Le déficit du budget fédéral américain est parti pour s’établir à environ 4.2% du PIB sur l’année fiscale 2019. Dans une économie qui croît depuis dix ans et est au plein-emploi, c’est plutôt élevé – mais moindre que ce qui était prévu quand la réforme fiscale a été votée fin 2017. Cette réforme serait-elle auto-financée? Non. L’explication tient surtout à la hausse des taxes douanières… supportées par les contribuables américains. On stimule d’un côté, on reprend de l’autre. Drôle de manière de conduire la politique économique! On ne doit pas attendre plus de clarté alors que se profilent les problèmes du budget 2020 et du plafond de dette.

Par Bruno Cavalier, Chef Economiste et Fabien Bossy, Economiste

 

US : solde du budget fédéral (cumul sur l’année fiscale)

Sur l’année fiscale 2017, la dernière avant la « réforme fiscale », le déficit du budget fédéral s’élevait à 3.5% du PIB. Le Congressionnal Budget Office estimait alors que, compte tenu des baisses d’impôt, le déficit allait augmenter à 4.6% du PIB en FY2019. Au vu des données des neuf premiers mois de l’année, le point d’atterrissage devrait en fait se situer à 4.2% (graphe du haut). Dans sa dernière estimation, le CBO prévoit des chiffres équivalents en 2020 et 2021. Cette révision tient à deux facteurs. L’un, technique, est une modification des dépenses prévues pour cause de catastrophe naturelle. L’autre, beaucoup plus significatif, est l’envolée des recettes douanières (graphe du bas). En mai dernier, le CBO estimait qu’il y avait là 0.2 point de PIB de revenus.

US : recettes douanières (cumul sur douze mois)

Après la hausse des droits de douane de 10 à 25% sur environ 200 Md$ d’importations venant de Chine, ce chiffre pourrait doubler. Contrairement aux affirmations répétées de Donald Trump, ce ne sont pas les Chinois qui remplissent les caisses de l’État fédéral, mais les contribuables américains. La guerre tarifaire a permis de limiter le dérapage du budget fédéral, mais ce faisant, elle a réduit la stimulation budgétaire. Ces recettes douanières ne sont d’ailleurs qu’un pis-aller, non un mode de financement pérenne. Plus les droits de douane sont élevés, plus grand est le risque que les échanges ainsi taxés se réduisent, et avec eux, l’assiette de l’impôt.

Qu’en est-il du côté des dépenses ? Chaque politicien, quel que soit son camp, est en principe favorable à une hausse des dépenses d’infrastructure, à condition d’être le seul à en tirer quelque crédit. Il est difficile d’imaginer que Trump et ses adversaires démocrates puissent s’entendre à l’approche de la campagne électorale de 2020. Pour corser la discussion, va se poser une nouvelle fois le problème du plafond de la dette. Ce plafond est atteint depuis mars. Le Bipartisan Policy Center estime qu’il devra être relevé ou suspendu début septembre, à défaut de quoi le Trésor ne pourra plus payer ses créanciers. Le risque de défaut est purement théorique mais les discussions au Congrès seront l’occasion de montrer les divergences d’objectifs entre Républicains et Démocrates. Une fois de plus, l’année fiscale 2020 débutera le 1er octobre sans qu’un budget n’ait été voté. L’an dernier, cela avait conduit au shutdown.

Politique monétaire, budgétaire et commerciale

Dans la déclaration préliminaire à ses auditions auprès des comités du Congrès, le 10 juillet, le président de la Fed a dépeint les perspectives de l’économie comme étant solides mais entachées d’incertitudes et exposées à divers risques baissiers. Parmi les éléments d’incertitude, Jerome Powell a nommément cité trois problèmes: les relations commerciales, le plafond de la dette fédérale et le Brexit. Il a aussi évoqué le risque que la faiblesse de l’inflation soit plus persistante qu’initialement envisagé. Il n’y a vraiment rien de nouveau ou de surprenant dans ces remarques. Elles ont donc été interprétées comme validant l’attente d’une baisse de taux à la réunion du FOMC du 31 juillet. Au 11 juillet, le marché des contrats futures sur fonds fédéraux donnait les probabilités suivantes: 83% pour une baisse de taux de 25bp, 17% pour une baisse de 50bp.

Dans la guerre tarifaire, un apaisement est visible sur les fronts majeurs, que sont la Chine et le Mexique. Cela n’exclut pas des escarmouches sur des fronts plus limités. L’Inde, qui avait subi des droits de douane sur ses exportations de métaux industriels l’an dernier, a été exclue du Generalized System of Preferences, un régime avantageux pour les pays en développement. Elle a donc annoncé des mesures de rétorsion, suscitant la réaction irritée de Donald Trump (9 juillet). Le président US a aussi demandé l’ouverture d’une enquête au titre de la section 301 concernant le projet de taxe GAFA adopté en France (10 juillet).

A suivre cette semaine

Les premières enquêtes manufacturières de juillet sont attendues le 15 juillet (NY Fed) et le 18 (Philly Fed). Le mois dernier, le sentiment avait fléchi, en réponse aux incertitudes commerciales. L’enquête de la Fed de New York avait ainsi été faite au moment où Donald Trump menaçait de taxer les importations mexicaines. Cette menace est levée. Le dialogue avec la Chine est renoué. Il est donc permis d’espérer une amélioration cette fois-ci.

Les ventes au détail (le 16) sont à nouveau attendues en hausse (+0.2% en juin), confortant les attentes d’un net rebond des dépenses de consommation des ménages au T2. Le Livre Beige (le 17) aura été compilé en large partie avant le dernier sommet du G20 et devrait porter la trace des incertitudes commerciales. Il devrait décrire une économie américaine en croissance modeste, dans la ligne de la description faite cette semaine par Jerome Powell.

 

Sources : Thomson Reuters, Oddo BHF Securities