI Monde les mois de janvier (1980-2018)

Ce rallye action s’est accompli sur la base d’éléments solides: au-delà de la fantastique profitabilité des entreprises qui n’est plus à débattre, le rythme d’amélioration de la croissance mondiale et donc des résultats des entreprises est remarquablement synchronisé de par le monde.

Comme illustré sur le Graphique 2, notre «nowcaster» de croissance a retrouvé des plus hauts atteints pour la dernière fois en 2003-2004. Plus encore, c’est la cohérence de l’évolution qui est particulièrement marquante à ce moment du cycle: comme illustré sur le Graphique 2, si il arrive souvent qu’une sortie de récession s’opère dans un même temps pour une majorité de pays (émergents comme développés), une accélération jointe après plusieurs années de croissance est particulièrement rare: à ce jour, selon nos estimations, 60% des économies que nous suivons (recouvrant 85% du Produit Intérieur Brut mondial) ont une croissance surpassant leur potentiel, quand les 40% restants croissent à un rythme proche de leur potentiel. La bonne tenue des publications de résultats pour le quatrième trimestre 2017 n’est de ce point de vue pas une surprise. En comparant côte à côte le pourcentage de pays croissant au-dessus de leur potentiel et les rendements du mois de janvier, à la fois 1987 et 1994 correspondent à des périodes d’extrême synchronicité économique.

Graphique 2: «nowcaster» de croissance Unigestion, par niveau agrégé (gauche) et pourcentage de nowcasters positifs (droite)
Source : Bloomberg, Unigestion.

La question naturelle qui suit cet état de fait est bien évidemment celle de la durabilité de la tendance actuelle. Si le rallye 2017 s’est accompli sur base d’une liquidité abondante et d’un effondrement de la volatilité, nous pensons que le mois de janvier émet des signaux assez différents.

Tout d’abord, avec la première réunion de la Banque Centrale Européenne, un ton différent commence à émerger du côté des banques centrales, vers une normalisation monétaire que les marchés obligataires de court terme ont commencé à saluer, entraînant avec eux celui des changes.

La récente déconfiture du Dollar en est la première victime: la monnaie américaine a reculé de 3.5% en janvier à mesure que les marchés ont continué à intégrer le fait que la musique monétaire allait prochainement s’arrêter à mesure que le monde n’en émet plus le besoin: du point de vue de notre «nowcaster» d’inflation en Graphique 3, la normalisation de l’inflation poursuit sa route, pesant dans la balance des banquiers centraux. Si la baisse du Dollar est le symptôme, le cœur du phénomène est à rechercher du côté des marchés monétaires : les spreads entre Libor et OIS s’écartent depuis quelques semaines à mesure que la liquidité devient moins abondante.

Graphique 3: «nowcaster» de stress de marché (gauche) et d’inflation (droite)
Source : Bloomberg, Unigestion.

Cet écartement est particulièrement important pour la situation actuelle dans la mesure où historiquement il a eu tendance à emporter avec lui la volatilité des marchés – la seconde différence de ce mois de janvier. Une fois n’est pas coutume, le présent rallye action s’est ainsi accompli sur fond de remontée du VIX, l’indice de volatilité implicite du S&P500.

S’appuyant sur ces différents éléments (spreads monétaires et de crédit et volatilité), notre nowcaster de stress de marché a très logiquement commencé à pointer vers un accroissement des tensions de marché en janvier, tel qu’illustré sur le Graphique 3: les tensions montent et les marchés sont hauts, un cocktail dangereux à court terme.

Quid de la suite de l’histoire? Notre vision de moyen terme reste inchangée : le risque de récession est faible et la normalisation de l’inflation toujours en cours, créant un environnement globalement positif pour les marchés à l’exception des obligations d’état et de la partie la plus sûre de l’univers du crédit.

Graphique 4 : Rendements actions 3 mois avant et après une performance d’au moins 6% sur un mois (gauche) et performance cumulée rebasée du Dollar index
Source : Bloomberg, Unigestion.

A plus court terme, la situation est selon nous bien différente : comme illustré sur le Graphique 4, si l’histoire peut nous servir de guide, la plupart des mois avec des rendements supérieurs à 6% suivent des périodes de performances négatives et sont suivies par des périodes de rendement positifs. Ce mois de janvier est une anomalie statistique de ce point de vue: il fait déjà suite à une période de rendement très positifs. A courte terme nous avons cessé d’être positifs sur les marchés actions.

Second élément, la poursuite de la normalisation monétaire devrait continuer de peser sur le Dollar, et comme illustré sur la partie droite du Graphique 4, ce type de tendance n’est que très rarement de court terme, pouvant durer de nombreux mois. A ce stade de l’année, nos convictions sont les suivantes:

  • Nous continuons à être sous-pondérés en obligations d’Etat, sur lesquelles devraient à la fois peser la situation d’excellente croissance mondiale et de normalisation d’inflation;
  • La montée des tensions en termes de liquidité nous amène à être sous-pondérés en crédit;
  • A court terme, nous pensons qu’une surpondération actions développées contre une sous-pondération actions émergentes peut aider à traverser une période de prise de profit, sans pour autant sortir du marché action;
  • Enfin, nous pensons qu’une position acheteuse de VIX et de Yen contre Dollar peut apporter à un portefeuille un certain niveau d’assurance permettant de mieux traverser une période de stress de marché temporaire, ajoutant de l’asymétrie à un portefeuille multi actifs.