L’année 2020 met en lumière les lacunes des systèmes de santé des pays occidentaux. La crise de la COVID-19 pourrait accélérer une transformation de nos organisations médicales grâce aux nouvelles technologies. L’e-santé est peut-être en train de naître en cette année 2020.

La santé : un enjeu majeur

Coût de la santé et âge médian en Suisse

Les caisses de pension connaissent bien la problématique de l’allongement de la durée de vie. Elles sont contraintes de baisser leurs taux de conversion et donc leurs rentes. L’allongement de la durée de vie, tout comme le vieillissement de la population, sont à mettre en relation avec des dépenses de santé toujours plus élevées.

En 50 ans, en Suisse tout comme dans l’ensemble des pays occidentaux, les dépenses de santé ont plus que doublé en proportion du PIB. Cette croissance est ininterrompue et régulière. Les dépenses de santé sont deux fois plus élevées que les dépenses dans l’éducation. Le coût annuel par habitant du système de santé suisse atteint presque CHF 8’000.- par an. Seuls les Etats-Unis font mieux avec plus de USD 11’000.- par habitant et par an. Ce sont donc des montants colossaux qui sont dépensés année après année dans ce secteur.

Les coûts atteignent désormais un seuil qui conduit l’industrie à subir une pression importante de la part des gouvernements et des assurances pour faire baisser les prix.

C’est ce qui explique en partie la réduction du nombre de lits, en particulier de soins aigus lors de la dernière décennie dans certains pays, France en tête.

Coût de la santé annuel moyen par tête (USD)

Le système de santé en mutation

Nombre de télévisites aux USD (millions)

La recherche médicale, consciente de ces enjeux, vit une période de transformation sans précédent. La médecine, s’appuyant sur les nouvelles technologies de l’information, devient progressivement l’e-santé.
L’Institut Montaigne en France publiait en juillet 2020 un rapport présentant des propositions concrètes quant à l’intégration du numérique afin d’améliorer le système de santé. Cinq axes ont été identifiés:

  • L’autonomisation des patients qui peuvent mieux suivre leur maladie ou interagir avec le système de soin. Ils deviennent de véritables acteurs de leur santé;
  • La dématérialisation des échanges facilitant la transmission d’information;
  • La télémédecine facilitant l’accès aux soins ou l’orientation des patients, résolvant la problématique des déserts médicaux;
  • Les outils numériques, l’intelligence artificielle et l’automatisation améliorant la performance des équipes;
  • L’amélioration des processus rendus plus fiables et sûrs.

Le secteur de la santé est aujourd’hui un des secteurs les moins digitalisés mais les comportements commencent à changer avec par exemple des téléconsultations qui augmentent progressivement. Elles dépassent 30 millions par an aux Etats-Unis actuellement.

Une révolution numérique

Projections 2025 en Exabytes

La santé débute sa révolution numérique. Une révolution de la donnée de santé. Ce qui caractérise le mieux ce changement de paradigme est probablement la recherche génomique. Alors que le séquençage de l’ADN coûtait en 2003 plus de USD 100’000, il coûte désormais USD 600 par génome. Nous sommes dans une ère du séquençage de masse. Une partie des vaccins Covid-19 sont d’ailleurs de nouvelles générations utilisant l’ADN.

Ces nouvelles capacités conduisent à une accumulation de données considérables. Les données d’ADN représentent le plus grand ensemble de données de l’histoire de l’humanité avec une projection en 2025 de 40 Exabyte, un Exabyte étant l’équivalent d’un milliard de GB.

Volonté des américains de partager les
données de santé avec les compagnies
technologiques, 2019 (%)

Selon l’Université de Stanford, le volume total de données liées à la santé pourrait atteindre dans les années à venir plus de 2300 Exabytes.

L’intelligence artificielle et le «machine learning» vont permettre des traitements personnalisés. La médecine évolue vers une individualisation totale des traitements.

Ce changement de paradigme passe par des changements de comportement de la population qui devra accepter de fournir des données aux sociétés informatiques. Un taux d’acceptation de partage qui progresse et qui dépasse les 50% pour les plateformes de Google.

Les applications liées à la santé de multiplient. Près de 50’000 existent déjà sur l’Apple store.

L’application «Stop Covid» n’est donc qu’une application parmi tant d’autres dans des domaines très larges (sommeil, méditation, nutrition,..)

Nombre d’applications de santé dans l’Apple Store

Un marché en devenir

Principales sources de revenu pour les
applications de santé mobile 2018 (%)

Les applications liées à la santé ont l’avantage de pouvoir générer des revenus grâce à différents vecteurs. L’abonnement est le plus visible mais il convient d’ajouter beaucoup d’autres possibilités (sponsoring, ventes d’appareils, …).

Le domaine de la santé mobile anticipe de générer 250 milliards de chiffre d’affaires d’ici à 2025. La santé mobile a donc un bel avenir devant elle, tout comme l’ensemble du marché lié à la santé digitale.

Le nombre de levées de fonds liées à l’e-santé ne fait que progresser. Près de 14 milliards ont été levés en 2018 sur 800 transactions. Le domaine suscite donc un véritable intérêt des investisseurs.

Revenus mondiaux de la santé mobile (milliards USD)

Montants levés et nombre de transactions

La croissance de l’ensemble du secteur se réalisera grâce au développement de la télésanté, de la santé mobile, des analyses de données de santé ou des systèmes digitaux. Aux Etats-Unis la taille du marché devrait tripler en quatre ans.

Le marché mondial représentera selon Market Global Insight en 2026 près de 600 milliards d’USD.

La crise du Covid n’est donc probablement qu’un accélérateur de la mutation de notre système de santé. On comprend l’importance qu’accordent les GAFA à la biotechnologie depuis de nombreuses années. Ils sont en passe de devenir des acteurs incontournables de la santé numérique.

Taille du marché de la santé digitale aux USA (milliards)

Reste à savoir si Google, Apple et toutes les sociétés numériques adhèreront au serment d’Hippocrate.

 

Sources : Abaris Investment Management, Appfigures, Business Insider, IQVIA, National Huma Research Institute, OCDE, OFS, Rock Health, Stanford Medicine, StartUp Health, Statista, The insight partners, XO Investments