La mise à l’arrêt d’une partie de l’économie chinoise pour endiguer l’épidémie de coronavirus expose les autres pays, dont les États-Unis, à deux risques. D’une part, une perturbation de la chaîne de production si des biens intermédiaires venant de Chine viennent à manquer. En l’absence de données rapidement disponibles, on ne peut ici que spéculer. D’autre part, une baisse de la demande finale en Chine. On examine ici l’exposition des multinationales US. Leurs ventes en Chine font 1.9% du total. Cette part monte à 2.9% pour le secteur industriel pour lequel la Chine était un des rares relais de croissance ces dernières années.

Focus US par Bruno Cavalier, Chef Economiste et Fabien Bossy, Economiste

 

Diverses informations anecdotiques suggèrent que la remise en route de l’économie chinoise ne sera que progressive, les autorités arbitrant entre les contraintes sanitaires (endiguer l’épidémie) et les contraintes économiques (recréer des conditions normales de travail et de demande). Plus longue est la perturbation, plus grand est le risque que les autres pays en pâtissent. Il n’y a pas de données fiables, complètes et rapidement disponibles sur l’ampleur des perturbations. Il y en a sur le degré d’exposition. Les exportations US de biens et services vers la Chine pèsent 164Md$, soit 0.8% du PIB.

De manière plus fine, il existe une enquête du BEA sur l’activité de multinationales US. Nous regardons ici les chiffres de ventes, moins susceptibles d’être affectés par des arbitrages fiscaux que les profits. En 2017, la dernière année disponible, les filiales des multinationales américaines en Chine ont réalisé 376 Md$ de ventes, soit 1.9% du total1 (tableau).

US : répartition des ventes des multinationales

US : revenus d’investissement direct à l’étranger

Pour l’ensemble de la zone Asie-Pacifique, cela représente 9% du total. Ces chiffres sont en ligne avec les revenus d’investissement direct où la part de la Chine est également assez faible, à 2.4% du total (graphe). Toutefois, les expositions ne sont pas homogènes. Il y a des écarts importants entre secteurs. Dans l’industrie et le commerce de gros, les ventes des multinationales US en Chine avoisinaient 3% du total en 2017. Pour ces deux secteurs, seules la Chine a représenté un moteur de croissance depuis 2012. Dans le secteur des services, la part des ventes en Chine est bien plus faible (0.7%) et la croissance est venue aussi des autres zones. Au total, on serait tenté de conclure que les entreprises US ne sont que faiblement exposées, moins en tout cas que les firmes européennes (les exportations de la zone euro vers la Chine pèsent 2.0% du PIB par exemple). Un recul des ventes, même très fort, pourrait être absorbé. Un risque le plus grand porte sur l’intégrité des chaines de production. La Chine représente 18% des exportations manufacturières dans le monde. Ce sont des biens intermédiaires qui feront défaut pendant un temps.

A suivre cette semaine

Il faudra suivre avec attention les premières enquêtes industrielles de février, car ce sont les premières réalisées depuis que l’épidémie de coronavirus est devenue un sujet de préoccupation planétaire il y a trois semaines. Seront publiés l’indice de la Fed de New York (le 18), celui de la Fed de Philadelphie (le 20) et surtout l’estimation flash des enquêtes PMI, non seulement aux États-Unis mais aussi en Europe et au Japon (le 21). Compte tenu de la place de la Chine dans la chaîne de valeur globale, il serait étonnant que le reste du monde, et surtout le secteur manufacturier, ne soit pas affecté par les arrêts de production en Chine (voir Flash éco du 6 février : « Isoler la chine – Trump en a rêvé, le virus l’a fait« ). Les autres statistiques d’intérêt concernent la construction résidentielle : indice de confiance NAHB (le 18), mises en chantier (le 19), ventes de maisons existantes (le 21). Les minutes de la réunion du FOMC du 29 janvier 2020 sont à paraître le 19.

 

Sources : BEA, Thomson Reuters, Oddo BHF Securities


1. Ces chiffres portent sur les filiales détenues à majorité par des entreprises américaines. En englobant les filiales avec une part minoritaire, la part des ventes en Chine monte à 2.7%.